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Migrations clandestines : La stratégie nationale marocaine

Publié le lundi 7 novembre 2005 à 08h36min

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Le Maroc, de par sa situation géographique, est le pays de transit par excellence vers l’Europe. Ce faisant, il connaît un flux de migrants subsahariens surtout dans les présides de Sebta et Melillia, à la recherche d’une vie meilleure. Mais cela n’est pas sans lui causer des tourments. Pour faire face au fléau, le Maroc a mis en place une stratégie nationale.

Ces cinq dernières années, la physionomie de la migration illégale ne répond plus au schéma classique jadis caractérisé par des tentatives isolées. Aujourd’hui, cette activité est instrumentalisée par des réseaux mafieux voire criminels. Bien structurés dans leur fonctionnement et manifestations, ces réseaux font leur bonheur sur le dos des migrants clandestins.

Leurs machinations imposent et exigent aussi bien des pays pourvoyeurs, des pays de transit que des pays de destination des migrants illégaux des réactions adaptées, efficientes et responsables.

En attendant que les pays directement concernés adoptent leur part d’actions préventives et curatives, le royaume du Maroc, cette porte ouverte vers l’Europe et qui connaît un flux migratoire massif de clandestins provenant pour l’essentiel de l’Afrique subsaharienne, a développé une stratégie nationale pour faire face au fléau. Cette stratégie concilie les aspects législatif, institutionnel, sécuritaire ainsi que la coopération internationale et la sensibilisation.

Au plan législatif, la loi 02-03 en vigueur depuis novembre 2003, fixe les critères et les conditions d’entrée et de séjour des étrangers au Maroc, ainsi que leurs droits et devoirs. Elle codifie les infractions liées à l’émigration et à l’immigration irrégulières. Dans ce sens, le trafic des migrants est criminalisé et ses commanditaires passibles désormais de peines de prison allant de 10 ans à la perpétuité.

Dans le domaine institutionnel, la mise en place de la direction de la migration et de la surveillance des frontières, ainsi que la création de l’Observatoire national de la migration témoignent de la volonté du royaume chérifien de mieux « rationaliser ses méthodes de travail, d’affiner ses outils d’analyse et de proposer des actions à même de maîtriser la gestion du phénomène migratoire ».

Au plan sécuritaire, la stratégie de lutte privilégie « une démarche de proximité et de prévention, à travers un travail de renseignements pour faire avorter les tentatives d’immigrations clandestines ».

Cette approche est renforcée par un déploiement d’environ 7000 éléments de la sécurité marocaine dont 4300 sont conviés à la surveillance du littoral. Après les événements dramatiques de la nuit du 5 au 6 octobre 2005 dans les présides de Sebta et Melillia, ces unités ont été renforcées par 4000 personnes.

Au niveau de la coopération internationale, la démarche se fonde sur le principe de la responsabilité partagée. Ainsi, avec l’Espagne son voisin, des patrouilles maritimes, aériennes et terrestres mixtes entre la gendarmerie royale marocaine et la guardia civile espagnole sont organisées depuis février 2004 aux fins de mieux contenir le phénomène migratoire clandestin.

Avec l’Union européenne, le Maroc et la Commission européenne ont signé la convention de financement d’un programme de gestion des contrôles frontaliers avec un budget d’environ 27 milliards de F CFA. En collaboration avec les pays africains d’où sont originaires le plus souvent les migrants clandestins, le Maroc procède à des opérations de retour volontaire.

Ainsi, 2542 ressortissants de ces pays ont été rapatriés. Les contingents les plus importants ont été effectués en direction du Mali avec 1135 rapatriés, du Sénégal avec 1121 personnes, du Cameroun avec 129 personnes et de la Guinée avec 93 personnes. Ces opérations ont été financées exclusivement par le Royaume du Maroc.

Avec les pays du Nord, la coopération dans l’optique de la lutte contre les migrations clandestines, se limite pour le moment aux déclarations de bonnes intentions.

S’agissant de la communication et de la sensibilisation des candidats potentiels à la migration clandestine, le Maroc a initié divers supports médiatiques portant sur les dangers et les risques qu’ils encourent et mettant en relief l’exploitation dont ils sont l’objet par les réseaux mafieux. Ces supports médiatiques insistent également sur les opportunités de migrations légales comme solution.

La stratégie nationale migratoire initiée par le Maroc pour faire face au phénomène de la migration a eu des résultats concrets. Ainsi, pour les trois trimestres écoulés de cette année, 26 000 tentatives d’immigrations clandestines ont avorté, environ 300 réseaux de trafic de migrants, démantelés, 6167 immigrants clandestins, arrêtés, 136 actions de ratissage, effectuées dans les forêts de Gourougou et de Rostogordo.

Tous ces efforts combinés ont permis de réduire de 40% les tentatives d’immigrations clandestines et de 25%, l’émigration clandestine d’origine marocaine.

L’Afrique face à ses responsabilités

Conscient des dangers du fléau de l’immigration clandestine, le Maroc n’a donc pas attendu le déclenchement des assauts d’envergure de clandestins sulsahariens de ces derniers temps, pour engager des actions à même de freiner un tant soit peu le phénomène.

Et sans les efforts déployés par les autorités marocaines à travers la stratégie nationale migratoire, l’ampleur de ces assauts serait autrement plus considérable. Il reste que la maîtrise totale du phénomène migratoire ne saurait se faire que par le biais « d’une coopération régionale étroite et d’une coopération à l’échelle internationale plus affinée et plus efficiente ». D’où l’appel du Maroc à l’Algérie afin qu’elle agisse activement et sans complaisance pour la sécurisation et l’imperméabilisation de ses frontières et à la communauté internationale, notamment à l’Union européenne pour qu’elle satisfasse à son « devoir responsable de coopération et d’aide » à l’Afrique subsaharienne pourvoyeuse des immigrants. Aussi les autorités marocaines exhortent l’Europe « à développer un vrai plan Marshall pour l’Afrique ».

Un plan Marshall pour l’Afrique ! L’idée n’est pas nouvelle. S’il venait à voir le jour, ce serait tant mieux. Dans le cas contraire, il est du devoir collectif de l’Afrique, si elle ne veut pas être l’éternelle assistée, de s’assumer sans complexe. Il ne s’agit pas pour elle de cultiver un repli sur soi mais de savoir compter d’abord sur ses propres forces et potentialités.

L’histoire certes nous apprend que dans les rapports de force qui ont régi la marche des continents, l’Afrique est ce continent qui a le plus croupi sous les coups administrés à des fins d’exploitations économiques, de dévalorisation culturelle, de dépersonnalisation.

Le fardeau est lourd à porter. Mais il importe aujourd’hui pour l’Afrique d’être une école de mobilisation et de reprise de l’initiative créatrice pour fonder son développement sur les valeurs de l’imagination, de l’ingéniosité. Encore faut-il qu’elle sache tirer les leçons de ses échecs pour bâtir ses piliers sur les ruines de la désunion, des querelles de clocher entretenues des années durant pour empêcher les Africains de s’apprécier, de se connaître, de vivre ensemble et de regarder ensemble l’avenir. Ainsi conçu, l’Afrique ne peut pas et ne doit pas échouer. Le pari est un défi.

Sita TARBAGDO,
envoyé spécial au Maroc


Ils ont dit

Taib Fassi Fihri, ministre délégué aux Affaires étrangères et à la Coopération

Ce que nous souhaitons, c’est que nous puissions avec l’accord des gouvernements des pays africains, harmoniser nos points de vue sur la problématique des migrations clandestines avant de nous présenter devant l’Union européenne. Elle a des obligations en matière d’aide au développement de l’Afrique ... Compte tenu du vieillissement de sa population, l’Europe aura toujours besoin d’une présence étrangère.

Si après la guerre, elle a bénéficié d’un plan Marshall pour se remettre sur les rails, pourquoi pas l’Afrique ?

El Mustapha Sahel, ministre marocain de l’Intérieur

La migration est un phénomène naturel. Malheureusement, elle a été dévoyée par des bandes mafieuses qui excellent dans le commerce des êtres humains. C’est illusoire de croire que le volet sécuritaire est la seule solution au phénomène de la migration clandestine. Il faut développer de la part de l’Europe, une véritable aide importante et forte pour donner aux jeunes Africains les forces de pouvoir construire leur avenir dans leurs pays. Cela passe par un plan Marshall pour l’Afrique.

Nabil Benabdallah, ministre marocain de la Communication, porte-parole du gouvernement

Le Maroc n’a déposé aucun subsaharien au Sahara. Le faire serait passer à côté de ce qui fait son âme africaine, son appartenance africaine.

Face à l’Europe qui développe aujourd’hui une politique de fermeture totale, le Maroc, pays de transit des migrants vers ce continent, se trouve dans une posture inconfortable. C’est dans un véritable devoir collectif de solidarité, de coopération et d’ouverture que réside la solution au phénomène des migrations clandestines. Que l’on cesse alors d’acculer le Maroc.

Au-delà de leur nationalité d’origine, les autorités marocaines considèrent que les victimes des incidents d’octobre 2005 sont avant tout des Marocains.

Abdelhaq Tazi, président de l’Association des amis des étudiants étrangers au Maroc)

Le déplacement de populations pauvres vers des pays riches est un phénomène qui existe depuis la nuit des temps. Et jamais la force seule n’a résolu ce problème. Ce n’est pas non plus en érigeant des cercles concentriques de grillages ou de béton que les autorités espagnoles occupantes vont le résoudre... Il s’agit de respecter le droit élémentaire de l’Homme d’exister et de vivre. (In L’Opinion du 12 octobre 2005).

Le Comité exécutif du parti de l’Istiqlal

Nous insistons sur la nécessité de traiter les immigrés clandestins, victimes de la pauvreté, du sous-développement et l’absence de démocratie, de manière humaine, en préservant leur dignité.

S. T

Sidwaya

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