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Assurance maladie universelle au Burkina : Un médecin émet des réserves et préconise la tenue d’un débat national

Dr SANON Bernard Médecin de santé publique

Publié le mardi 21 janvier 2020 à 22h10min

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Assurance maladie universelle au Burkina : Un médecin émet des réserves et  préconise la tenue d’un débat national

Après avoir démontré les failles du système de l’Assurance maladie universelle telle qu’elle est envisagée au Burkina, Dr Bernard Sanon, médecin de santé publique, préconise, dans la tribune ci-après, la tenue d’”un débat national concernant tout le processus afin de fonder les bases d’un système de santé efficace et durable”.

L’assurance maladie universelle (AMU) : est-ce la santé pour tous ? Est-ce la couverture sanitaire universelle ? Est-ce juste une thématique à la mode ? Quelles perspectives pour le cas du Burkina ?

Pour comprendre l’AMU, il faut savoir que l’OMS définit 6 piliers pour tout système de santé efficace :

1-ressources humaines en quantité et en qualité ;

2-bonne qualité de services ;

3-infrastructures, médicaments et des technologies adéquates ;

4-information sanitaire ;

5-gouvernance de la santé ;

6-financement de la santé.

L’AMU s’intéresse à un des aspects du 6e pilier (pas même à tout le pilier) avec pour vocation de faciliter l’accessibilité aux soins et d’éviter aux familles des dépenses de santé catastrophiques (risque financier) dues aux paiements directs.

Une idée à priori noble, mais Il est évident que sans amélioration des 5 premiers piliers, l’AMU seule ne change pas grand-chose dans la situation sanitaire des populations car on ne peut accéder qu’à des soins qui existent. A la différence de l’AMU, la couverture sanitaire universelle tend davantage à prendre en compte le développement de tous les 6 piliers.

Voyons L’AMU au Burkina Faso à travers quelques extraits de la Loi N° 060-2015/CNT portant régime d’AMU :

 PANIER DE_SOINS : « l’ensemble des actes, biens et services médicaux pris en charge par le régime d’assurance maladie universelle » et oui ! le RAMU ne prend pas en compte tous les soins. L’article 12 est on ne peut plus clair : « Le régime d’assurance maladie couvre le risque maladie sur la base d’un panier de soins défini par décret pris en Conseil des ministres ».

A ce jour, seul le pouvoir MPP peut nous donner le contenu détaillé des maladies retenues pour ce panier puisqu’une structure telle l’UAS (ndlr : Unité d’action syndicale) n’y a pas été associée. Non seulement tous les soins ne sont pas pris en compte par le RAMU mais en plus, pour les soins qui sont retenus dans le panier, le RAMU ne prend pas en charge tous les coûts.

 Il y a un TICKET MODERATEUR : « partie des frais de soins de santé qui reste à la charge de l’assuré social et qui n’est pas couverte par le RAMU » L’article13 de la même loi est on ne peut plus clair : « Le RAMU garantit la prise en charge directe, de tout ou partie, des frais de soins de santé par les organismes de gestion, l’autre partie restant à la charge de l’assuré social ».

Récapitulons :

1- le RAMU, c’est pour les soins qui sont disponibles dans nos centres de santé,

2- Parmi les soins disponibles, certains ne sont pas pris en compte par le RAMU tandis que certains sont retenus comme faisant partie du panier,

3- Parmi les soins qui sont dans le panier, le RAMU ne prend en charge qu’une partie des frais de ces soins- là.

D’après les premiers responsables de l’AMU, le ticket modérateur sera de 30% pour les prestations en ambulatoires (cf Lefaso.net du 1er fevrier 2018). En termes simples, par exemple si par hasard ta maladie est dans le panier et qu’avec un peu de chance les soins y relatifs sont disponibles, si le coût des soins en ambulatoire s’élève à 10.000f, tu dois payer 3000f malgré que tu contribues financièrement à la caisse de l’AMU. Si tu n’as pas ces 3000f, es-tu à l’abri du risque financier duquel l’AMU prétend te prévenir ? Assurément non.

L’autre evidence d’après la loi est que, si ta maladie n’est pas dans le panier, tu te débrouilles pour te soigner à tes propres frais bien que tu contribues financièrement à la caisse de l’AMU. Bref ! A cette étape du raisonnement, chacun peut répondre à la question de savoir si l’AMU est la santé pour tous. Que dire de la mise en œuvre ? Pour l’AMU, le pouvoir MPP aurait décidé de faire des retenues de 4 à 6 % sur les salaires des fonctionnaires (encore) et des travailleurs du privé.

Les montants de ces coupures sont déterminés par le pouvoir selon son bon vouloir pour un panier de soins de son bon vouloir puisqu’une fois de plus, l’UAS n’y est pas associée ni même concertée. Que dire alors de la gestion de ces fonds ? Wait and see ! Bien que partisane de la santé pour tous, c’est tout à fait logique que l’UAS s’inquiète et s’oppose à cette façon de faire qui, à n’en pas douter, fera de l’AMU juste le suivi mécanique d’une thématique à la mode. Les retenues salariales de ces travailleurs vont rentrer dans la caisse de l’AMU et cette caisse va premièrement s’occuper des MESURES DE GRATUITES POUR LES FEMMES ENCEINTES ET LES ENFANTS DE MOINS DE 5 ANS EN COURS.

Récapitulons encore :

1- L’AMU n’est même pas « toute la santé » et qui plus est, la santé pour tous,

2- Le pouvoir MPP décide seul des montants à retenir chez les cibles de son seul choix pour un panier de soins de son seul choix et pour des priorités de son seul choix.

Quelles Perspectives ? L’AMU est un thème d’actualité dans beaucoup de pays. Si l’on ne veut pas résumer l’AMU à juste suivre une thématique à la mode, sa mise en œuvre efficace nécessite un débat national. L’objectif ultime étant que l’AMU serve pour atteindre la couverture sanitaire universelle qui s’inscrit dans la durée. Dans le monde, les pays qui ont atteint la couverture sanitaire universelle se sont appuyés sur 2 mécanismes de financement :

 1-Soit un financement par l’Etat

 2-soit un régime d’assurance maladie obligatoire avec des contributions émanant des salariés, des travailleurs indépendants, des entreprises et de l’État.

L’atteinte de la couverture sanitaire universelle n’est pas une question ponctuelle et ne saurait se résumer aux ambitions de personnes détentrices ou désireuses d’un mandat électif passager mais nécessite un débat national concernant tout le processus afin de fonder les bases d’un système de santé efficace et durable.

Dr SANON Bernard
Médecin de santé publique
Crédit photo : Laborpress

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