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Pharmacopée et médecine moderne : La nécessaire collaboration au profit de la santé

Publié le mardi 5 juillet 2005 à 07h00min

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Par tradition et par réflexe, quand quelqu’un tombe malade au village, il cherche à voir un tradipraticien. Très souvent le remède ou les recettes leur sont donnés gratuitement, car provenant de la nature. Un dicton d’ailleurs conseille de vendre sa maladie pour en avoir le remède, c’est-à-dire en parler sans honte autour de soi.

De nos jours, les tradipraticiens se comptent par milliers. Certains se déplacent de localité, en localités utilisant la publicité pour promouvoir leurs produits. Malgré la disponibilité en pharmacie des produits génériques, beaucoup de gens s’orientent toujours vers la pharmacopée qui maîtrise certaines maladies, mais pas toutes comme ils le font croire. Pour notre part, nous avons rencontré les responsables de l’Association des tradipraticiens du Sanmatenga, la direction régionale de la santé du Centre-Nord à travers le docteur Soulla et des citoyens pour nous parler de la pharmacopée.

Selon Amado Wendyellé Ouédraogo, président de l’Association des tradipraticiens au Sanmatenga, leur association a été reconnue le 1er août 1991 et compte 470 membres dont une centaine de femmes.

Leur arrivent-ils de se voir confier des patients par les docteurs ? Sur ce point, l’un des membres Madega Zambendé, dit : « A ma connaissance, les docteurs ne nous ont jamais confié un malade. Très souvent, ce sont les malades qui, ne sentant pas d’amélioration, viennent nous voir pour les traiter.
Sinon en ce qui concerne notre collaboration avec les structures sanitaires, j’ai accompagné plusieurs fois des patients chez les docteurs mais je n’ai jamais vu l’échelle de retour. Très souvent lors de nos rencontres ou réunions il nous est dit que notre travail est le même car nous contribuons tous à l’amélioration de la santé des populations ». Pour M. Madega, lors des bilans ou de l’élaboration des plans annuels, les tradipraticiens devraient être associés, donner leurs avis et faire des propositions.

Ce que nous voulons savoir, qu’est-ce que les structures sanitaires de la santé attendent de nous ? a-t-il dit. Selon Madega, il est toujours à la direction régionale de la Santé ou du district sanitaire pour des informations susceptibles de les intéresser. Il se demande si un agent peut être désigné pour être un relais entre les tradipraticiens et les structures de santé. Cela facilite la circulation de l’information entre eux. L’association des tradipraticiens du Sanmatenga est au niveau national, coordonnateur de la région du Centre-Nord.

L’association nationale les a toujours informés de tout ce qui se passe et la coopération entre eux est parfaite. Selon Madega, il ne vend pas des produits comme des associations le font lors de certaines expositions. Quand leur contribution est demandée à ces occasions, l’association désigne ceux qui aiment exposer leurs produits à la vente pour y aller. Il se trouve que des tradipraticiens ont trouvé que la location des stands était chère. Alors ils refusent d’y participer. Autrefois, les produits se donnaient gratuitement. De nos jours, cela se monnaie. Sur ce point M. Madega a dit : « Je connais des gens comme moi qui sont du bureau et qui n’exposont pas nos produits à la vente. Nous sommes nés trouver que les remèdes se donnaient gratuitement, donc nous ne vendons pas. Nous sommes chez nous à domicile et si un patient entend parler de nos produits et vient pour des soins, nous le traitons et s’il plaît à Dieu, il recouvrera la santé. Certains ont déréglé en prenant les produits de la pharmacopée comme si c’était du mil ou des galettes qu’on vendait au marché. C’est ainsi que les utilisateurs qui s’en procurent ne sont pas guéris parce que la voie a été détournée ».

« Nous sommes une association démocratique où on trouve ceux qui exposent et vendent les produits et ceux qui se contentent de rester chez eux. Il faudrait qu’on fasse la décantation pour retenir ceux dont les remèdes sont efficaces et ceux qui sont des charlatans ». Pour Madega, les tradipraticiens n’ont pas le mot méningite ou Sida dans leur vocabulaire, ce qui rend le traitement difficile. Selon lui, les traditérapeutes ne peuvent pas dire si oui ou non ils peuvent soigner ces maux. Tout ce qu’ils savent, les maladies opportunistes comme la diarrhée, les démangeaisons, les maux de ventre, ils peuvent les soigner. Donc pour les soins contre le Sida, ils font très attention. Ce qu’ils reprochent aux structures sanitaires, c’est de financer des séances d’information, de sensibilisation, des recherches et ne pas y impliquer les tradipraticiens qui peuvent eux aussi mener des expériences car les plantes ont toujours des secrets.

Selon Madega, il faut arriver à choisir les tradipraticiens performants et collaborer avec eux, sinon il y aura confusion. Les publicités mensongères doivent cesser car la traditérapie demande de la patience et de l’honnêteté. Autrefois, soigner les malades se transmettait de père en fils ce qui n’est plus le cas de nos jours, n’importe quel individu s’y met.

Pour Wendyellé, président et ancien combattant, il a été initié à la pratique par son père. Une fois sous les drapeaux, il a arrêté de soigner les gens et une fois libéré, il s’y est mis. De nos jours, étant âgé, fatigué et ne pouvant courir la brousse, il a initié ses enfants qui s’en sortent comme l’un d’eux, Boukari.

De l’autre côté, le docteur Abdoulaye Soulla, pharmacien de profession à la direction régionale de la santé du Centre-Nord nous a dit, qu’au niveau national, il y a la direction générale du médicament et de la médecine traditionnelle où se trouve la direction de la pharmacopée et de la médecine traditionnelle. Cette direction a défini l’ensemble des règles qui doivent régir les rapports avec les tradipraticiens. Au niveau du Sanmatenga, l’association des tradipraticiens a été mise en place avec l’appui des structures sanitaires qui les parrainent. Selon le docteur Soulla, des formations sont dispensées aux tradipraticiens sur le VIH-Sida et les IST, la tuberculose. Des séances d’alphabétisation ont été initiées pour permettre aux tradipraticiens de transcrire leurs recettes et d’analyser la présentation de leurs produits. Lors des Journées nationales de vaccination, des tradipraticiens qui sont des personnes ressources y sont associés pour la mobilisation. Pourtant, les tradipraticiens se plaignent de n’être pas impliqués aux activités. Sur ce point, le docteur Soulla a dit : « Peut-être que les tradipraticiens ne voient pas l’importance de leur association car ils sont consultés chaque fois pour savoir ce que nous attendons d’eux, qu’ils nous orientent un certain nombre de patients. C’est pourquoi ils ont été formés sur l’ensemble des signes précurseurs du VIH-Sida.

Néanmoins, il y a un certain nombre de pathologies que nous pensons que les tradipraticiens sont à mieux de les soigner comme la jaunisse ou l’hépatite en général. Aussi nous orientons un certain nombre de patients vers eux pour les cas dont nous estimons qu’ils sont bien outillés ».

Le docteur Soulla souhaiterait que les tradipraticiens aient un lieu fixe où ils dispenseraient les prestations. Un recensement a été fait en 2004 pour avoir une idée exacte de leur nombre. Le docteur Soulla a dit : « Nous leur avons demandé où ils consulteraient et quelles étaient les pathologies qu’ils maîtrisaient réellement dans toute la panophie qu’ils disent traiter. Cela a été fait au Bam, au Namatenga, et au Sanmatenga. Il nous reste à établir un fichier pour orienter les patients qui désireraient les consulter pour des soins. La pharmacopée est très appréciée même par nous les professionnels car le médicament moderne dérive de la pharmacopée.

C’est à la dose des données issues de la pharmacopée que nous arrivons à produire les médicaments vendus en pharmacie. La collaboration va se poursuivre et une formation sur l’amélioration de la présentation des produits est prévue. La direction générale et le CSI se sont élevés sur la publicité des produits traditionnels dans les médias. Cette mesure doit être respectée pour tous et nous allons poursuivre l’alphabétisation afin que les tradipraticiens puissent noter les expériences qu’ils mènent ». Pour le cas de VIH-Sida, le docteur Soulla souhaite que les tradipraticiens les orientent vers l’hôpital au lieu de les laisser passer de tradipraticien au charlatan, a ainsi.

Une orientation précoce, précisera-t-il, permettra une meilleure prise en charge. Des patients font appel aussi bien à la médecine moderne qu’à la pharmacopée. Certains ont bien voulu répondre à nos questions. Pour Mme Tamboura Hortense au haut-commissariat, si la médecine moderne et la pharmacopée collaboraient, ce serait pour le plus grand bien des patients. Comme au niveau de la médecine moderne, on procède à des analyses, il va sans dire que cela fait une longueur d’avance sur la pharmacopée. Pour elle, la médecine moderne à des dosages, ce qui n’est pas le cas chez les tradipraticiens. Ainsi, si les tradipraticiens arrivaient à s’entendre avec les pharmaciens, il en sortirait des produits compétitifs et moins chers que ceux vendus en pharmacie et importés.

Pour Camille Sawadogo qui est animateur-formateur, il y a de ces pathologies qui ne peuvent être soignées que par la pharmacopée et d’autres où il faut faire appel à la médecine moderne. M. Sawadogo dit avoir souvent recours aux deux méthodes selon les cas qui se présentent. Pour lui, il n’est pas âgé mais ce qu’il a constaté depuis sa tendre jeunesse, c’est qu’on ne se promène pas pour vendre un bon produit de la pharmacopée ou en faire sa publicité comme cela se constate de nos jours. Le tradipraticien est à son domicile et les gens, les malades le rejoignent.

Ceux qui se promènent pour vendre les produits exagèrent, car très souvent ils proposent un produit qui soigne une multitude de maux, ce qui est faux. Soyons alors sérieux car un médicament ne soigne pas tout. M. Sawadogo dit avoir plus foi aux tradipraticiens qui sont à domicile et reçoivent les patients car ils sont plus crédibles. Par exemple, M. Sawadogo cite des cas d’ulcère, de jaunisse, diarrhée, maux de dents ou des tradipraticiens se sont avérés très compétents.

Il conseille aux malades de se rendre d’abord à l’hôpital une fois que le mal est déclaré car le diagnostic est très rapide et si la médecine moderne ne peut pas, elle vous renvoie chez les tradipraticiens. Pour M. Emmanuel Winson Gaboga, directeur provincial de l’Enseignement de base et de l’Alphabétisation du Centre-Nord, la médecine traditionnelle s’est toujours basée sur les dons de la nature pour soigner. Cette médecine est bien utilisée et acceptée. Maintenant, il y a des mythes qui entourent des procédures de soins, ce qui font que certains s’en méfient. De toute façon, cette médecine est basée sur les dons de la nature.

Pour M. Gaboga, les vrais tradipraticiens ne vendent pas leurs produits car ils se disent que c’est un don de Dieu et qu’ils n’ont pas le droit de le monnayer. De nos jours, avec la recherche effrénée du gain, certains font de la publicité. Peut-être que certains ont de bons produits, mais comme il faut en informer la masse ils passent par les canaux de la publicité. Dans les villages, les gens savent où se trouvent les bons médicaments. Cela veut dire qu’au niveau de la médecine traditionnelle on trouve des remèdes très efficaces contre certains maux.

Ces recettes ont été transmises de père en fils et ceux qui n’ont pas enfreint les règles ont toujours les bons produits. Il y a ceux qui ne sont pas des tradipraticiens bien qu’ils utilisent des feuilles, des racines et vendent des faux produits. Pour un patient, il est bon d’opter pour la médecine moderne qui a des principes.

Ainsi, tout le monde reconnaît l’utilité et l’efficacité de la pharmacopée. Les tradipraticiens sont contre l’étalage et la vente des produits alors que la direction générale compte les former pour une meilleure présentation de leurs produits. Bien que la publicité soit interdite, certains font passer des communiqués de temps en temps dans les radios. Ce que les patients souhaitent, c’est une collaboration parfaite entre les tradipraticiens et les médecins pour améliorer leur état de santé et soulager leurs maux.

Jacques NONGUIERMA
AIB/Sanmatenga

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