Burkina/Soutenance de thèse : Régie Dimanche Ouédraogo est désormais docteur en chimie
« Contribution à la mise en œuvre d’un matériau latéritique dans le traitement des eaux souterraines contaminées par l’arsenic ». Tel est le titre de la thèse que Régie Dimanche Ouédraogo a soutenue ce mercredi 11 septembre 2024 à l’université Joseph-Ki-Zerbo de Ouagadougou. À l’issue de sa présentation, il a été jugé digne du titre de docteur par le jury, avec la mention très honorable. Il est docteur en chimie avec pour spécialité « chimie physique et physico-chimie des interfaces ».
Il n’est pas issu des sciences de la santé mais il a produit une étude qui va permettre de préserver la vie des populations burkinabè. En effet, l’arsenic, qui a fait l’objet de son étude, est un polluant toxique à la santé qu’on trouve dans les eaux. Suite aux problèmes de santé liés à l’arsenic qui sont apparus dans la partie nord du Burkina Faso, en raison de la contamination des eaux souterraines par ce polluant, Régie Dimanche Ouédraogo a décidé de mener cette étude en vue de trouver des solutions. Devant le jury de cinq membres, l’impétrant a rappelé que ce polluant se trouve dans toutes les localités du pays. Le cas de cette partie septentrionale qui fait l’objet de son étude est particulier, ayant précédemment fait l’objet d’étude. « Une étude menée entre 2008 et 2010 dans cette partie du pays a permis de mettre en évidence des signes cliniques et biologiques chez la population rurale (hyperkératose au niveau de la paume des mains, des doigts, de la plante des pieds et des orteils ; et tumeur ulcéro-nécrotique de la main) liés à la consommation de ces eaux polluées par l’arsenic », a-t-il indiqué.
En dépit de l’engagement de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il urge, selon l’impétrant, de chercher des solutions locales. Pour y arriver, il a proposé un système de traitement des eaux afin de permettre à la population de disposer d’eau de qualité, notamment de l’eau potable. Cette solution proposée, dit-il, est un système de filtration à moindre coût, qui est toujours en cours d’expérimentation dans la région du Nord (Ouahigouya) et dans les Hauts-Bassins (Karangasso-Vigué). « Il fonctionne par simple filtration à travers un lit de matériaux locaux accessibles à la population vivant en milieu rural où les eaux de boisson sont à haute teneur en arsenic », a détaillé le chimiste.
Pour lui, la pertinence de cette recherche est liée à l’utilisation des connaissances en science et technologie pour assurer l’accès à une eau potable accessible dans les zones rurales du Burkina Faso, comme indiqué dans les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) (Projet du Millénaire des Nations-unies, 2005). Il est donc évident que la science et la technologie peuvent jouer un rôle important dans l’accès à l’eau potable. De ce point de vue, son activité s’inscrit également dans la politique et les stratégies de lutte contre la pauvreté, adoptées par l’autorité nationale des ressources en eau. De l’analyse de Régie Dimanche Ouédraogo, plusieurs techniques conventionnelles existent pour le traitement des eaux contaminées par l’arsenic. Mais elles sont très difficiles à mettre en œuvre dans les pays en développement en raison de leur coût élevé, de la technologie sophistiquée qu’elles impliquent et des risques de toxicité dans certaines circonstances. Sa trouvaille, dit-il, constitue des procédés peu coûteux mais efficaces pour le traitement de l’eau contaminée en utilisant des matériaux naturels du pays. « Cela a conduit l’Équipe de chimie physique et électrochimie (ECPE) de l’université Joseph-Ki-Zerbo à développer des procédés de traitement des eaux contaminées à l’arsenic, en mettant l’accent sur l’élimination de l’arsenic à l’aide d’une colonne à lit fixe remplie de latérites locales du Burkina Faso. Ces investigations ont ouvert la voie aux premières utilisations des latérites locales du Burkina Faso et le charbon actif synthétisé à partir des noyaux de balanites pour la dépollution en arsenic de l’eau au moyen d’un système de filtration », a-t-il mentionné.
À l’issue de son exposé de 40 minutes, le jury, présidé par Pr Samuel Paré, a grandement apprécié la densité du travail de l’impétrant. Il a souligné la qualité et la clarté du document, tout en invitant Régie Dimanche Ouédraogo à procéder aux corrections le plus tôt possible. Le jury l’a donc jugé digne du titre de docteur avec mention très honorable. Le président du jury a félicité l’impétrant pour la cohérence de son travail. Son directeur de thèse, Pr Boubié Guel, a salué un « travail formidable ».
Après près de dix années d’étude et des stages effectués dans des laboratoires hors du Burkina, Régie Dimanche Ouédraogo a réussi à mettre au point ce système de filtration. Selon l’impétrant, cette étude a impliqué deux groupes de recherche de l’université Joseph-Ki-Zerbo. Il s’agit entre autres de l’équipe de chimie-physique et électrochimie de Pr Boubié Guel (UFR-SEA/École doctorale science et technologie) et le laboratoire de toxicologie, environnement et santé de Pr Issa T. Somé (UFR-SDS/École doctorale science de la santé). Elle a bénéficié des financements des projets ARES-CCD/PIC (2012), Synergie (2018), 05/AP01 Fonrid, IPICS/BUF02 et de Wateraid (2018).
En effet, au-delà de son utilisation dans le système de filtration, le charbon actif synthétisé à partir des noyaux de balanites présente des propriétés physiques attrayantes, soulignant ainsi son efficacité pour l’extraction de l’or. Ce secteur d’extraction de l’or fait partie des compétences supplémentaires détenues par l’équipe de chimie-physique et électrochimie. Cette soutenance est une preuve que le Burkina dispose de compétences dans le domaine du traitement des eaux souterraines polluées et dans la production du charbon actif à partir de ses matériaux locaux.
Serge Ika Ki
Lefaso.net