LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

Téné Konaté, élève et "bonne" : "L’école est une affaire de riches"

Publié le jeudi 7 octobre 2004 à 09h32min

PARTAGER :                          

Téné Konaté est une fille qui a fréquenté jusqu’au CMII. Après avoir échoué une première fois au CEP, elle sera vite retirée de l’école en vue d’aider sa maman dans les travaux ménagers.

Très ambitieuse, Téné avait cependant un rêve : devenir sage-femme. Cette ambition va la décider à quitter son village natal pour Ouagadougou, échappant ainsi au mariage forcé que concoctaient ses parents. A Ouagadougou, elle est engagée comme <> dans une famille.

Ayant la chance d’avoir <> compréhensive, Téné a pu s’inscrire au cours du soir cette année et a décroché le CEP. Cette fille déterminée s’est présentée à Sidwaya pour exprimer son désespoir de ne pas pouvoir poursuivre ses études. Dans cette interview, elle nous parle de son histoire et de son vœu.

Sidwaya : Raconte-nous ton histoire.

Téné Konaté (T.K.) : Je m’appelle Téné Konaté.
J’ai 16 ans et je suis originaire de Kassoum dans la province du Sourou. Mon père se nomme Landolo Konaté et ma mère, Banciya Drabo, tous cultivateurs à Tianra. Je suis d’une famille polygame. J’ai fréquenté l’école jusqu’au CMII. Mon échec au certificat en 2001 sera un alibi pour mon père de me retirer de l’école pour que je donne un coup de main à ma maman dans ses travaux ménagers. J’ai accepté la situation malgré moi. J’observais de près en larmoyant mes camarades reprendre le chemin de l’école alors que je devais surveiller mes petits frères. J’étais tout le temps triste et je réfléchissais beaucoup.

Comme si mes parents ignoraient le tort qu’ils m’ont fait en me retirant de l’école, ceux-ci envisageaient me trouver un mari. Pour donc éviter d’être prise dans leur piège j’ai préféré me rendre à Ouagadougou ce, en compagnie d’autres filles dans l’espoir d’avoir un travail rémunéré. Dès notre arrivée dans la capitale, j’ai eu la chance d’être engagée par une femme courtoise et compréhensive. Après s’être imprégnée de ma situation, celle-ci accepta que je reprenne le CMII en cours du soir. Dieu faisant bien les choses, j’ai réussi à mon examen.

S : Que comptes-tu faire actuellement ?

T.K : Il est vrai que j’ai eu le premier diplôme mais quel est sa valeur si je dois rester à la maison pour faire la cuisine ? Je veux continuer mon cursus scolaire et devenir plus tard une sage-femme. C’est vraiment mon rêve. Cependant, je n’ai pas les moyens de mes ambitions. Je suis convaincue que ma patronne a l’intention de m’aider. Mais compte tenu de ses charges familiales, cela serait très difficile.

Toutefois, je prie pour elle et que Dieu la bénisse pour son soutien à mon endroit. Elle est moaga et je suis samo. Dans sa famille, je suis intégrée. La rentrée scolaire 2004-2005 étant déjà effective, beaucoup d’enfants ont repris le chemin de l’école.

C’est vraiment une chance pour ceux-ci d’avoir des parents riches, intellectuels et surtout compréhensifs. Présentement je souffre moralement et mes nuits sont trop longues. Je cherche des solutions mais aucune lueur d’espoir jusque-là. S’il était vrai que l’école est "un droit" pour tous les enfants, je ne comprends pas pourquoi certains sont à la maison bien qu’ayant le désir d’être scolarisés.

Face à cette situation, j’ai tiré la conclusion suivante : l’école est une affaire de riches. Même issue d’une famille pauvre, je suis sûre que je pourrai atteindre mon objectif si toutefois on me vient en aide. Je suis courageuse, intelligente et travailleuse. <> dit-on. Et je compte sur toute bonne volonté pour la réalisation de mon vœu le plus ardent.

Propos recueillis par Aïssata BANGRE


L’école, un droit...

Certes, l’école est un droit pour tous les enfants. Mais ils sont combien au Burkina à ne pas bénéficier de ce droit ? Des milliers à n’en pas douter. Et pour cause la pauvreté et surtout l’analphabétisme qui touche plus de 80% de la population. Face à cette situation <> la responsabilité incombe d’une manière générale à l’Etat qui doit ipso facto y trouver des solutions idoines.

Cela, dans l’intérêt de toute la nation. Car ne dit-on pas que la jeunesse constitue l’avenir d’un pays ? De ce fait, celle-ci doit être prémunie contre le danger et doit bénéficier de tous les éléments indispensables pour son épanouissement. Il s’agit notamment de l’éducation, de la santé.

Vu l’intérêt que cela suscite, c’est tous les acteurs du développement de notre pays qui sont interpellés. Ainsi, le gouvernement, la société civile, les ONG, les partenaires financiers et techniques, les autorités coutumières et religieuses, les parents d’élèves... à vos marques pour un monde plein de prospérité pour les tout-petits, <>. Faisons en sorte que l’école ne soit plus un luxe pour ces petits êtres.

A.B

Sidwaya

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 9 octobre 2004 à 00:12, par Dominique YANOGO,abbé. En réponse à : > Téné Konaté, élève et "bonne" : "L’école est une affaire de riches"

    Il existe une association "Solidarité Marthe et Marie" au Burkina dans laquelle des filles comme Téné trouvent d’autres filles pour réussir ensemble leur avenir. L’Observateur a parlé d’elles en août dernier. Téné a déjà une tutrice, il ne lui manque plus que des soeurs pour grandir en toute confiance. L’argent est un obstacle que l’on peut vaincre aussi par la solidarité.C’est ce que vous faites déjà !
    Si vous avez des difficultés à contacter le bureau de la Solidarité vous pouvez donner davantage d’informations sur elle et sur sa situation au fondateur de l’association (abbedominique@yahoo.fr) : ce sera la contribution du journal que d’accepter d’assurer les relations de Téné, du fait de l’urgence.
    Que devient cette autre fille qui après le BEPC a frappé à vos portes pour échapper au mariage forcé ?
    Félicitations à votre journal pour ces alertes régulières sur la difficile condition des filles à l’école au Burkina.
    Dominique YANOGO (il n’est pas nécessaire de publier ce message)

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique