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Repenser le système de vulgarisation au Burkina Faso pour favoriser l’adoption des innovations agricoles

Publié le mercredi 2 janvier 2019 à 23h00min

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Repenser le système de vulgarisation au Burkina Faso pour favoriser l’adoption des innovations agricoles

A travers ce papier, nous diagnostiquons les problèmes qui rendent inefficace le dispositif de vulgarisation au Burkina Faso en général et plus spécifiquement dans la région des Cascades. La méthodologie utilisée a consisté en des entretiens individuels semi-directifs et des discussions de groupe auprès des acteurs du système de vulgarisation notamment les services publics de vulgarisation et de recherche, les ONG et Associations et le secteur privé.

Mots clés  : PNVACA, système d’appui conseil, vulgarisation agricole, Burkina Faso.

Introduction

Le système de vulgarisation et d’appui conseil agricole au Burkina Faso est l’un des importants outils d’accompagnement des producteurs dans la promotion de l’agriculture. Il permet aux producteurs d’adopter des bonnes pratiques agricoles à travers la diffusion des innovations agricoles ou le transfert des technologies. Mais de nos jours, on constate son inefficacité à répondre aux problèmes de transfert de technologie à travers le faible (27% selon FAYAMA, 2018) niveau d’adoption des semences améliorées dans la région des Cascades. Est-ce une nécessité d’aller vers des structures privées de vulgarisation agricoles ? C’est ce à quoi cette esquisse se donne pour objectif d’élucider à travers une observation de terrain basée sur des entretiens semi-directifs.

Résultats et discussion

Le système de vulgarisation au Burkina, à l’image de la recherche, est basé sur un système partenarial qui ne permet pas son développement. Pour le directeur régional de la recherche environnementale et agricole de l’Ouest,
« Il faut aussi que le système de vulgarisation se réorganise. Un système basé seulement sur le partenariat ne va rien produire. Aujourd’hui, je prends un exemple très simple, les officines de la médecine, les dispensaires, les cliniques, les laboratoires privés d’analyse ont rapproché la médecine du patient. Avant pour faire un examen, c’est Sanou Sourou, si vous arrivez trouver qu’ils ont atteint le nombre d’examens de la journée, si votre mal doit vous tuer, il vous tuera.

Aujourd’hui, la vulgarisation agricole c’est ça ; si vous n’avez pas accès à la vulgarisation de l’Etat, c’est fini vous n’avez pas accès. Si dans votre village vous n’avez pas un agent technique de bonne volonté qui ne soit pas un fonctionnaire qui monte à l’heure et décent à l’heure alors que le paysan veut tester un peu plus, c’est difficile. Je crois qu’aujourd’hui si on met en place un système de vulgarisation qui prend en compte le privé, il faut faciliter l’ouverture des sociétés de vulgarisation des technologies pour faciliter en retour l’accès aux technologies par les paysans. Tant qu’on ne va pas ouvrir un système de prestations privé de la vulgarisation agricole, le taux d’adoption de ces technologies restera très faible.

Ce faible taux est lié à un ensemble de facteurs imputables à tout un système qui n’est pas favorable à la diffusion. C’est l’agent, la direction régionale. Si je prends toute la famille des hybrides, toutes les directions avaient refusé de diffuser ces variétés parce qu’elles estiment que le Burkina n’était pas encore arrivé à ce niveau. Donc nos variétés ont été prises mais n’ont jamais été vulgarisées.

Ce n’est qu’en 2010 que les ingénieurs de l’agriculture ont accepté que les hybrides soient vulgarisés. Pour eux, le système hybride va augmenter la dépendance du producteur des semences mais si un producteur ne dépend pas de la semence il va dépendre de quoi, c’est normal qu’il dépende de la semence. Si la semence n’est pas renouvelée vous ne bénéficiez pas de ce que le sélectionneur a mis dedans, la plus-value. » [Dr Jacob SANOU, sélectionneur plantes.

Il poursuit en ces termes :

« Si le paysan prend sa semence au champ, il aura un rendement de plus en plus faible, ne pas accepter l’achat ou le renouvellement des semences, c’est se contenter du peu. Pour cela chaque année, qu’il y aura une variation négative de la pluviométrie, l’Etat va importer pour nourrir sa population. Les zones où on a un excédent céréalier sont des zones où on a produit les semences améliorées. L’agriculture qui nourrit son homme est celle qui permet de se nourrir toute l’année et avoir un surplus qu’on vend pour répondre aux besoins socio-sanitaires et éducatifs. » [Dr Jacob SANOU, sélectionneur plantes].

Pour comprendre l’attitude et l’appréciation des agents de vulgarisation des variétés améliorées, nous avons participé à une rencontre avec les treize (13) points focaux du Programme national de vulgarisation d’appui conseil agricole (PNVACA) et les (13) Services Régionaux des Aménagements et des Productions Agricoles (SRAPA) des 13 Régions du Burkina Faso, organisée par la DVRD dans le but de renforcer les capacités de ses agents.

Il est ressorti à l’unanimité qu’il y a une faible connaissance des variétés améliorées par les agents de vulgarisation quant à leur diffusion. La fiche technique qui suit la semence, chose qui n’est toujours pas évidente, pour certains, ne permet pas de mieux maitriser la variété que l’on veut vulgariser. L’un d’entre eux explique :

« certains chercheurs n’élaborent pas assez bien les fiches, certaines fiches décrivent moins la variété et ne permettent pas à l’agent d’être à l’aise dans les explications. Le paysan d’hier n’est plus le paysan d’aujourd’hui, si vous n’arrivez pas à lui expliquer bien, il ne vous suit pas, il ne vous croit pas mais il va faire semblant d’être attentif et de vous avoir bien compris mais sachez qu’il n’adoptera pas. » [Oumarou COULIBALY, SRAPA de la région des Cascades]

De l’analyse, il ressort que la présentation des fiches techniques ne facilite pas les actions de communication des agents de vulgarisation. Pour eux, ces fiches doivent être préparées de concert avec eux après avoir identifié avec eux les éléments auxquels les paysans s’attachent à voir.

Le paysan travaille beaucoup avec des référentiels. Une analyse assez fine permet de situer la barrière ou l’écran existant entre la vulgarisation et la recherche. On communique bien et mieux sur ce dont on est maître, ce dont on a la maîtrise comme l’a souligné le SRAPA des Cascades et le Directeur provincial de l’agriculture.

Pour le Directeur régional, il y a véritablement un problème de niveau des agents sur le terrain. Les questions d’approches paysannes et de communication qui devaient être les points forts des agents n’y sont pas pris en compte. Il pense que
« ce sont des connaissances qu’ils doivent avoir à l’école de formation avant de rejoindre le terrain. Même si c’est fait, visiblement et pratiquement sur le terrain, ce n’est pas visible.

Ce qu’on peut faire c’est de trouver des créneaux pour renforcer leurs capacités, recycler sur ces connaissances-là. Vous savez, en dehors de ce qu’on t’apprend, il y a les connaissances intrinsèques à tout acteur, il se doit de les développer pour être excellent, performant et efficace » [Jean Marcel OULE]
En conclusion, les politiques institutionnelles se doivent de revisiter leur contenu et d’adopter des politiques institutionnelles beaucoup plus favorables au transfert des technologies combien nombreuses déjà et de veiller à leur application effective. Les conclusions des travaux de Knox et Meinzen-Dick (1999, p.23) sont illustratifs. Pour ces auteurs,
certaines lois, règles communautaires, normes et idées sont à mesure d’influencer le choix de technologies. Ainsi, au Mexique, l’adoption de pratiques de conservation des labours est en partie due aux politiques agricoles de l’Etat, notamment la loi interdisant le brûlage des résidus de récoltes.

La production des variétés améliorées est contrariée par des problèmes de communication au niveau des agents des structures techniques qui jouent le rôle de transfert des technologies. Ceux-ci sont limités par les informations qu’ils reçoivent sur les variétés et c’est pourquoi lorsqu’il s’agit de transférer ces technologies au niveau des utilisateurs, ils se réservent de peur d’être inefficace.

Conclusion

Somme toute, le système de vulgarisation au Burkina Faso rencontre de nos jours des difficultés qui compromettent l’adoption des innovations agricoles en général et plus particulièrement des semences améliorées dans la région des Cascades. C’est ce qui justifie le faible niveau d’adoption des semences améliorées dans région des Cascades. Des problèmes de communication et de collaboration entre chercheur, vulgarisateur et producteurs empêche l’adoption des innovations agricoles en milieu paysan.

Cliché 2  : Focus groupe avec des producteurs de Siniéna, village situé à 12 km de Banfora

Dr Tionyélé FAYAMA
Sociologue, Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles(INERA)
Laboratoire de Recherche Genre et Développement, Université Ouaga 1, Pr Joseph Ki-Zerbo, tionyele@yahoo.fr
Références bibliographiques

FAYAM T. 2018. Innovations agricoles, entre politiques publiques et logiques d’adoption face aux innovations agricoles céréalières dans la commune de Banfora, Thèse de doctorat Unique de sociologie, ED/LESHCO, Université Ouaga 1 Pr Joseph Ki-Zerbo, 347 P
FAYAMA T. et SANKARA E. 2016, rapport de formation des 13 points focaux PNVACA et de trois SRAPA du Burkina, document de travail, 27 p
SANAKA D. 2017. Analyse du système de vulgarisation à l’Ouest du Burkina Faso, Rapport de stage, INERA, 61 p.

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Vos commentaires

  • Le 10 janvier 2019 à 18:03, par Banaon Némaoua En réponse à : Repenser le système de vulgarisation au Burkina Faso pour favoriser l’adoption des innovations agricoles

    Bonjour
    Je valide votre analyse
    J’ai été vulgarisateur dans le domaine de l’élevage dans les années 90 ; j’effectue du conseil en privé depuis 20 ans et promoteurs d’écoles professionnelles de formation depuis 6ans.
    Aujourd’hui certaines associations professionnelles d’élevage sont en avance sur certains agents publics qui sont restés dans la santé animale encore chasse gardée
    Je suis resté sur ma soif quant aux solutions à apporter ; comment mieux impliquer les écoles de formations, les associations et ONG d’appui dans la vulgarisation agricole.
    Comment mieux mettre la recherche au service de l’action : j’ai l’impression que les chercheurs veulent vulgariser eux-mêmes leur produits alors que le secteur privé dans le domaine Agricole reste très embryonnaire. Eclairez moi s’il vous plaît avec les réseaux de vulgarisateurs et les chercheurs qui aimeraient promouvoir des produits.

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