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Médias : « Radio Poura, c’est ce que la SOREMIB a laissé et qui fonctionne toujours normalement », Patrice Nabié, chef de station

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Publié le vendredi 9 juillet 2021 à 22h05min

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Médias : « Radio Poura, c’est ce que la SOREMIB a laissé et qui fonctionne toujours normalement », Patrice Nabié, chef de station

La radio municipale de Poura est l’une des merveilles de la commune. Depuis 1986 elle émet sur la bande 98.00 en fréquence modulé. Elle produit particulièrement des émissions de sensibilisation. La fréquence des mines est le symbole encore vivant et fonctionnel de l’ancienne Société de Recherche Minière (SOREMIB). Aujourd’hui, la radio se bat pour survivre. Pour cause, les moyens font défauts. C’est ce que Patrice Nabié, chef de la station nous a confié au cours d’une visite que nous avons rendue à la radio. Entretien !

Lefaso.net : Présentez-nous la radio Poura

Patrice Nabié : Radio Poura c’est une histoire. Elle existe depuis 1986. Avec la décentralisation, en 2012 le ministère de la Communication l’a transférée à la commune de Poura. Elle est devenue une radio municipale. Notre lettre de mission, c’est accompagner la mairie dans toutes ses actions de développement. Nous devons aussi accompagner la population dans tout ce qu’elle entreprend. Nous faisons dans la communication pour le développement. C’est dire donc que nous accompagnons les communes de Poura, de Fara dans ce qu’elles entreprennent.

En tout, je peux dire que la radio municipale de Poura, c’est accompagner le conseil municipal, c’est accompagner la population, c’est accompagner tout ce qui est monde associatif dans le besoin de communication, dans la sensibilisation. Quand on prend certains domaines comme la santé, il faut sensibiliser, au niveau du civisme il faut sensibiliser. C’est tout ce que nous menons comme action au niveau de la radio.

Quel est votre rayon de couverture ?

La radio municipale a un rayon de 80 kilomètres. Donc en tout, nous couvrons toute la province des Balé, une partie du Tuy, une partie de la Sissili, une partie du Sanguié. On a par exemple la commune de Silly, de Niabori, la commune de Koty dans le Tuy. Ici, on a Zawara dans le Sanguié, une partie de Pouni. Ça fait tout ce monde que nous couvrons.

Quelles sont les émissions phares de la radio ?

Les émissions phares développées, c’est surtout les émissions sur l’agriculture. Nous sommes dans une commune rurale où le rayon qu’on couvre, la grande partie, c’est le monde agricole. Nos grandes émissions sont surtout destinées au monde agricole. Actuellement on est en hivernage, c’est donner les informations sur les techniques de culture agricole, comment utiliser les engrais ainsi de suite.

En dehors de ça, il y a des émissions de santé. Nous sommes en milieu rural, il faut parler santé. Il y a le paludisme, il faut produire des émissions pour sensibiliser les gens. On a beaucoup de partenaires qui nous accompagnent dans ce sens. Il y a le planning familial, le suivi des enfants…

Quel est le retour de vos auditeurs au sujet de vos émissions ?

Le retour que nous avons de ceux qui nous écoutent, c’est surtout à travers les émissions interactives. Ils font des appels téléphoniques. Avant dans le vieux temps, il y a ce qu’on appelait le concert des auditeurs où les gens écrivaient. Nous recevons des lettres, des demandes de musique… c’est la vieille époque.

Aujourd’hui, ça n’existe pas. Le retour, c’est travers les appels téléphoniques et les messages que nous recevons. On peut trouver quelqu’un qui dans un village lointain appelle pour dire qu’il écoute la radio et qu’il est fier de nous. Il y a d’autres qui ont la possibilité de passer sur internet. Nous on est surtout beaucoup avec le monde rural. Il y a des localités où on n’a pas encore la connexion.

Comment faire pour capter radio Poura ?

La radio Poura évolue sur la fréquence de 98.00 FM. Elle a cette fréquence depuis 1986.

La radio Poura a été créée depuis 1986

Vous êtes en milieu rural, quelle est la particularité du métier du journaliste ?

Notre particularité est que nous sommes très célèbres. Quand un animateur arrive dans un village, on dit, ah voilà un animateur de radio Poura. C’est une célébrité. Les gens veulent nous voir. Ils disent que nous avons écouté telle émission de vous, on est contents. Il y a des effets directs. Le fait de communiquer directement avec les gens, c’est intéressant. C’est une radio de proximité. On est au cœur de tous les événements. Si un événement se passe dans le village, on est ensemble.

Quand nous prenons tous les villages qui nous entourent, ce sont des villages que nous connaissons. Ce sont des villages qui ont vu évoluer la radio. Ils sont restés fidèles à cette radio. On essaie de les servir. Quand les événements, que ce soit les baptêmes, les mariages, ces mêmes populations partagent leurs joies et leurs peines avec la radio et nous aussi nous compatissons.

Quelles sont les difficultés rencontrées ?

Il faut d’abord dire qu’il y a un problème. Il y a au moins cinq à six radios qui sont dans cette situation. Les radios ont été transférées aux mairies. Mais nous n’avons pas droit à la subvention. Pourtant, nous sommes des radios en commune rurale où pour faire des recettes, ce n’est pas aussi aisé. On nous demande de payer l’ARCEP (Autorité de Régulation de la Communication Electronique et des Postes) et le BBDA (Bureau Burkinabè du Droit d’Auteur).

Les autres radios qui sont des radios privées, elles reçoivent la subvention de l’Etat. Quelqu’un qui reçoit autour de quatre millions de FCFA, s’il paie BBDA 500 000 FCFA et l’ARCEP 500 000 FCFA, ça l’arrange. Nous, on ne nous donne pas tout ça. On ne nous accompagne pas et on nous demande en retour de payer. Vous voyez que quelque part, c’est une difficulté. Avant que les radios ne soient transférées, il y avait la direction de développement du média qui nous accompagnait sans la subvention. La direction donnait au moins autour de 1 500 000 F CFA. Aujourd’hui, ça n’existe plus. Depuis qu’on a été transférés, il n’y a eu de la part du ministère de la Communication, aucun accompagnement.

Quand on veut aller vers la subvention, on dit que comme on est une radio municipale, c’est étatique. Derrière ça, on dit de payer BBDA et l’ARCEP. Vous voyez que quelque part ça ne va pas. En dehors de ça, radio Poura créée en 1986, c’est toujours le même vieux bâtiment. On est situés en élévation. Ça fait que l’accès est difficile. Notre taux de fréquentation est faible. Les auditeurs qui viennent à la radio c’est un peu bas. Quand on arrive pour monter sur la colline, ce n’est pas facile.

Depuis un certain temps, c’est un combat que nous menons à la recherche d’un partenaire qui peut faire descendre la radio. Ce qui va rendre la radio accessible à tout le monde. Nous sommes en pleine brousse, il y a des reptiles. Il faut dire qu’actuellement, on n’a qu’une seule femme qui vient animer. Dans le passé, il y a eu des femmes mais elles ne pouvaient pas rester longtemps parce que l’accès est difficile.

Pourtant radio Poura, c’est la fréquence des mines !

Il faut dire que la radio, c’est le symbole. C’est le souvenir parce que la mine est fermée depuis 1999. On peut dire que c’est le bien que la mine a laissé qui fonctionne toujours normalement. C’est la mine qui a créé la radio de toute pièce. Ça fait 22 ans que la radio vit. Aujourd’hui il n’y aucune mine à Poura. Il n’y a qu’une société qui est en phase de recherche. Ce n’est pas une exploitation. Quand on dit radio mine, les gens voient une mine où il y a presque tout. On a aucun accompagnement d’une société minière.

Radio Poura emploie combien de personnes ?

Nous employons sept personnes dont une femme. Ce sont elles qui font fonctionner la radio. En dehors de ça, nous avons des collaborateurs extérieurs. Il y a par exemple des conteurs qui viennent. Il y a des conteurs en mooré, en nuni, en djan, en marka. Ils ont un temps d’antenne où ils animent des contes.

Nous tirons vers la fin de notre entretien. Quelque chose que vous souhaitez ajouter ?

Nous vous remercions d’être venus nous rendre visite. C’est comme on l’a toujours dit, nous interpellons le ministère de la Communication pour qu’il tienne compte de nous. Quand on prend les vieilles radios qui ont été créées au temps de la révolution, qui ont été transférées aux mairies, nous demandons à ce qu’on nous permette d’avoir droit à la subvention de la presse. Ce sont des radios qui se sont battues pour se maintenir. C’est vrai qu’il y a des communes qui arrivent à créer des radios actuellement. Celles créées en 1986, 1987 sont des radios qui ont traversé le désert et qui se sont maintenues.

Patrice Nabié, chef de la station de radio Poura

Je pense qu’il faut qu’on accompagne ces radios. Par exemple, quand je regarde nous, radio Poura, je peux dire que dans l’histoire de ces radios, on est la seule radio à avoir un agent qu’on a déclaré à la caisse de sécurité sociale et qui est parti à la retraite. On a un ancien qui a fait la radio, il était au début de la radio en 1986. Il est resté. On a pris toutes les dispositions nécessaires et il est parti à la retraite en décembre 2020. Je pense qu’il y a des gens qui se sont donnés à ces radios.

L’Etat doit tenir compte de cela ne serait-ce que nous permettre comme au titre des autres radios de faire nos dossiers et de postuler à la subvention. Si on répond aux critères, il n’y a pas de problèmes. Si on ne répond pas aux critères, nous prendrons toutes les dispositions pour y répondre et avoir la subvention. L’autre faiblesse des radios, c’est le fait qu’on soit en commune rurale, on est un peu désavantageux par rapport à une radio qui se trouve en chef-lieu de province.

Tous les partenaires arrivent en chef-lieu de province avant d’arriver dans le département. Je suis souvent face à des partenaires qui arrivent. Ils disent qu’ils préfèrent prendre la voix des Balé à Boromo, parce qu’ils sont installés en ville et nous à l’intérieur. Cela ne nous arrange pas. Au moins si on a la subvention, ça nous permet d’améliorer ce que nous faisons.

Le ministère de la Communication pourra répondre que c’est à la mairie de prendre soins de vous. Quelle est sa part contributive ?

La mairie accompagne la radio. Par exemple pour l’acquisition d’émetteur, la prise en charge des factures la mairie fait d’énormes sacrifices. Quand on regarde, l’éducation est transférée, il y a un budget qui suit. La santé est transférée avec un budget. L’eau et l’assainissement, il y a un budget qui suit. La radio est transférée, il n’y a aucun accompagnement. La mairie se bat aussi pour accompagner.

Par exemple au moment où la radio a été transférée, on avait un problème d’émetteur. La mairie a acheté l’émetteur autour de cinq millions de FCFA. Maintenant, c’est à la radio de se battre pour assurer les salaires. Au moins trois personnes sont déclarées à la CNSS et nous payons des cotisations. Nous prévoyons encore déclarer d’autres personnes. Si on ne peut pas nous accompagner qu’on ne dit pas de payer BBDA ou l’ARCEP.

Dimitri OUEDRAOGO
Auguste PARE (photos )

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