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Démocratie électorale : Abstention, piège à cons !

Point de vue

Publié le mardi 5 février 2019 à 23h47min

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Démocratie électorale : Abstention, piège à cons !

Le hiatus entre la vivacité de débat politique dans les médias et sur les réseaux sociaux, et le faible taux d’inscriptions sur le fichier électoral est proprement effarant. 2015 aurait connu un record d’inscriptions sur les listes électorales et de participation aux élections...

Or, voici les résultats officiels de l’élection présidentielle de 2015 :

Le PF actuel a donc été élu par 1 668 169 voix, soit 53,49%... Et les autres étaient loin derrière…Cela donne une base électorale et donc une légitimité assez faible à la classe politique…

Depuis 1994, les Burkinabè n’ont donc pas encore compris le stratagème de nos politiques, qui ont fait leurs humanités dans le tronc commun (ODP-MT, CDP) …Ils ne souhaitent pas un électorat important. Ils se satisfont de l’électorat de 5 millions qu’ils ont appris à connaître du bout des doigts au fil des élections.

Les politiques actuels (opposition et majorité) craignent l’enrôlement d’un électorat important.
Moins les citadins et les habitants des non lotis votent, mieux ils se portent car ils maîtrisent parfaitement le vote des ruraux et celui du peu d’urbains qui votent.
Chacun a fait son marché de votes et n’entend pas qu’une arrivée massive de nouveaux enrôlés dont ils n’ont pas la maîtrise, perturbe les positions, en terme de rente électorale.

Dans la même veine, c’est la bataille qui les a opposés autour de la carte consulaire de la diaspora. En Côte d’Ivoire, certains avaient déjà sécurisé des votes et n’entendent pas les perdre. Une attitude tellement obstinée qu’elle en oublie que nombre de ces cartes consulaires, considérées comme « rente électorale » auront expiré en 2020, sans que leurs détenteurs ne puissent les renouveler, avec l’actuel contexte nouveau où les gens sont plus regardants…

Ainsi, au moment des élections générales de 2020, (probablement le deuxième dimanche de novembre 2020 conformément à l’article 40 de la constitution), près de 598 032 cartes consulaires établies sous l’ancien régime auront expiré. Selon les chiffres du ministère Burkinabè des affaires étrangères, en juillet 2018, il y avait 1millions environ de cartes consulaires produites depuis 2013. Voir tableau ci-après.

Une zone de confort électoral qui rassure tous les principaux acteurs

Le refus de la réforme proposée par le président de la CENI enferme donc dans une camisole de force le processus d’enrôlement sur la liste électorale dans un protocole dont le gouvernement est seul maître des horloges.
Et comme il faut 9 milliards CFA, le gouvernement prend son temps et ne déclenchera ce processus qu’à la veille du scrutin comme on a toujours fait depuis 1994, c’est à dire il y a de cela un siècle !

Avec le procédé archaïque qu’ils se sont battus pour maintenir en place, l’enrôlement des électeurs se fera comme d’habitude sur une période d’un mois seulement en mode commando. Tant pis pour celui qui ne pourra pas s’enrôler dans un délai aussi contraint. Ce sera toujours un potentiel gêneur de moins !
C’est un scandale, et c’est une manière très habile pour biaiser le scrutin.

A contrario, avec la plateforme multicanale qu’ils ont rejetée à l’unanimité de leurs commissaires à la CENI, une fois l’enrôlement initial fait, le reste devenait une opération au fil de l’eau. Avec cette plateforme, chaque fois qu’un majeur fait sa CNIB, il est automatiquement enrôlé si tel est son souhait. Et la plateforme était là précisément pour s’assurer de son consentement.
Libre à lui après d’utiliser son droit de vote ou de ne pas le faire. Mais le simple fait qu’il dispose de sa carte d’électeur oblige les politiciens à tenir compte de son avis. Au moins à l’approche des élections !

Pour 2020 le corps électoral potentiel est le suivant :
Potentiel national : 9,5 millions
Potentiel diaspora : 2,5 millions
Potentiel total : 12 millions

Mais en maintenant le mode ancien d’enrôlement des électeurs, il est très peu probable d’atteindre ces projections. Le corps électoral, au regard de la faible efficience de ce mode d’enrôlement ne devrait pas dépasser 7 millions d’électeurs, la diaspora comprise. Sans compter les morts, que le même procédé ne permet pas d’extraire de manière efficace et efficiente. En considérant le taux annuel de mortalité qui est de 12 pour mille au Burkina Faso avec l’année 2012, comme année de constitution du fichier actuel, il y aurait au bas mot, 300 000 électeurs morts dans le fichier électoral actuel.

Structurellement donc, le fichier électoral restera toujours squelettique sans commune mesure avec l’état de la population. Pour l’INSD (évaluation de décembre 2017), le Burkina Faso devrait avoir aujourd’hui 9 millions d’électeurs. Cette projection de l’institut national en charge des populations et de la démographie n’est pas une simple vue de l’esprit. La base de données de la carte d’identité (ONI), selon les chiffres actualisés en juillet 2018, le nombre de CNIB à jour détenus par « les 18 ans et plus… » était de plus de 9 millions. Donc le potentiel électoral de 9 millions au moins est une réalité que le procédé actuel d’enrôlement des électeurs ne permet pas d’atteindre.

Faire avec l’existant !

Et le CDP, exclu en 2015 revient dans la compétition… On imagine aisément à quel point l’incertitude serait insoutenable pour les principaux partis politiques de la place si tout cet électorat se mobilisait pour venir complexifier d’avantage cette équation électorale en augmentant la part d’inconnu !

Sortons du piège du boycott

Ceux qui boycottent les élections au motif que l’offre politique est inintéressante n’ont rien compris ! L’insurrection et la résistance victorieuse au putsch mort-né du CND induisent également beaucoup de Burkinabè en erreur.

En effet, dès qu’on a 300 Likes et partages sur Facebook ou 5 000 manifestants, on se met à rêver d’insurrection et à se voir en Che Guevara du Sahel. Thomas Sankara notre modèle de gouvernance est arrivé au pouvoir par coup d’Etat. Or, l’’ère des coups d’états est révolue. Il ne gagnerait pas des élections aujourd’hui au Burkina Faso.
Et nous avons vu comment sous la pression internationale, Zida et le RSP ont dû, au bout de deux semaines, rendre le pouvoir aux civiles, au moins en apparence, et habiller la transition d’un vernis constitutionnel !

Le Burkina est un pays enclavé et les putschs militaires ne sont plus tolérés. Des sanctions et un blocus d’un mois suffisent à chasser tout putschiste du pouvoir car il ne pourra même pas payer les salaires des 200 000 fonctionnaires qui eux-mêmes font vivre des millions de Burkinabè !
Allez demander à Haya Sanogo et sa joyeuse bande au Mali ! Même les armes commandées par ATT avant sa chute pour combattre les djihadistes ont été bloquées dans les ports de la sous-région du fait du blocus de la CEDEAO !

Donc la seule voie qui reste, c’est le bulletin de vote !

Tous les politiciens du monde ont comme tableau de bord, l’électorat. Ils ne se préoccupent de l’opinion que lorsque celle-ci se confond avec le corps électoral. Perdre cela de vue et prétendre prendre part au débat public est une ineptie.

Peu importe pour qui vous voulez voter, et même si vous ne comptez pas voter, enrôlez-vous sur le fichier électoral et obtenez votre carte d’électeur. Donnez-vous les moyens d’avoir la pleine jouissance de votre droit de vote ! C’est désormais le seul moyen de compter et de peser !

La répartition de la population au Burkina a changé. Du fait de l’exode rural massif, les zones urbaines et périurbaines (non lotis) pèsent désormais autant que les campagnes sur le plan électoral !
Nous avons, rien qu’à l’intérieur du pays et sans compter la diaspora, un potentiel électoral de 9,5 millions d’électeurs. Et Kosyam est à seulement 1,6 millions de voix !!! Nos trois baobabs ne sont donc pas aussi inamovibles qu’il n’y paraît.

Maixent SOMÉ

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