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« Nous recommandons vivement le contrôle des frais de scolarité des établissements privés », défend Boukary Bandaogo du Réseau national des consommateurs du Faso

Publié le mercredi 2 septembre 2020 à 23h04min

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« Nous recommandons vivement le contrôle des frais de scolarité des établissements privés », défend Boukary Bandaogo du Réseau national des consommateurs du Faso

La rentrée scolaire rime avec angoisses des familles burkinabè, tant l’école semble devenir un des domaines de la spéculation par excellence. Créé en juillet 2019, le Réseau national des consommateurs du Faso (RENCOF) a inscrit cette préoccupation des populations au rang de ses priorités de combat pour que l’école cesse d’être un « business » et soit accessible à tous les enfants du Burkina. A l’orée de la reprise des classes, et sur cette question précise, nous avons échangé avec le deuxième vice-président du RENCOF, Boukary Bandaogo. Interview !

Lefaso.net : On ne pouvait pas introduire cette interview, sans commencer par cette question portant sur l’augmentation du prix des hydrocarbures à la pompe. Comment le réseau national des consommateurs du Faso accueille-t-il cette annonce ?

Boukary Bandaogo : Plus qu’une pilule, la mesure a du mal à passer. C’est une nième augmentation qui est inexplicable et insupportable. Cette augmentation ne s’explique pas avec la persistance de la maladie à coronavirus ; elle ne s’explique pas avec la morosité et la paralysie des activités ; elle ne s’explique pas avec l’érosion consistante et persistante du pouvoir d’achat due aux nombreuses taxes.

D’ailleurs, le cours du baril sur le marché international n’a pas évolué significativement, depuis le 2 avril où le gouvernement opérait une baisse de 20 à 30 F CFA, alors que le prix de l’or noir avait connu une chute vertigineuse. On ne comprend pas vraiment. Que cherche le gouvernement ? On n’a pas vu venir cette augmentation, encore que nous n’avons pas été consultés ni même informés. Il me semble que le gouvernement se moque pas mal des partenaires sociaux.


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Je dois dire que par le canal du fédéral de la région du Centre, Abdoul Fataho Bagagné, nous avons pris langue avec le ministre en charge du commerce, il n’a pas daigné répondre à notre requête. Nous nous réjouissons qu’on ne nous déroule pas le tapis rouge. C’est la preuve que nous sommes sur la bonne voie. Nous nous battrons pour en imposer le respect, quitte à faire reculer le gouvernement sur des mesures impopulaires comme celles-ci. Pour l’heure, nous appelons les autorités à la responsabilité et au respect de leurs propres engagements. Ils peuvent compter sur nous ; nous ne les laisserons pas dicter leurs desideratas pour encore longtemps.

Lefaso.net : Comment comptez-vous vous y prendre ?

Boukary Bandaogo : Vous n’allez pas nous dire de dévoiler nos stratégies ici quand même. Je voudrais dire ici que notre principale arme est à la fois notre volonté et notre jeunesse. Le gouvernement a intérêt à désamorcer le grisou qu’il prépare depuis fort longtemps. Il se doit par une démarche pédagogique d’expliquer les tenants et les aboutissements de cette nouvelle hausse qui va peser de nouveau sur une population qui croupit dans le silence sous le poids des charges fiscales et sociales.

Lefaso.net : A l’occasion de la conférence de presse portant lancement de vos activités, vous dénonciez des pratiques dans le milieu scolaire. De quoi s’agit-il, exactement ?

Boukary Bandaogo : Je dois dire que l’école burkinabè est malade. Je ne le dis pas par rapport aux résultats des élèves, mais par rapport aux comportements pas catholiques des fondateurs d’écoles privées. Ils se comportent comme au marché. Ils rançonnent les parents d’élèves, avec les frais APE (association des parents d’élèves), quand bien même on sait qu’il y a des écoles où les bureaux (APE) sont inexistants. Il y a une disparité criarde au niveau des frais de scolarité. Pour la classe de 6e, dans la même ville de Ouagadougou, on part de 60 000 F CFA à plus de 200 000 F CFA.

On nous parlera de standards, mais tout de même ! Ce qui est dérangeant, c’est que les frais de scolarité augmentent d’année en année. Je connais de nombreux établissements, qui chaque année, augmentent les frais de scolarité. La preuve, il y a un établissement, dont je veux bien taire le nom, qui, en moins de dix ans, a fait grimper les frais de scolarité, passant de 85 000 F CFA à 127 000 F CFA pour la classe de 3e. Il y a également la qualité de l’enseignement qui est en-deçà des attentes. Des écoles affichent des résultats sombres et insoutenables.

Lefaso.net : Quelles en sont les raisons ?

Boukary Bandaogo : Honnêtement, je dois dire que les raisons sont nombreuses et elles se conjuguent entre gouvernants et fondateurs d’écoles privés. Le premiers font preuve d’une incurie, peut-être parce qu’ils ont investi le milieu par le canal de prête-noms, d’amis, et de parents proches. Vous savez, c’est un pays de désert. Il semble d’ailleurs que de grands bonnets, censés conduire les politiques de l’éducation et la rendre accessible, ont investi le milieu qui est devenu un haut lieu de business. Vous comprenez pourquoi, il n’y a pas assez de contrôles ou on fait semblant de contrôler.

Les seconds, quant à eux, sont selon toute vraisemblance guidés par la cupidité. Ils n’ont pas tous le profil. Il y a dans leur rang, des commerçants, des douaniers, des démarcheurs, des hommes d’affaires, bref des aventuriers qui n’ont d’autres soucis que de s’enrichir. Le sort des enfants leur importe peu.

Sinon, comment peut-on obliger les enfants à n’acheter les tenues scolaires qu’à l’école ? Comment peut-on monopoliser le petit marché au profit de son épouse (épouse du fondateur, ndlr) ? Comment peut-on ordonner la fermeture des salles de classe tout le mois de décembre, au prétexte que les élèves menacent de s’attaquent à leurs écoles ? Comment arrêter les cours au mois d’avril, en payant les vacataires à 1500 F CFA l’heure ?

Lefaso.net : Que proposez-vous concrètement au niveau des frais de scolarité ?

Boukary Bandaogo : Nous recommandons le gel ou le plafonnement de l’évolution des frais de scolarité dans les établissements privés d’enseignement secondaire pour une durée moyenne de sept ans, et une durée moyenne de cinq ans dans les établissements privés d’enseignement supérieur. Nous souhaitons surtout que le gouvernement intervienne pour que les prix soient sociaux, étant entendu que c’est de son ressort d’assurer l’école pour tous et gratuitement. C’est d’ailleurs un droit consacré par notre Constitution. A ce titre, il faut remettre tout sur la table pour définir ensemble, dans l’intérêt général, des coûts soutenables et des modalités supportables.

Lefaso.net : Et pourquoi cinq et sept ans et pensez-vous que c’est tenable ?

Boukary Bandaogo : L’idée est de permettre à un enfant qui arrive au collège de poursuivre normalement ses études, sans que les frais de scolarité n’évoluent jusqu’à la fin de son cursus qui dure sept ans. Il doit honorer les frais qui s’appliquent au moment de son arrivée au collègue. Au supérieur, on pense au niveau du Master II.

Lefaso.net : Vous vous attaquez aussi aux frais APE dans les établissements privés. Qu’est-ce qui justifie cette démarche ?

Boukary Bandaogo : Oui, notre démarche est claire et défendable. Au public, on le comprend. Avec les frais de scolarité qui sont faibles et le déblocage de l’accompagnement du gouvernement qui arrive bien souvent en retard, les parents sont mis à contribution pour gérer les urgences. Vous n’êtes pas sans savoir que l’APE est souvent sollicitée pour gérer les frais de vacation. Quant au privé où on paie souvent 200 000 F CFA pour la maternelle, c’est insoutenable.

C’est la raison pour laquelle, nous recommandons vivement la suppression pure et simple des frais APE et le contrôle des frais de scolarité des établissements privés, selon des standards définis en collaboration avec les partenaires. Je répète que les écoles privées qui fonctionnent comme les entreprises ne peuvent pas demander à leurs clientèles de cotiser pour supporter leurs charges. Il faut que ça cesse vite et maintenant.

Lefaso.net : Comment a-t-on donc pu laisser les promoteurs privés faire ?

Boukary Bandaogo : Ils ont fait de l’école un business. Allez partout dans la ville de Ouagadougou et à l’intérieur du pays, creusez et vous verrez que derrière la plupart des grands établissements, se cache un grand bonnet, si ce n’est une connaissance qu’il a aidée pour l’acquisition d’un espace public réservé à cet effet. C’est une escroquerie morale.

Lefaso.net : En avez-vous parlé avec l’union nationale des fondateurs d’établissements d’enseignement privé laïc ?

Boukary Bandaogo : Pas vraiment, le président et le secrétariat permanent ne nous ont pas donné l’occasion de le faire. L’an dernier, nous les avons démarchés en vain. Notre président s’est rendu au moins trois fois au siège de l’institution, en vain. On lui a dit d’adresser un courrier à l’institution, il l’a fait. Il a appelé le président de l’institution, en vain. Pour finir, nous avons produit un communiqué que vous pouvez encore lire sur notre page Facebook.

Lefaso.net : Quels sont les moyens dont vous disposez pour arrêter la pratique ?

Boukary Bandaogo : Nous allons nous déployer jusqu’à la victoire finale. Nous allons rencontrer les ministres de tutelle et relancer cette année l’union nationale des établissements d’enseignement laïcs. Nous utiliserons les moyens conventionnels, en l’occurrence l’information, le plaidoyer et le lobbying. Pour ce faire, nous voulons vraiment compter sur vous, nos amis de la presse.

Lefaso.net : Y a-t-il une raison de croire au RENCOF ?

Boukary Bandaogo : Evidemment, c’est une structure jeune, portée par les jeunes qui ont fortement envie d’être utiles à leur communauté. Nous vaincrons, seulement si nous sommes accompagnés par la population. Elle a bien de signaux pour suivre. Nous saurons les lui en donner. Pour ce faire, comptez sur nous. Les membres de notre bureau ne sont pas des ovnis. Ils ont, pour la plupart, un parcours syndical et/ou politique qui parle. Ils ont déchanté et ne croient pas en la classe politique. Ce qui explique que nous ayons décidé de jouer notre partition dans le mouvement associatif. Regardez ce que nous avons fait en moins d’un an d’existence. Croyez-moi et vous verrez.

Lefaso.net : Un appel à lancer ?

Boukary Bandaogo : Je plaide au nom du RENCOF pour l’adoption d’un code de protection des droits du consommateur au Burkina Faso et la création des centres régionaux de conseils des consommateurs qui seront chargés de vulgariser la législation en vigueur.

Je lance surtout un appel à tous les consommateurs du Burkina à nous rejoindre pour qu’ensemble, nous puissions défendre les droits du consommateur en souffrance.

Propos recueillis par O.H.L
Lefaso.net

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