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Relation pédagogique et l’autorité de l’enseignant : quel enjeu pour la conduite et la gestion d’une classe

Publié le mercredi 20 décembre 2017 à 11h49min

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Relation pédagogique et l’autorité de l’enseignant : quel enjeu pour la conduite et la gestion d’une classe

La gestion des classes est difficile du fait de l’effectif des élèves et de leur appartenance sociale qui influe sur leurs comportements. En dépit de cette réalité, la manière que l’enseignant conduit sa classe détermine en partie la bonne ou mauvaise ambiance dans la classe. Ce qui renvoie au problème de la relation pédagogique indissociable de la question d’autorité. L’éducateur qui sait gérer son autorité au cours de ses séances de cours parviendra plus facilement aux objectifs qu’il poursuit. La pédagogie traditionnelle et l’éducation nouvelle ont pensé la problématique de l’autorité en éducation dans des sens différents.

Le climat favorable aux apprentissages dans une classe dépend de plusieurs facteurs dont la nature de la relation pédagogique et l’autorité de l’enseignant. En empruntant à F. Morandi (2008, p578) la définition de la relation pédagogique, nous disons que : « la relation pédagogique se conçoit à la fois comme la dynamique d’un échange et comme un système fonctionnel d’apprentissage et d’éducation. Elle marque le lien profond entre la communication humaine et les savoirs » . De cette définition, on retient que la relation pédagogique met en jeu des acteurs ayant des rôles différents mais unis par le savoir ou plus précisément par la transmission des savoirs. Comment se pose la question de l’autorité dans la pédagogie traditionnelle et dans la pédagogie nouvelle ? Quelles sont les différences acceptions du terme autorité ? Ces deux questions constituent les deux axes de notre réflexion.

1. La question de l’autorité dans la pédagogie traditionnelle et dans la pédagogie nouvelle

La nature de la relation pédagogique est déterminante dans la mesure où elle pose toujours le problème du rapport au savoir qui, a priori, institue une relation asymétrique entre l’éducateur et l’éduqué. Le premier qui possède le savoir et est habilité à le transmettre détient un pouvoir sur le second qui est dans une posture d’apprenant. On peut supposer que l’éduqué qui ne possède pas le savoir ne manifeste pas toujours le désir de l’acquérir. De ce fait, la relation pédagogique implique deux choses. Premièrement, la responsabilité de l’adulte de faire accéder l’enfant au savoir considéré comme un héritage de l’humanité transmis de génération en génération et deuxièmement, l’autonomie et la capacité de celui-ci à accéder au savoir.
La relation pédagogique soulève une question fondamentale relative à la nature de l’autorité de l’enseignant. Autrement dit, il s’agit de déterminer la manière dont il doit exercer son autorité. Cette question a donné lieu à deux grands courants pédagogiques que sont : la pédagogie traditionnelle et les pédagogies nouvelles.

Il ne s’agit pas d’examiner ces deux courants en profondeur mais de présenter les grands traits caractéristiques. La pédagogie traditionnelle institue l’autorité de l’éducateur sur l’éduqué dans une relation asymétrique et verticale. C’est dire que la pédagogie traditionnelle reconnaît à l’enseignant une autorité qu’il peut exercer selon ses propres convictions sur l’élève. Celui-ci doit toujours obéir et se soumettre à l’autorité de l’éducateur sans la contester. Ce qui a conduit M. François-Unger(1966, p121) à dire que la pédagogie traditionnelle réduit le rôle de l’élève à l’exécution des devoirs car il n’est soumis qu’à des devoirs : « La poudre maîtresse de l’édifice était le principe d’autorité. Les enfants devaient. Ils devaient prendre un cours ou une dictée une heure durant, ils devaient se mettre constamment en rang, ils devaient spontanément se découvrir ou se lever devant un adulte, ils devaient se taire, etc. Leur existence se présentait comme une suite ininterrompue de devoirs » .

L’enseignant dans l’exercice de son autorité court toujours le risque de tomber dans l’autoritarisme qui peut être considéré comme un abus de l’autorité. Les sanctions deviennent nécessaires pour instituer son autorité et la discipline en classe. La question de l’autorité est abordée par les pédagogies nouvelles ou éducation nouvelle dans un sens opposé à celui de la pédagogie traditionnelle.

En effet, contrairement à la pédagogie traditionnelle, les pédagogies nouvelles mettent l’enfant au cœur du processus d’apprentissage. Elles enlèvent à l’enseignant la possibilité d’exercer directement son autorité sur les élèves. De ce fait son rôle est beaucoup réduit. Il n’est pas considéré comme un détenteur du savoir qu’il doit transmettre aux élèves mais plutôt comme un guide qui les accompagne. L’éducation nouvelle conçoit une nouvelle forme d’autorité dont l’objectif est d’émanciper l’enfant comme l’indique X. REONDET (p98) : « Autorité du futur donc, mais également, autorité de l’amour et autorité politique ; l’autorité ne reproduit pas l’Un indéfiniment, mais laisse ouvert des potentialités en se basant sur les Deux, fondé sur un double mouvement de reconnaissance caractérisant la relation éducative. L’amour met en scène la reconnaissance de l’adulte et la reconnaissance de l’enfant, en plaçant ces personnes sur un même plan d’égalité ; et c’est à partir de cette relation que les Novateurs veulent reconfigurer le sensible » .

La différence dans la conception de l’autorité entre les deux courants pédagogiques a son fondement dans la différence de conception qu’ils ont de l’enfant. La pédagogie traditionnelle a une conception pessimiste de l’enfant en ce sens qu’elle le considère comme un être enclin au mal, incapable de travailler de lui-même sans contrainte. Cette conception a son origine dans la pensée judéo-chrétienne qui considère l’enfant comme un être marqué du péché originel qui le prédispose au mal. Par conséquent, l’enseignant doit contenir ses mauvais penchants en exerçant sur lui une autorité forte.

Par contre, l’éducation nouvelle a une idée positive de l’enfant en ce sens qu’elle le considère comme un être capable d’apprendre de lui-même sans aucune forme de contrainte de la part de l’adulte pourvu qu’il trouve son intérêt dans ce qu’il apprend.

Ce bref rappel de l’histoire de la pédagogie vise essentiellement à éclairer sur les deux grandes approches de la relation pédagogique indissociable de la question de l’autorité.

Au-delà de cette querelle d’école sur les méthodes pédagogiques, nous affirmons de prime abord que l’autorité de l’enseignant est une nécessité et est indispensable à la réussite de l’éducation. Mais qu’est-ce que l’autorité ?

2. Les deux acceptions de l’autorité

L’autorité est un terme d’emploi courant mais très complexe et difficile à définir. Nous pouvons nous référer à l’origine latine du terme d’autorité pour déterminer ses différents sens. En latin, deux termes (la potesta et l’auctoritas) désignent l’autorité mais dans des contextes différents.

La potesta est l’autorité fondée en droit c’est-à-dire un pouvoir légal que les institutions de la Société (gouvernement, militaire, école…) reconnaissent à une personne. En vertu de ce pouvoir, la personne peut légalement commander et obtenir obéissance ou l’exiger et sanctionner les manquements au règlement. Par exemple, le professeur légalement enseigne et a le droit de sanctionner un élève.

La potesta est une autorité statutaire que désigne l’expression “être l’autorité” qui signifie “représenter l’autorité”, “être investi d’autorité”. L’autorité statutaire est impersonnelle, ses conditions d’exercice, ses limites et les sanctions y relatives sont définies par la loi.

Si les institutions investissent une personne de la potesta, l’auctoritas est par contre liée à la personne elle-même, elle est un de ses attributs, un don naturel et elle n’en a pas été investie par une instance. Si toute personne peut être investie de la potesta si elle possède les aptitudes, les compétences requises pour un emploi ou une fonction quelconque, l’auctoritas semble être un privilège accordé par la nature à quelques individus seulement. L’auctoritas permet à ceux qui la possèdent d’avoir une influence sur leurs semblables. Elle fonde l’idée d’“autorité naturelle” et est traduite par l’expression ̏avoir de l’autorité̋. Il est important de savoir que les deux sortes d’autorité ne s’excluent pas forcément, elles sont très souvent complémentaires dans la mesure où une personne investie d’autorité doit avoir de l’autorité pour pouvoir exercer convenablement son pouvoir et faire exécuter les tâches qu’elle confie à ses agents, subordonnés ou élèves.

En plus des expressions “être autorité”, “avoir de l’autorité”, il y en a une autre, “faire autorité” qui est fondée sur les compétences que possède une personne. Plus précisément, on dit d’une personne qu’elle fait autorité si elle possède les compétences et le savoir nécessaire dans un domaine d’activités donné. L’autorité fondée sur les compétences n’est ni statutaire ni naturelle, elle est forgée progressivement par l’abnégation au travail.

L’analyse de ces différentes dimensions du terme d’autorité vise essentiellement à mettre en exergue leur enjeu dans la relation pédagogique. Il est évident que reconnaître légalement l’autorité à un enseignant n’implique pas sa capacité à l’exercer effectivement. Il peut manquer d’autorité sur les élèves, ce qui peut s’expliquer par le fait qu’il ne maîtrise pas la discipline qu’il enseigne du fait de ses carences intellectuelles, l’insuffisance de ses connaissances dans son domaine, bref, parce qu’il ne ‘‘fait pas autorité’’.

Il arrive qu’une situation qui peut paraître paradoxale se présente : un enseignant peut très bien maîtriser sa discipline et pourtant manquer d’autorité sur les élèves. Ce qui s’explique par le fait qu’il est incapable d’imposer son autorité du fait de sa personnalité.

L’autorité de l’enseignant n’est pas une donnée figée, acquise définitivement, elle se construit progressivement au contact des élèves. La capacité pour l’enseignant à asseoir son autorité lui permet de créer un climat favorable à l’enseignement en classe. Obtenir la discipline en classe dépend de la manière que l’enseignant exerce son autorité. La relation enseignant –élève qui est une relation asymétrique fondée légalement ne suffit pas pour que les élèves lui obéissent.

Un enseignant qui veut obtenir le respect des élèves, partant imposer son autorité doit s’imposer lui-même une discipline rigoureuse. L’autodiscipline de l’enseignant qui se traduit par un corps de devoirs qu’il respecte rigoureusement sert de modèle aux élèves. Il doit éviter l’abus de son autorité, le favoritisme, l’impartialité dans ses rapports avec les élèves en classe et dans les notes. En plus, il doit incarner les valeurs qu’il entend des élèves : la ponctualité, la rigueur et la persévérance dans le travail, le respect du règlement, le respect des élèves et de ses collègues, l’honnêteté, avoir une bonne conscience professionnelle. Autres comportements que l’enseignant doit se garder d’avoir sont le copinage avec les élèves, le dénigrement de ses collègues auprès de ceux-ci, l’ingérence dans les problèmes qui ne concernent que les élèves (par exemple les inciter à la grève). Il est fondamental pour l’enseignant de respecter la diversité culturelle, de combattre les comportements moralement inacceptables tels que la discrimination et l’incitation à la violence.

En somme, l’enseignant doit questionner quotidiennement sa propre pratique en classe et avoir le courage et l’honnêteté de se remettre en cause si la responsabilité des dysfonctionnements lui incombe. Un enseignant qui se considère comme le maître absolu et incontestable en classe, tombe toujours dans l’autoritarisme. Il peut toujours obtenir le silence en classe sans que les élèves ne s’intéressent à ce qu’il enseigne. Par conséquent, ils ne participeront pas au cours, or la participative active des élèves au cours est une condition essentielle pour qu’ils l’assimilent. Dans la relation pédagogique l’enseignant doit pouvoir combiner les trois dimensions de l’autorité que sont : être autorité, faire autorité et avoir de l’autorité. C’est la condition pour qu’il obtienne la soumission volontaire des élèves à son autorité.

Rodrigue Paulin BONANE, Attaché de recherche en philosophie de l’éducation à l’Institut des Sciences des Sociétés (INSS) du Centre national de recherche scientifique et technologique (CNRST), rodbonane@yahoo.fr

1. F. MORANDI , 2008 « La relation pédagogique »,in ZANTEN (AV) (dir.), Dictionnaire de l’éducation, coll. « Quadrize », Paris, PUF, p578
2. M. François-Unger, 1966, « L’ordre ancien et l’ordre nouveau » in MIALARET (G.), Éducation nouvelle et monde moderne, coll. « Sup », Paris, PUF, p121.

3. X. REONDET, 2010, « L’éducation nouvelle et la question de l’autorité » in PRAIRAT (E.),L’autorité éducative : déclin, érosion ou métamorphose, coll. « Questions d’éducation et de formation », Nancy, Presses universitaires de Nacy, p98.

Références bibliographiques

MORANDI Franc, 2008, « La relation pédagogique »,in ZANTEN (AV) (dir.), Dictionnaire de l’éducation, coll. « Quadrize », Paris, PUF, 2008, p578-582

Mme François-Unger, 1966, « L’ordre ancien et l’ordre nouveau » in MIALARET (G.), Éducation nouvelle et monde moderne, coll. « Sup », Paris, PUF, p125-129.

REONDET Xavier, 2010 « L’éducation nouvelle et la question de l’autorité » in PRAIRAT (E.),L’autorité éducative : déclin, érosion ou métamorphose, coll. « Questions d’éducation et de formation », Presses universitaires de Nacy, Nancy, p87-106

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