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PERCEPTION PAYSANE DE L’IMPACT DE LA VARIABILITE CLIMATIQUE SUR LA PRODUCTION DU SÉSAME DANS LA COMMUNE DE BÉRÉGADOUGOU

Publié le jeudi 25 juillet 2024 à 17h30min

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Résumé
Au Burkina Faso, le sésame est la deuxième culture d’exportation après le coton. Dans la commune rurale de Bérégadougou, il est la deuxième spéculation de rente après l’arachide. Cet oléagineux est essentiellement pluvial et, par conséquent, largement dépendant de la pluviométrie. L’objectif vise à analyser l’impact de la variabilité climatique sur la production du sésame. Pour y parvenir, la méthodologie de recherche s’est appuyée sur une approche géographique globale. Les résultats attestent que les variations pluviométriques et thermiques n’ont pas d’incidence sur la production du sésame. La perception paysanne de la variabilité climatique sur le sésame, en atteste également à 92% par les exploitants agricoles familiaux.

Mots clés : variabilité climatique, sésame, Bérégadougou, Burkina Faso.

Introduction

L’Afrique apparaît comme la région où subsistent les plus grands défis en matière de disponibilité, d’aménagement et de distribution des ressources en eau. On assistera à une diminution des ressources en eau disponible et à une accentuation de la sécheresse aux latitudes moyennes et dans les zones semi-arides des basses latitudes, puis à une exposition de centaines de millions de personnes à un stress hydrique accru (GIEC, 2007 cité par Karambiri, 2017, p.13). Or, les activités agricoles dans lesdits pays de l’Afrique sont intimement liées à l’eau et dépendante des précipitations. Le climat est le déterminant essentiel de la pratique de l’agriculture. Avec la globalisation des échanges et la nécessité de répondre à de nouveaux enjeux liés au changement climatique et à la crise énergétique, les agricultures africaines sont ainsi sollicitées pour produire de nouvelles cultures, pérennes ou annuelles, alimentaires et/ou énergétiques (Audouin, 2014,p.1).

Parmi ces cultures, le sésame occupe de plus en plus une place de choix dans les exploitations agricoles de certains pays de l’Afrique de l’Ouest (Sanogo, 2017, p.2). Deuxième culture d’exportation du Burkina Faso après le coton, la production du sésame entre dans le cadre de la diversification de la production agricole et de l’amélioration des conditions de vie des exploitants agricoles familiaux. Circonscrite à l’Ouest du Burkina Faso, dans la région des Cascades, la commune rurale de Bérégadougou n’est pas en reste dans la production du sésame. La culture du sésame procure des revenus substantiels aux producteurs dans leurs quêtes de réduction de la pauvreté, de réalisation de la sécurité alimentaire.

1. Cadre méthodologique
1.1. Situation de la zone d’étude

La commune rurale de Bérégadougou est circonscrite dans la province de la Comoé, région des Cascades. Elle a pour coordonnées géographiques 10°46’0"de Latitude Nord et 4°45’0" de Longitude Ouest. Elle couvre une superficie de 265 km2. Elle est limitée à l’Ouest et au Nord-Ouest par la commune rurale de Moussodougou, à l’Est par la commune rurale de Tiéfora, au Nord par la commune rurale de Toussiana et au Sud par la commune urbaine de Banfora (figure 1).

Figure 1. Localisation de la commune de Bérégadougou

1.2. Méthode

La démarche méthodologique adoptée est basée sur les données quantitatives et qualitatives issues de l’exploitation documentaire, des entretiens et des enquêtes par questionnaires. Les enquêtes de terrain se sont déroulées en janvier 2023. Elles se sont appuyées sur l’organisation territoriale de la commune. Ainsi, cinq localités : Bérégadougou, Fabédougou, Malon, Takalédougou Kôkô, et Séréfedougou (Figure 1) ont fait l’objet d’enquêtes de terrain. Ces terroirs ont été choisis de manière raisonnée. Le choix des agriculteurs ayant fait l’objet des enquêtes s’est basé sur deux critères : être chef de ménage exploitant agricole de sésame résidant dans le terroir et ayant au moins 30 ans. Il a été nécessaire d’opiner pour le choix des échantillons standards, à raison de 25 chefs de ménages enquêtés par localité.

Au total, 125 chefs de ménage exploitants de sésame ont été enquêtés sur une population-cible de 3163 ménages. Les enquêtes qualitatives ont eu lieu avec les responsables des services déconcentrés de l’État : le chef de la zone d’appui technique à l’agriculture (ZATA) et le chef de la zone d’appui technique à l’élevage (ZATE).

2 Résultats
2.3 Dynamique de la production du sésame dans la commune de Bérégadougou

L’évolution de la production du sésame dans la commune rurale de Bérégadougou est intimement liée à l’évolution des superficies emblavées. Plus la production augmente, plus la superficie emblavée augmente. Ainsi, la campagne agricole de sésame de 2018, avec 105 000 kg, a enregistré une forte production sur une superficie de 175 ha, qui est la plus importante sur la série d’analyse. Par ailleurs, les rendements de production au cours de la même campagne de sésame est de 600 kg / ha, qui est en deçà (750 kg/ha) des potentialités variétales rendues possibles par la recherche scientifique. Aussi la production et les superficies emblavées croissent de 2011 à 2018, avant de décroître jusqu’en 2021. Les exploitants agricoles familiaux de sésame affirment dans leur majorité (98%) que la chute de la production (120 000 kg) et des superficies emblavées (15 ha), en 2020, ont été causés par la pandémie à coronavirus. Cette période a été marquée par des restrictions sanitaires qui ont amené 67% des producteurs à marquer un arrêt dans la production du sésame.

Les rendements de la production du sésame dans les parcelles sont en croissance continue sur toute la série d’analyse. De 2020 à 2021, les rendements ont dépassé les 750 kg/ha préconisés par la recherche. Autrement dit, selon 87 % des enquêtés, l’augmentation des rendements de sésame est due à la maîtrise des itinéraires techniques de production et des stratégies résilientes pour atténuer les effets de la. variabilité climatique. Ainsi, la pratique de la rotation de culture est adoptée par les producteurs.

En effet, elle est une technique culturale qui consiste à réaliser une succession de cultures dans le temps en cycle périodique sur une exploitation agricole. Elle peut être biennale ou triennale. La rotation sésame-maïs est pratiquée par 87% des exploitants et 11% par la rotation triennale Sésame-maïs-arachide. Aussi, l’association des cultures est utilisée par les producteurs de sésame (Sanogo et al., 2024). On y rencontre l’association sésame+ arachide (57%), sésame + mil (17%), sésame + sorgho (15%), sésame + haricot (7%).

2.2 Perceptions paysannes de la variabilité climatique sur la production du sésame

Les perceptions paysannes de la variabilité climatique sur la production du sésame se résument à la grande variabilité des précipitations d’une année à une autre, l’augmentation de la température, l’apparition de vents violents , d’un démarrage tardif des précipitations, de la perturbation des saisons de pluies par des séquences sèches, d’un arrêt précoce des pluies, de la présence des inondations dans les exploitations familiales. La figure 2 montre la logique paysanne de la variabilité climatique.

Figure 2 : logique paysanne de la variabilité climatique

Source : Enquête terrain, janvier 2023

En effet, les exploitants agricoles de sésame (96,70%) pensent que la variation des précipitations d’une année à une autre est le principal indicateur de la variabilité climatique car l’eau est l’élément capital de la production agricole en général et du sésame en particulier. Cette variabilité pluviométrique est la cause du démarrage tardif (73% selon les exploitants) de la campagne de sésame. Ainsi, les semis de la mi-juin sont repoussés en fin juin, soit quinze jours de décalage. De même, 70% des producteurs de sésame imputent la perturbation de la saison des pluies par des séquences sèches de la variabilité des précipitations. Aussi, 65,87% des exploitants agricoles familiaux de sésame pensent que l’arrêt précoce des précipitations est préjudiciable à la croissance de la plante du sésame. Il perturbe la floraison et la maturation du sésame, entraînant souvent le stress hydrique qui est source de perte de la récolte. L’apparition des inondations dans les exploitations de sésame est citée par 47% des exploitants agricoles familiaux et est source de perte de la production.

A titre d’exemple : 8, 6% des producteurs n’ont pas pu récolter leurs productions de sésame suite à l’inondation de leurs parcelles en 2020. Les investigations attestent de l’apparition de vents violents dans la commune rurale de Bérégadougou. Les exploitants agricoles familiaux de sésame (79,10%) pensent que les vents violents en fin de campagne perturbent les récoltes. En effet ces derniers entrainent la perte des graines par éclatement des capsules dont les dégâts peuvent représenter plus de 25% de la production.

Conclusion

La production du sésame a connu une augmentation de 2011 à 2018, due entre autres à la maîtrise des techniques de production et à l’application des méthodes culturales telles que la rotation de culture, l’association de culture et l’utilisation des engrais organiques et chimiques. Par contre de 2019 à 2021, la production du sésame est marquée par une décroissance due essentiellement à l’apparition de la maladie à coronavirus. Les populations de la zone trouve que la variation du début et de la fin de la saison pluvieuse perturbent la floraison et la maturation du sésame, entraînant souvent le stress hydrique qui est source de perte de la récolte.

1KARAMBIRI Bienvenue Lawankilea Chantal Noumpoa, 2SANOGO Salifou, 3BADINI Mahamoudou, 4YANOGO Isidore Pawendkisgou

1Institut des Sciences des Sociétés (INSS/CNRST)
2Université Lédéa Bernard OUEDRAOGO
3Université Joseph Ki-ZERBO
4Université Norbert ZONGO, Burkina Faso

Références bibliographiques

Audouin Sarah (2014). Systèmes d’innovation et territoires : un jeu d’interactions ; les exemples de l’anacarde et du jatropha dans le sud-ouest du Burkina Faso. Thèse de Doctorat unique de Géographie, Université Paris I - Panthéon-Sorbonne. École doctorale de géographie de Paris : Espaces, sociétés, aménagement. UMR 8586 PRODIG , 418 p.

Karambiri Bienvenue Lawankilea Chantal Noumpoa, 2017. Variabilité climatique et gestion intégrée des ressources en eau dans le bassin-versant du Sourou au Burkina Faso, thèse de doctorat unique en géographie, université Ouaga 1 professeur Joseph KI-ZERBO, 237 p.
Sanogo Salifou, 2017, Dimension sociale et économique de la culture du sésame (Sesamum indicum L.) dans la Kossi, au nord-ouest du Burkina Faso, Thèse de Doctorat Unique en géographie, Université Ouaga I Professeur Joseph Ki Zerbo, 293 p

Sanogo Salifou, Karambiri Bienvenue Lawankilea Chantal Noumpoa, Badini Mahamoudou, Yanogo Pawendkisgou Isidore, 2024. Climat variability and sesame production in the rural community of Bérégadougou , Burkina Faso, bullettin of the serbian géographical society, 104(1) 223-236.

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