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Vendeurs ambulants de viande à Ouagadougou : La croix et la bannière pour les marchands

Publié le mercredi 3 septembre 2008 à 03h36min

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Viande en plein air à la recherche d’un preneur.

Ils ne vivent que du commerce de la viande. Arpentant les rues de la capitale, ils proposent de la viande grillée ou fraîche. Mais avec la “vie chère”, leurs chiffres d’affaires ont chuté. Clin d’œil sur un gagne-pain auquel s’adonnent des centaines de jeunes à Ouagadougou.

Les bouchers de Ouagadougou subissent durement les effets de la vie chère. La hausse généralisée des prix, qui a affaibli le pouvoir d’achat des populations, ralentit leur commerce. Peu à peu, ce qui a toujours été pour ceux une activité de subsistance devient un véritable casse-pieds. “Nous avons beaucoup du mal à vendre notre viande, déclare le quadragénaire Irissa, boucher établi à Zabr Daaga ; chaque jour nous accumulons des invendus”.

Dans ce commerce, les risques de pertes sont de plus en plus élevés. Faute d’équipements adéquats pour la conservation de la viande, les acteurs vivent dans la peur de perdre leur fonds de commerce. Chaque soir, ils sont très nombreux à descendre dans la rue pour proposer de la viande aux usagers de la route. Leurs lieux de prédilection sont les grandes avenues, les espaces publics, les maquis et les bars situés en plein centre-ville.

Aux environs de 16h déjà, on en voit souvent plus d’une dizaine aux alentours du grand marché Rood Woko, à Zabr Daaga ainsi que du côté de Boins Yaaré. Ils sont alignés tout au long des voies. Les bras et le ventre sont mis à contribution pour soutenir leurs charges. Chacun pouvant porter près de 10 kg de viande, à moitié enveloppée dans du papier d’emballage de ciment. De la viande en plein air à la recherche d’éventuels preneurs. Du côté de Rood Woko, dans la rue située au Sud des Editions Sidwaya, l’ambiance est bon enfant.

Un monde fou s’agite bruyamment. Une foule de piétons, des cyclistes, des motocyclistes et des automobilistes se côtoient à longueur de journée. Chacun essaie tant bien que mal de se frayer un passage. Pour les automobilistes, les klaxons ne suffisent pas toujours pour dégager la voie. Des vendeurs de prêt-à-porter, de chaussures, de livres et autres harcèlent sans cesse les passants. Pour les bouchers, c’est là un très bon endroit pour vendre. Entre les klaxons des automobiles et le bruit des motos, les vendeurs de viande donnent de la voie pour interpeller les passants. “Eh patron ! y a bonne viande ici, très bon prix, regardez...Madame arrêtez-vous prendre de la viande...Serrez à droite, j’arrive...De venir ?...Tonton arrêtez-vous prendre de la viande pour tantie ; c’est bonne viande...” Le but, c’est de susciter l’envie, l’intérêt des passants. “Il faut savoir flatter les gens, leur faire croire que cette viande est celle dont ils ont besoin”, confie Alphonse, un des vendeurs de viande. Lorsque le feu passe au rouge, ils vont d’un côté à l’autre de la voie, en se faufilant dans la foule et entre les voitures et les motos.

Certains s’invitent à l’intérieur des automobiles en passant leurs têtes à travers les portières, pour proposer la viande aux conducteurs. Juste à un moment où le feu passait au vert, un moto-cycliste, d’un signe de la main, interpella un des vendeurs. Et hop ! tous ensemble, ils se ruèrent sur lui. Dans la bousculade, un d’eux trébucha sur un pilier et s’écoula, regardant impuissant ses morceaux de viande s’éparpiller. Comme aucun de ses camarades ne se souciait de son sort, il se releva, ramassa les morceaux de viande l’un après l’autre en proférant des injures de sortes : “Bande de chiens enragés, regardez ce que vous avez fait à ma viande ! Je vous le ferai payer un à un, sales vautours !” C’est à peine s’ils l’entendaient. Réunis autour du client, ils rivalisaient d’éloquence.

Chacun tentant de convaincre le client qu’il a les meilleurs morceaux ou qu’il propose les meilleurs prix. “Regardez ces morceaux chef...ce sont les meilleurs...combien vous voulez patron ? dites, je vous ferai un très bon prix, un prix ami...Mon ami n’écoutez pas ces imposteurs... c’est seulement entre vous et moi... Prenez ces trois morceaux à 3000 F...je vous les emballe déjà dans un sachet...dites votre prix...”. Ces débats entre vendeurs sont très fréquents ici et peuvent durer 10, 15, 20 minutes pour que finalement un d’eux parvienne à vendre un ou deux morceaux. Les autres retournent froidement se placer au bout de la voie espérant qu’un autre client se manifestera. Cet exercice très musclé ne manque pas de faire sourire certains usagers de la route.

D’autres par contre n’hésitent pas à faire part de leur indignation à “ces vautours qui perturbent la circulation,” selon l’expression d’un automobiliste apparemment très affligé. Tout ceci est pourtant bien loin d’une partie de plaisir pour ces bouchers. “Actuellement la viande ne s’achète pas tellement. Nous ne sommes pas là parce que le cadre nous enchante,” martèle un boucher. “Si vous allez tout de suite à la boucherie, vous ne verrez que les commerçants assis entre eux, aucun client. Cela nous oblige à décendre dans la rue dans l’espoir de vendre un peu pour réduire nos pertes. Les gens veulent la viande mais ils n’ont pas d’argent.

Pour vendre à cette heure, nous cassons les prix. Les morceaux qui coûtent normalement 1500 F, nous les vendons à 1250 ou 1300 F,” explique un autre vendeur. Avec l’habitude, ils ont réussi à fidéliser une certaine clientèle, à l’image de madame Kaboré, une enseignante du secondaire. “Je prends d’habitude de la viande avec eux. Certainement parce qu’ils sont plus accessibles. Je n’ai pas besoin de garer ma voiture pour rentrer dans le marché. En plus, je me dis que ce sont les mêmes bouchers qui sont à l’intérieur qui sortent vendre ici. Il n’y a donc pas de raison d’avoir peur,” soutient-t-elle. Emmanuel, père de quatre enfants, âgé d’une quarantaine d’années, leur est également fidèle. Mais pour une tout autre raison. “Ils savent que le soir, s’ils n’arrivent pas à vendre, leur viande risque de pourrir. Ils sont obligés de casser les prix pour vendre. Je les guette ici les soirs pour acheter la viande”, dit-il, sourire aux lèvres, content de pouvoir faire une bonne affaire. Comme pour s’excuser, il ajoute : “je sais que ce n’est pas facile pour eux les commerçants, mais ce n’est pas facile pour moi non plus”.

Inoussa MAÏGA
(Stagiaire)

Sidwaya

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