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Université de Ouagadougou : Vers la solution radicale

Publié le mercredi 23 juillet 2008 à 11h49min

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Avec la suspension des activités académiques et pédagogiques, la fermeture des cités et la suspension de toutes les prestations sociales, le gouvernement a pris de court les étudiants et l’opinion publique dans son ensemble. Des mesures d’une extrême sévérité qui n’ont cependant provoqué que des réactions symboliques. Les crises récurrentes qui secouent l’université semblent avoir engendré dans le corps social une certaine lassitude. Il faudra cependant une mobilisation nationale pour sortir de l’impasse.

Une année sans troubles à l’université, cela relève quasiment du rêve. En dix ans, l’université de Ouagadougou a consommé cinq recteurs et présidents, soit un tous les deux ans. Chacun d’eux a eu son lot de problèmes qui ont fini par l’emporter. La crise actuelle semble se cristalliser autour d’un homme, Jean Kouldiati, à qui les étudiants et certains de ses collègues reprochent d’avoir fait recours aux forces de l’ordre. Mais en fait, le problème semble être moins le recours aux forces de l’ordre (puisqu’il n’est pas le seul à l’avoir fait) que la brutalité avec laquelle ces derniers ont maté les étudiants, les pourchassant dans les quartiers environnants et faisant de nombreux blessés parmi eux. En plus de cela, l’homme ne donne pas dans la langue de bois. Il a un langage direct qui choque. Certains y voient même de l’arrogance. Arrivé à la suite du professeur Odile Nacoulma, la première dame à avoir dirigé l’université de Ouagadougou, on susurre qu’il est en train de faire les frais du clan de cette dernière, mécontent d’avoir été évincé. Mais au-delà de la question des hommes, l’université est confrontée à des problèmes réels à la fois externes et internes.

La confrontation du 17 juin

Si la manifestation du 17 juin a donné lieu à une confrontation qui a pris une tournure de chasse à l’homme, l’explication doit être en partie recherchée dans sa position géographique au cœur du dispositif sécuritaire présidentiel. Quand les étudiants programment des manifestations dans des lieux comme le terrain Dabo Boukary, ils ont en général eu gain de cause et les choses se passent dans une relative indifférence. En revanche, quand la présidence de l’université s’oppose catégoriquement à ce que des manifestations aient lieu aux alentours de ses bureaux, on peut douter que les raisons de sécurité invoquées concernent les installations universitaires. Les spécialistes en matière de sécurité expliquent que des sites comme la présidence du Faso, le Conseil de l’entente, la radiodiffusion et la résidence du petit président sont des sites extrêmement sensibles.

C’est pourquoi au moindre bruit, la caserne du Conseil est en alerte. Ce 17 juin, alors que les grenades lacrymogènes crépitaient aux alentours de la présidence de l’université, les commandos en alerte, confinés dans un premier temps dans leur caserne, n’ont pas attendu qu’on leur fasse appel pour monter à l’assaut du campus. On connaît la suite. Tant que la caserne militaire demeurera à proximité du campus, elle fera peser sur les manifestations estudiantines la lourde épée de Damoclès.
A cette menace permanente, il convient d’ajouter les velléités de contrôle de la part des politiques de l’espace universitaire. L’Association Nationale des étudiants Burkinabè (ANEB), la plus vieille organisation estudiantine, la mieux structurée et la plus combative a été de tout temps un enjeu central pour le pouvoir. A défaut de pouvoir en prendre le contrôle, la stratégie du pouvoir a consisté à tenter de la déstabiliser. Et nous sommes dans ce scénario depuis des décennies.

Ces facteurs externes influencent pour une large part la recherche des solutions à l’interne. Le professeur Jean Kouldiati l’a indirectement confirmé : " il y avait des informations concordantes qui faisaient état de menaces de troubles à l’ordre public". D’où venaient ces informations ? Probablement des milieux sécuritaires qui voient d’un mauvais œil toute manifestation, quelle qu’elle soit dans ce périmètre " sensible". On peut se demander ce qu’il en serait si les étudiants de Ouaga II décidaient de marcher à l’intérieur du périmètre universitaire. Il y a de fortes chances que le professeur Bayo se débatte seul contre ses grands étudiants, sans le secours des braves commandos. Si l’on a signalé leur présence au procès des étudiants à Ouaga 2000, un site assez loin de leur base, c’est probablement encore, en raison de la proximité de Kosyam. L’art militaire, c’est aussi la prévention. On n’est pas à l’abri de tout débordement, mieux vaut donc prendre des précautions.

A propos de la plateforme revendicative des étudiants

Des salles de classes inadaptées et insuffisantes, des laboratoires mal équipés, des bibliothèques indignes de ce nom, ce sont là quelques-unes des revendications d’ordre matériel portées par les étudiants à travers l’ANEB. Depuis le mois de février, les corporations ont de manière tournante porté ces revendications dans différentes UFR. La présidence semblait avoir réussi à calmer les premières contestations sans que les problèmes posés n’aient trouvé de solution définitive. Mais les problèmes ont débordé le cadre du campus avec la lutte engagée par les UFR/SVT et SEA. Le différend qui porte sur une série de revendications non satisfaites (infrastructures, problèmes académiques, diverses prises en charge) a abouti à la rupture que l’on sait. Les problèmes d’infrastructure ne sont pas nouveaux.

Du reste, dans les doléances présentées au Premier ministre lors de la visite qu’il a effectuée sur le campus, le président de l’université avait mentionné entre autres, au titre des étudiants : "le recrutement en nombre suffisant d’enseignants et de moniteurs qualifiés, l’allocation de l’aide à tous les étudiants non boursiers de la 1ere à la 3ème année et des prêts à tous les autres, l’augmentation du quota des bénéficiaires de la bourse, la réduction des frais d’abonnement à la MUNASEB, la construction d’un second restaurant universitaire sur le campus de Zogona et leur ouverture pendant les vacances, la construction de cités et l’entretien de ceux existants, l’éclairage de tout le campus, la construction d’amphithéâtres, de laboratoires d’enseignement équipés, l’augmentation de la capacité d’accueil des bibliothèques équipées en ouvrages, l’abrogation du décret N°2006-171-PRES/PM/MESSRS/SECU/MFPRE portant création, attribution, organisation et fonctionnement d’un service de sécurité des universités (SSU)." Il s’agissait certes d’une compilation de plateformes revendicatives touchant les différentes composantes de la communauté universitaire (étudiants, enseignants, personnel administratif, technique, ouvrier et de soutien (ATOS), mais on peut au moins penser que les doléances ont été transmises à qui de droit et publiquement. Mais tout le monde sait que dans leur mise en œuvre, d’autres procédures sont nécessaires.

A la rencontre du 13 juin à la présidence de l’université qui a réuni les autorités universitaires et les représentants des corporations ANEB, SEA et SVT , ces derniers ont pu avoir un aperçu de l’avancement de leurs dossiers. Le président de l’université a fait état d’un dossier concernant les infrastructures et d’une étude sur les œuvres sociales. Les questions académiques sont celles où un accord n’a pas pu se réaliser. Mais précisément sur ce point, les positions des syndicats enseignants sont partagées. Pour Jean Didier Zongo, représentant du Synter à l’UO : "L’ANEB ne demande pas à siéger au conseil scientifique. C’est clair. Ils demandent à ce que les textes soient relus en tenant compte de leur amendement. C’est-à-dire qu’ils vont faire des propositions et dans la relecture, on tiendra compte de cela. Pour ce qui est de la plateforme revendicative dans son ensemble, au niveau du Synter, nous pensons que ce sont des points qui sont fondés."

Magloire Somé, représentant du Synadec, un autre syndicat enseignant : "Au niveau du Synadec, nous avons examiné la question et nous sommes contre le faite que les étudiants aient compétance sur les dérogations.La dérogation, c’est la négation de la règle." Il reconnaît cependant que la question de la dérogation divise les enseignants et en appelle à un large débat au sein de la communauté enseignante. Dans les faits cependant, les dérogations sont admises suivant des conditions précises que les étudiants négocient à la baisse. Faut-il pour cela engager des grèves qui mettent à rude épreuve le calendrier universitaire ? C’est toute la question. Il est à se demander si le calendrier universitaire aurait connu un meilleur sort avec le maintien des positions en présence, notamment celles de l’ANEB et celles de la présidence de l’université ? Pas sûr. Pour être validés, les enseignements obéissent en effet à des critères de temps et de progression.

Et dans l’atmosphère surchauffée du campus, nombre d’enseignants se demandent si ceux qui poussent à la grève ne sont pas mus par des mobiles peu avouables. Si on se bat aussi farouchement pour adoucir les conditions dérogatoires, c’est qu’on est menacé par l’exclusion comme le laissent penser ces propos de Jean Kouldiati : " Je leur ai dit justement à la réunion précédente de m’apporter une liste d’étudiants, éventuellement leurs camarades qui pourraient satisfaire aux conditions édictées par le conseil scientifique. J’ai donc demandé où est la liste. Ils m’ont dit, nous n’avons pas de liste, puisque aucun de nos camarades ne remplit les conditions édictées par le conseil scientifique. C’est pourquoi nous sommes contre et nous souhaitons que ça change ". Les propos du représentant de l’ANEB précisent pour sa part les mobiles qui fondent la revendication : "Compte tenu des conditions d’étude difficiles des étudiants, nous avons souhaité qu’on revoie les textes, qu’on les assouplisse ".

Le climat de suspicion vis-à-vis de l’ANEB est manifeste. Une occasion inespérée pour le gouvernement qui croit enfin le moment venu pour se débarrasser de ses "troublions ". Pas sûr que c’est la bonne méthode. D’autant que les étudiants continuent de faire confiance à leurs représentants. Certaines personnalités politiques ne cachent pas leur option en faveur de la suppression des dérogations. Les étudiants d’obédience CDP auraient déjà été informés. Il reste à voir dans quel sens iront les autorités universitaires. Tout en faisant mine de vouloir négocier, l’option radicale est celle qui est dans les esprits, du moins au niveau de nos décideurs.

Par Germain B. Nama


La situation des infrastructures
Les deux amphithéâtres de 1200 et 1500 places communément appelés pavillons G et F, réalisés en 2002-2003, pour un montant de 700 millions de CFA sur le budget de l’Etat ;

- les deux amphithéâtres D et E, de 1000 places chacun, à un coût de 1 milliards 500 millions, construits en 2002-2003, sur financement de la Libye ;
- le Centre de Pédagogie Universitaire, réalisé en 2002-2003, à 50 millions sur le budget de l’Université ;
- l’extension de la Bibliothèque Centrale en 2004, à 34 millions, sur le budget de l’Université ;
- le bitumage de l’axe central de l’université en 2004, à 107 millions, sur le budget de l’Université ;
- la construction d’un immeuble R+2 destiné aux bureaux des enseignants, à 525 millions sur financement de la Présidence du Faso ;
deux amphithéâtres de 1100 places chacun, réalisés en 2007-2008, sur financement de l’Etat, à un coût de 1 milliard 25 millions de CFA.

Les infrastructures en cours de réalisation, d’un montant global de 1 milliard 217 millions :

- La construction du siège de la Présidence de l’Université, démarrée en 2005 et non encore achevée, à un coût de 200 millions, sur budget de l’Université ;
- la section odontostomatologie à l’UFR/Sciences de la Santé, démarrée en 2005 et non encore achevée, à 785 millions, sur le budget de l’Université ;
- la construction de 5 blocs de toilettes, démarrée en 2006 et non encore achevés, à un coût de 232 millions avec un appui budgétaire spécial de l’Etat.

Les projets d’infrastructures à réaliser à partir de 2009, d’un montant de 5 milliards 802 CFA :
- Construction d’un bâtiment R+2 pour les laboratoires des UFR/ SDS, SEA et SVT, sur budget de l’Etat et dont les travaux sont prévus pour 2009 ;
- construction d’une clôture de l’UO sur budget de l’Etat en 2009 ;
- construction d’un complexe d’amphithéâtres de 500, 800 et 1200 places en 2009 sur budget de l’Etat, (études architecturales achevées) ;
- construction de l’Université virtuelle Africaine ;
- construction d’un centre de ressources informatiques


Pr Kouldiati, président de l’université : "Nous pouvons avancer sur tous les dossiers, sauf le dossier académique"

Avec le recul, ne pensez-vous pas que vous auriez dû procéder autrement, notamment en ce qui concerne la question délicate du recours aux forces de l’ordre comme réponse à la marche des étudiants ? C’est véritablement le point où vous avez essuyé le plus de critiques.

En ce qui me concerne et en tant qu’autorité, vous savez que lorsque l’administré dépose une lettre de demande et que l’autorité a le sentiment que l’initiative est porteuse de troubles à l’ordre public , elle a le droit, j’allais dire même le devoir de faire recours aux forces de l’ordre pour rétablir la situation. En ce qui me concerne, j’ai écrit une lettre adressée aux responsables des UFR/SVT et SEA pour leur demander de surseoir à leur intention de marcher parce que justement, il y avait des informations concordantes qui faisaient état de menaces de troubles à l’ordre public ; ils n’ont pas suivi les recommandations que je leur ai faites à l’occasion de cette lettre là et il y a eu des échauffourées. Les forces de l’ordre étaient là juste pour protéger la présidence et l’entrée de la présidence. Les étudiants ont insisté et ont fait leur marche jusqu’au rond-point des UFR/SEA-SVT. On leur a demandé de changer d’itinéraire, ils ont refusé, ils ont dit que leur rendez-vous, c’était à la présidence. Ils ont tenu à venir et naturellement, c’est là que ça dégénéré.

Toutes les composantes des forces de défense et de sécurité (police, gendarmerie, armée) sont entrées en action avec comme conséquence de nombreux blessés, y compris par balles réelles. Quelle réaction par rapport à cette image qui est donnée de l’université censée être un espace ouvert par essence ?

C’est ce que les journalistes ont dit. Moi j’ai posé la question aux gendarmes qui sont venus en intervention et ils m’ont dit qu’ils n’ont pas utilisé des balles réelles et qu’ils n’avaient que des balles à blanc et des gaz lacrymogènes. Je n’ai requis que la gendarmerie et aucune autre force.

De la dernière rencontre avec les étudiants, qu’est ce qui en est ressorti ?

Sur les points de revendications, notamment en ce qui concerne les questions académiques et pédagogiques, ils ont demandé une lecture concertée d’une disposition prise par le conseil scientifique de l’université pour pouvoir gérer les questions de dérogations, les questions de transferts. Alors je leur ai d’abord dit de m’expliquer ce que signifiait le mot concerté parce que je ne pouvais pas admettre d’abord en tant que professeur, à plus forte raison en tant que président de l’université, qu’il y ait une concertation entre les apprenants et les maîtres pour fixer les règles du jeu au niveau académique. Et maintenant, je leur ai dit, précisez-moi, puisqu’il se trouve que c’est le conseil scientifique qui gère ce genre de questions, est ce que vous voulez participer au conseil scientifique ? Après un petit tour de table, ils ont dit finalement non. Mais ce que nous souhaitons, c’est que vous puissiez mettre en place une instance à laquelle les étudiants et les enseignants vont s’asseoir pour se concerter et trouver de nouvelles dispositions académiques et pédagogiques, notamment pour ce qui est des dérogations. Je leur ai dit justement à la réunion précédente de m’apporter une liste d’étudiants, éventuellement leurs camarades qui pourraient satisfaire aux conditions édictées par le conseil scientifique. J’ai donc demandé où est la liste. Ils m’ont dit, nous n’avons pas de liste, puisque aucun de nos camarades ne remplit les conditions édictées par le conseil scientifique. C’est pourquoi nous sommes contre et nous souhaitons que ça change.

A partir de ce moment, je leur ai dit que nous pouvons avancer sur tous les dossiers sauf sur le dossier académique et pédagogique parce que jusqu’à preuve du contraire, dans une université comme dans un lycée, ce sont les enseignants qui fixent les conditions académiques et pédagogiques pour les transferts et pour les dérogations. Je vous avoue que de ce côté, nous ne nous sommes pas entendus. Mais du côté infrastructurel, je leur ai montré des dossiers qui sont là, qui prévoient la construction d’infrastructures : un bâtiment R+2 pour des laboratoires et un complexe d’amphithéâtres de 2500 places, 500 places, 800 places et 1200 places pour augmenter les capacités d’accueil de l’université. De ce côté, ils m’ont demandé mais où est ce que vous allez construire ça ? J’ai dit du côté Nord de l’université, de l’autre côté des UFR/ SDS. Ils ont dit, mais précisément où ? Je leur ai dit, d’abord il faut qu’il y ait un entrepreneur qui ait le marché. Deuxièmement, quand l’entrepreneur a le marché, on invite le laboratoire national du bâtiment et des travaux publics qui va faire une étude de sol pour pouvoir nous dire où implanter l’infrastructure. Moi je leur ai dit, je ne peux pas être démagogique en disant c’est ici et puis demain on va me prendre au mot. J’ai dit, ayez confiance, voici le dossier.

Maintenant, pour ce qui concerne les bourses du troisième cycle, ils savent très bien que ce n’est pas moi qui gère les bourses. C’est le FONER pour ce qui est des aides et des prêts et le CIOSPB pour ce qui concerne les bourses. J’ai dit nonobstant tout ça, comme moi-même je suis un responsable de laboratoire, je sais qu’il y a des difficultés, j’ai pris sur moi de faire des propositions concernant la prise en charge de leur formation dans les laboratoires. Je leur ai montré un travail où j’ai fait le point UFR par UFR, du nombre d’étudiants dans les troisièmes cycles. Ce travail, je l’ai envoyé au gouvernement comme proposition et le ministre m’a dit qu’à priori, il est d’accord mais il faudra qu’on puisse assortir cela de condition parce qu’il ne faudra pas qu’un professeur prenne dix à quinze "thésards" alors qu’il ne peut pas. Alors j’ai demandé à mes collègues de me dire le nombre maximum qu’un enseignant peut prendre par an au niveau de l’encadrement. Nous avons dit trois, mais je vous avoue que jusqu’à présent, on ne s’entend pas puisque avec trois par an, au bout de la quatrième année de thèse, ça vous fait douze à quinze étudiants. Mais un professeur ne peut pas encadrer douze personnes à la fois. Même avec ça, il y a problème parce qu’il n’y a même pas plus de 150 enseignants de rang magistral et avec trois par enseignant, ça ne fait que 450, alors qu’il y a plus de 750 étudiants au troisième cycle.

En attendant, je leur ai dit que cette année, nous on a 30 postes d’enseignants à pourvoir à l’université de Ouaga alors que nous n’avons que treize titulaires de doctorat qui ont déposé leurs dossiers. Je leur ai dit donc qu’en attendant, j’ai recruté dix sept de leurs camarades, c’est-à-dire dix sept étudiants qui ne sont pas encore docteurs et que j’ai fait nommer enseignants à temps plein. Et dès qu’ils soutiendront leurs thèses, je les transforme en assistants. J’ai pris la liste des dix sept étudiants que je leur ai montré, ils en ont pris acte sans commentaires. Je leur ai aussi dit que tous les étudiants de l’université de Ouagadougou qui sont titulaires de DEA et qui souhaitent faire des vacations ou des monitorings, je les ai tous nommé vacataires, à la demande des directeurs d’UFR. Même ceux qui demandaient à être moniteurs, j’ai dit non, on les nomme vacataires pour augmenter leurs revenus parce que le moniteur a 15000F par mois sur dix mois alors que le vacataire a 4500F par heure. Ça les arrange au moins pour la prise en charge. Je leur ai montré aussi les dispositions prises. Mais j’ai été étonné au sortir de leur assemblée générale de les entendre dire que mes propositions sont floues, insatisfaisantes et qu’ils maintiennent leur mot d’ordre.
La question des dérogations semble être le nœud du différend. Pouvez-vous nous éclairer sur cette question

En ce qui concerne l’université de Ouaga, la règle académique ordinaire, c’est qu’il y a le DEUG. L’étudiant a trois ans maximum pour avoir le DEUG qui se fait normalement en deux ans. Quand il va au deuxième cycle, il y a la licence et la maîtrise. Il a trois ans maximum aussi pour cela. Autrement dit, tous les deux ans, on lui autorise un redoublement. Maintenant, il se trouve qu’il y a des étudiants qui sont dans une situation où ils ont épuisé leurs cartouches comme on dit, et là, ils écrivent au président de l’université pour demander une faveur parce que la dérogation est une faveur qu’on accorde à un étudiant pour pouvoir faire une quatrième inscription dans un même cycle, alors qu’il n’a droit au maximum qu’à trois inscriptions. Il se trouvait que les dérogations se donnaient au petit bonheur la chance. Le président Paré, en 2005, a décidé de mettre un peu d’ordre. Il a demandé au conseil scientifique de statuer sur les conditions d’octroi de ces dérogations. Le conseil scientifique a décidé que la dérogation qui est une faveur ne peut s’accorder que dans les cas suivants : premièrement, il faut avoir au moins 8 de moyenne lorsqu’on veut faire une quatrième inscription dans un même cycle. Autrement dit, vous avez redoublé et si après votre redoublement, vous n’avez pas au moins 8 de moyenne, on considère que vous n’êtes pas dans les conditions objectives pour obtenir votre diplôme. A partir de ce moment, il faut avoir 8/20 de moyenne avec deux dérogations à l’intérieur. Mais au niveau de l’UFR/SDS (médecine), on a considéré qu’on est dans un domaine délicat où il ne faut pas de l’à peu près. Là, le conseil scientifique de l’UFR/SDS a décidé qu’une dérogation là-bas ne peut être obtenue pour tripler une classe qu’à partir de 9 et demi de moyenne. A l’UFR/SEA (Sciences exactes et appliquées) par contre, on a demandé à ce qu’on descende jusqu’à 7/20 de moyenne. Maintenant à l’intérieur de ces minima, on interdit un certain nombre de choses. Par exemple, on interdit le "dédoublement". Par contre, si vous faites deux années par exemple en première année, vous pouvez faire deux années en deuxième année, si vous faites une année en première année, on pourra même éventuellement vous permettre de faire trois années en deuxième année. Si vous faites une année en licence, vous pouvez faire deux années en maîtrise et vis versa, mais dans la même classe, vous ne pouvez pas faire trois ans.

Donc voici les conditions. Et pour pouvoir décider de qui peut bénéficier de cette dérogation ou pas, il y a des commissions ad hoc dans chaque UFR qui émettent des avis favorables ou défavorables, après quoi le dossier est transporté auprès du professeur Kabré Gustave qui est le vice président chargé des enseignements et des innovations pédagogiques qui donne l’accord définitif.
Quand je suis arrivé à la tête de cette université, j’ai demandé que les refus soient motivés. Cette année, il y a eu 4380 demandes de dérogations, 2873 dérogations ont été accordées et 1507 demandes rejetées. Mais je leur ai dit que honnêtement, le professeur ne peut pas, en corrigeant la copie, tenir compte des conditions sociales d’un étudiant. Le professeur corrige sur la base de critères académiques et pédagogiques. Il ne peut pas dire toi, tu es boursier donc riche, je suis sévère et que toi tu es non boursier donc pauvre etc. J’essaie de faire comprendre que tout le monde ne peut pas avoir un DESS, tout le monde au Burkina ne peut pas être docteur.

On peut constater qu’on a été mal orienté et demander une réorientation si c’est possible, avant qu’il ne soit trop tard. Parce que si vous faites deux ou trois années dans une classe et vous demandez une réorientation, en réalité, ce n’est pas possible. Vous arrivez, vous trouvez que c’est trop dure ou bien en tout cas, vous n’êtes pas dans les dispositions pour faire les mathématiques ou la médecine etc. mais demandez à allez ailleurs où vous avez le sentiment que vous avez plus de prédispositions. Donc c’est les conseils que moi je leur ai donnés pour qu’ils puissent gérer mieux leurs études.

Quelle sortie de crise ?

Je vous avoue qu’un enseignant chercheur normal est triste de voir une université qui est fermée. Donc notre souhait est qu’on puisse mettre les conditions objectives en place pour une reprise des enseignements. Pour cela, toutes les instances dont je vous ai parlées, conseil scientifique d’UFR, conseil de gestion extraordinaire d’UFR, proposition des directeurs d’UFR jusqu’au conseil scientifique, nous avons déjà une fois fait le réaménagement du calendrier universitaire. Vous savez que traditionnellement, c’est le 31 mai de chaque année qu’on arrête les enseignements et on fait les évaluations de la session de juin. Il se trouve que l’année passée, il y a déjà eu un certain nombre de semaines de grèves avec mon prédécesseur.

Les enseignements ont repris le 03 janvier. J’ai convoqué un conseil de la formation et de la vie universitaire le 11 janvier qui a décidé qu’au lieu d’arrêter les enseignements le 31 mai, nous allons les arrêter le 28 juin. Et en plus, le conseil scientifique a consenti une semaine seulement de congé de fin du deuxième trimestre au lieu de deux semaines et même que cette semaine a été choisie autour des fêtes de Paques pour ne concéder que trois ou quatre jours ouvrables. Lorsqu’il y a eu des grèves en SVT, en SEA, en SDS, en LAC, en SJP, nous nous sommes réunis et avons proposé un réaménagement du calendrier universitaire. Nous avons adopté ceci le 17 juin et il y avait 34 membres qui étaient là.

Nous avons décidé de débloquer les choses sur une proposition du conseil scientifique et des directeurs d’UFR. Le conseil de la formation et de la vie universitaire a dit que nous allons aller jusqu’au 14 juillet. Les syndicats d’enseignants chercheurs m’ont dit ici qu’ils n’étaient pas prêts à faire un jour de plus après le 14 juillet. Ils sont fatigués. Ça fait plus de trois ans, il y a des troubles et chaque année, le président de l’université négocie les enseignants chercheurs pour prolonger. Et je vous dis que l’an passé, nous n’avons même pas été compensés pour avoir consenti de sacrifier nos vacances. On n’a pas eu de treizième mois de salaire et cette année, nonobstant le fait même qu’une compensation pourrait être un encouragement et non un droit qu’ils demandent, ils veulent cette année jouir de leurs vacances et je les comprends.

Malheureusement, quand on a fait encore toutes ces instances jusqu’à la dernière réunion le 26 juin, on a constaté que malgré tous les efforts, on ne peut pas terminer l’année universitaire puisque coup sur coup, nous avons reçu deux lettres émanant de l’ANEB nous informant d’actions soient de meeting ou de grève de 48h et nous avons tiré la conclusion qu’il faut suspendre. Vous avez dit que j’ai mis les étudiants dehors, ce n’est pas moi. C’est l’université, c’est collégial. On a décidé de suspendre les activités académiques et pédagogiques jusqu’au 16 septembre. Nous avons en outre décidé de confier la charge au conseil scientifique de l’université de Ouagadougou de proposer à la toute prochaine réunion du conseil de la formation et de la vie universitaire, les conditions académiques, pédagogiques et scientifiques de la réouverture de l’université parce qu’après avoir fait le tour des enseignants chercheurs, ils ne peuvent pas comprendre que ce ne soit pas les enseignants qui fixent les jours de devoirs.

Même le Pr. Paré est venu pour faire son devoir et des étudiants sont venus le faire sortir en disant : monsieur le professeur, on ne compose pas aujourd’hui. A l’UFR/LAC, ils avaient même décidé au mois de mai qu’ils ne font aucun contrôle avant le 03 juin. A l’UFR/SJP, ils ont décidé qu’ils ne font aucun examen avant le 05 juin. Les enseignants chercheurs aujourd’hui, et je parle en tant qu’enseignant chercheur et non pas en tant que président, veulent retrouver toutes leurs prérogatives. Ils veulent faire leurs enseignements quand ils peuvent le faire et ils veulent faire les évaluations prévues par l’administration quand c’est prévu et non pas sous la dictée des étudiants. Je vous dis qu’ils ont décidé qu’ils ne veulent pas plus d’un examen par jour. Quand je pense qu’à un moment donné, il n’y a même pas longtemps, on bloquait une semaine pour faire tous les contrôles, aujourd’hui on ne peut pas faire ça. Les enseignants chercheurs veulent être replacés dans leurs prérogatives.

Interview réalisée par Germain B. Nama et Ramata Soré


Moumouni Derra, Président de l’ANEB : Les revendications sur les labos, de quoi s’agit t-il exactement ?

Nous avons demandé l’augmentation de la capacité d’accueil au niveau des laboratoires. De même, il faut qu’elles soient équipées en matériel adéquat. Le matériel actuel est très vétuste. Si tu veux avoir une place assise, il faut aller à 4 h du matin.
L’insuffisance d’infrastructures joue sur la qualité de la formation du fait de la réduction du volume horaire. Lorsque les UFR SVT et SEA ont rencontré le président de l’université, celui-ci leur a proposé des tabourets pour les labos et un bâtiment R+2 pour l’année 2009. C’est ainsi que la corporation a souhaité voir la précision du site du bâtiment et l’étude de faisabilité. 2009, c’est à côté, et l’étude de faisabilité prend du temps, et après, il faut attendre la pose de la première pierre. Ouaga II est l’illustration parfaite de cette lenteur. Elle existe sur papier. Les autorités nous ont habitué à un tel scénario. Pour être rassuré, on a demandé à avoir plus de précision. Il ne suffit pas de dire on va faire ceci ou cela. Il faut du concret. L’exemple des deux amphis visités en grande pompe par le Premier ministre est là. Le président nous avait dit qu’on va les ouvrir dans deux semaines, mais ils ne sont pas encore ouverts.

Qu’en est-il de la revendication sur les dérogations ?

En ce qui concerne les dérogations, nous avons demandé que notre point de vue soit pris en compte, quelle que soit la forme. C’est le principe même qui pose problème. Nous n’avons jamais dit que nous voulons siéger au conseil scientifique. C’est le président Kouldiati qui est allé dire aux enseignants que nous voulons avoir compétence dans le domaine académique. C’est après que certains ont compris notre position. Compte tenu des conditions d’étude difficile des étudiants, nous avons souhaité qu’on revoie les textes, qu’on les assouplisse. Actuellement, il y a 4380 étudiants qui sont en situation de dérogation. Si on les renvoie, c’est toute une université qu’on renvoie. Nous n’encourageons pas la médiocrité comme certains le pensent. L’université même doit se poser des questions sur la qualité de la formation face à ce taux d’échec. Les étudiants ont de sérieux problèmes. Pour la question de la bourse et des infrastructures dont il dit que cela ne relève pas de sa compétence, nous disons que c’est lui le premier responsable et il lui appartient de transmettre les doléances à son ministre. Nous constatons malheureusement que non seulement, il ne le fait pas, mais pire, il constitue un obstacle.

Qu’est-ce qui s’est passé pour qu’une marche que vous avez voulu pacifique dégénère en actes de violence ?

Si la marche du 17 juin a dégénéré, c’est la faute du président de l’université. Il est le seul responsable. La marche se voulait pacifique. Ce n’est pas la première fois que les étudiants marchent. A plusieurs occasions, nous avons fait des sit-in dans la cour de la présidence et personne n’a déploré de casses. A chaque fois, nous avons remis notre déclaration et repartir sans incident. A plusieurs reprises, les corporations des deux UFR ont reporté les marches cette année sur interdiction du président. Le président les a interdit sans motif. La grève est un droit reconnu par la constitution. En réalité, c’est le caractère même de Kouldjati. Il n a jamais accepté qu’un étudiant apporte la contradiction. A la dernière rencontre avec les étudiants, il n’a même pas voulu que les étudiants prennent la parole. J’ai insisté pour prendre la parole. Où est alors le dialogue dont il parle ?

Quand le président de l’université dit qu’il a été informé que les étudiants avaient l’intention de casser, qu’ils sont venus avec des cailloux, où tient-il cette information ?

C’est lorsque les étudiants ont été chargés par les forces de l’ordre qu’ils se sont défendus. En dehors de quelques casses aux alentours de la présidence, rien n’a été touché. Des étudiants ont été arrêtés dans les quartiers, dans les restaurants ou en bibliothèque, des gens qui n’étaient donc pas à la marche. C’est donc une provocation délibérée de sa part.

Quelles sont vos conditions pour la reprise des cours ?

Pour la réouverture, l’ANEB exige comme conditions, le départ des forces de l’ordre sur le campus, le rétablissement des allocations sociales, la réouverture du CODE, le traitement diligent des deux plateformes revendicatives. Ce sont nos conditions n
Interview réalisée par Abdoul Razac Napon


Magloire Somé, SG du SYNADEC : "La dérogation, c’est la négation de la règle" : La crise que traverse l’université vous surprend-elle ?

La crise ne nous a pas surpris parce que l’institution universitaire est une institution qui est dans une situation difficile depuis plusieurs décennies. Au niveau de l’Etat, il n’y a pas eu une planification transversale du système éducatif. Si on avait une carte pour développer le primaire et une autre pour le secondaire, il faut l’appliquer au supérieur. Lorsqu’on développe la base qui est le primaire et ensuite le secondaire, il faut s’attendre au bout d’un certain nombre d’années que beaucoup d’étudiants arrivent au supérieur. C’est à ce niveau que la planification a été défaillante. Sous la révolution, l’Etat a construit beaucoup de collèges d’enseignement général. Et sous la transition démocratique, beaucoup de départements et de provinces avaient des établissements secondaires. Il fallait donc s’attendre que d’année en année, le nombre d’étudiants qui arrivent à l’université augmente. Mais comme on n’a pas planifié le développement du supérieur, la seule université qui est celle de Ouagadougou s’est retrouvée submergée. En 1995, l’université de Bobo a été créée dans l’urgence, parce qu’on avait commencé à ressentir le poids des effectifs par rapport aux infrastructures existantes. En 2005, on a créé Koudougou dans l’urgence également pour résoudre le problème des effectifs.

Parallèlement à ce problème d’infrastructures, il fallait planifier la formation des formateurs, des ressources humaines parce que qui parle d’université parle de ressources humaines qualifiées. Donc, manque de planification des infrastructures et manque de planification des ressources humaines, alors il y a énormément de difficultés. La crise actuelle ne surprend pas parce que d’année en année, la situation s’aggrave du fait qu’il y a de moins en moins d’enseignants et de plus en plus de difficultés. On cherche à recruter des enseignants, on n’en trouve pas parce qu’on n’a pas planifié la formation des formateurs. Le ratio entre enseignants et étudiants est trop élevé. Comment on peut être performant avec cette surcharge ? Sans oublier que les mêmes enseignants sont obligés de servir les nouvelles universités créées. Et tout ceci, nous savons qu’un jour, ça va exploser. La crise actuelle n’est qu’un petit événement qui annonce demain quelque chose de plus grand. Les autorités ont intérêt à apporter des solutions conséquentes et définitives pour résoudre les problèmes.
L’Etat affirme pourtant avoir fait beaucoup d’efforts.

Il ne suffit pas de dire qu’on va créer Ouaga II, Ouahigouya, Fada etc. Mais quelle est la forme de la création de ces universités depuis 1995 jusqu’à nos jours ? Ce sont des délocalisations. Ouaga II, c’est le démantèlement de Ouagadougou. Finalement, on va procéder par démantèlement et il n’y aura plus rien à Ouagadougou. Quand on parle de planification, on créé une université à part entière avec ses infrastructures et ses enseignants. On parle de créer Ouahigouya. Pour y transférer deux UFR. Ce sont des problèmes. La manière de procéder n’est pas la bonne… Le manque de planification a entraîné d’énormes problèmes. Aujourd’hui, c’est vrai, il y a des perspectives mais ce sera pour quand ? Même si l’Etat a des moyens pour construire, le problème d’enseignants se pose. Il existe des postes où des gens ont le profil, mais ils ne postulent pas parce que le métier n’est pas attrayant. Les enseignants sont très mal payés. Pire, ceux qui sont là sont en train de partir. Comment on va trouver des enseignants pour les autres universités ?

Les étudiants se plaignent de la bibliothèque et des labos. Qu’en dites-vous ?

L’université de Ouagadougou est la seule qui dispose d’un centre de documentation. Les autres, c’est de la débrouillardise. Pour faire une bonne formation, une bonne recherche, il faut de la documentation. Ce que l’université n’ a pas. La documentation est le nœud de la formation. L’étudiant est celui qui vient apprendre la méthode chez l’enseignant. Cela implique une bonne recherche personnelle en bibliothèque.

Quel regard portez-vous sur les manifestations du 17 juin ?

Les difficultés évoquées ne sont pas spécifiques aux deux UFR qui ont manifesté. La discussion entre l’ANEB et la présidence a échoué, et nous l’avons regretté. Les étudiants ont rencontré les directions des UFR et celles-ci n’ont pas pu résoudre la crise. Ils ont rencontré la présidence qui a essayé en fonction de ses possibilités de leur donner des éléments de réponses. Ils ont trouvé que c’est imprécis. Lorsqu’ils sont venus nous voir, nous leur avons demandé si après avoir vu le président, ils ont cherché à aller plus haut ? Ils ont dit qu’on ne leur a pas dit d’aller voir le ministre. On commence à la base, si on ne trouve pas satisfaction, on continue à un niveau supérieur, ainsi de suite. Il y a des éléments qui dépassent les compétences de la présidence telles que la bourse, les infrastructures, les laboratoires.

Cela nécessite de gros investissements. C’est pourquoi nous n’avons pas compris que les démarches se limitent au niveau de la présidence. On devrait aller plus loin pour chercher la solution chez ceux qui peuvent la donner. Si vous prenez les deux plateformes, s’il y a vraiment quelqu’un qui est ouvert, c’est le président. Il est ouvert au dialogue. Dans la plateforme, il existe des points où c’est faisable et d’autres qui ne sont pas faisables et il faut l’accepter ainsi. Les dérogations comme le président l’a dit, c’est une faveur et non un droit et cette faveur a des conditions. Si un étudiant ne répond pas à la condition, pourquoi vouloir faire du forcing ?. D’ailleurs, ces dérogations nous posent problème puisque nous avons un problème d’effectifs. Les étudiants veulent exercer dans le domaine académique, ce qui est difficile.

Au niveau du Synadec, nous avons examiné la question et nous sommes contre les dérogations.
La dérogation, c’est la négation de la règle. La dérogation même pose problème. Il faut engager un large débat au niveau de l’université. Les étudiants disent que c’est parce que les conditions d’études sont difficiles, c’est pourquoi ils demandent la dérogation. Mais nous on ne peut pas tenir compte de cela dans l’exercice de l’activité académique. Si nous le faisons, cela veut dire que nous prenons le parti du travail au rabais.
En ce qui concerne la compensation inter modulaire, c’est déjà fait. Pour la conservation des crédits et sous modules entre années académiques, on leur a dit que dans les textes, ce n’est pas possible. C’est une réglementation pour sanctionner un diplôme. Ces textes relèvent de la compétence du conseil scientifique.
Si on exclut ces points, les autres relèvent du ministre et du gouvernement et pas du président de l’université.

Marcher est un droit dont ils usent depuis plusieurs années. Pourquoi cette fois-ci, il y a problème ?

Le professeur Paré qui est un homme de dialogue quand il était face à cette situation avait fait appel aux forces de l’ordre. On parle de franchises universitaires, mais il faut analyser le problème dans toute sa complexité, voir la question de l’insécurité qui existe parce que les étudiants eux-mêmes ne s’entendent pas. On veut imposer la pensée unique à tout le monde lorsqu’il y a une grève. Quand les étudiants veulent marcher pour remettre une déclaration à l’autorité et celle-ci refuse, la sagesse veut qu’on arrête.
La pauvreté à l’université est à l’image de tout le Burkina. Une fois, deux étudiants sont venus nous demander de l’argent pour aller manger. Quand nous les avons satisfait, ils nous ont remercié. On s’est dit que si des étudiants en arrivent là, c’est que la pauvreté est extrême. Nous déplorons la fermeture de l’université et de toutes les prestations sociales. On a pris des mesures extrêmes. Cette situation est de nature à radicaliser les positions.

A votre avis, que faut-il faire pour une bonne reprise des cours en septembre ?

A l’heure actuelle, si on décide de reprendre sans des conditions négociées, la crise va continuer. Par conséquent, nous sommes pour un renouveau à l’université, parce que la refondation a échoué. Dans le renouveau, il faut qu’on discute, qu’on mette en place des textes clairs afin que chacun retrouve sa place à l’université et qu’il y ait un respect des textes. Le principe peut prendre du temps, mais il faut asseoir la réouverture sur des bases solides

Interview réalisée par Abdoul Razac Napon


Jean Didier Zongo, secrétaire général du Synter/université : "Nous soutenons la lutte des étudiants"

Quelle appréciation faites-vous de la plateforme revendicative des étudiants ?
Contrairement à ce qui se dit, les étudiants n’ont pas demandé à siègé au conseil scientifique. Dans l’ensemble, nous pensons au niveau du Synter, que ce sont des points qui sont fondés. Nous ne sommes pas les seuls qui reconnaissons que leurs revendications sont fondées. Tout le monde reconnaît que c’est fondé. Sur cette base, nous soutenons la lutte des étudiants. Il y a certains points de leur plateforme qui rejoignent les préoccupations des enseignants. C’est notamment les points sur les problèmes d’infrastructures, de classes et d’effectifs pléthoriques. Pour le troisième cycle également, nos préoccupations, se rejoignent parce que c’est nous qui les recevons dans les laboratoires, qui les encadrons. Notre souhait est que le gouvernement soutienne nos labos. A l’heure actuelle, rien n’est donné pour soutenir les laboratoires. Les seules ressources viennent des projets et les contributions des étudiants.

Quelle lecture faites-vous des événements du 17 juin ?

D’abord, nous pensons qu’il n’était pas juste d’interdire la marche. Il n’était pas non plus juste d’appeler les forces de l’ordre. Tout le monde sait que dès que les forces de l’ordre sont en face des étudiants, l’affrontement est inévitable. Et il ne faut pas être devin pour le savoir. Au niveau de notre UFR, nous avons attiré l’attention sur la nécessité de laisser les étudiants manifester librement.

Ce ne sont pas les plateformes revendicatives des deux UFR qui sont à la base de la fermeture de l’université. Les marches, les grèves et sit-in se sont toujours passés sans problème. C’est lorsqu’il y a eu l’intervention des forces de l’ordre suivie des casses et autres que l’ANEB dans son ensemble est intervenue. C’est en ce moment qu’il y a eu un mot d’ordre de grève de 48h de l’ANEB pour défendre les franchises universitaires. C’est seulement alors que la fermeture est intervenue. La fermeture des cités universitaires, des restaurants, la suspension des allocations sociales sont des mesures inhumaines.

Comment expliquez-vous les crises récurrentes à l’université ?

Je pense que c’est tout simplement dû à l’importance que notre pays accorde à l’éducation en général et à l’université en particulier. Il s’agit de mettre des moyens pour construire des amphis, de mettre des moyens pour recruter et former des enseignants. Donc c’est une vision à long terme d’abord et deuxièmement mettre des moyens pour que cette vision là puisse se réaliser. D’année en année, on passe le temps à colmater et les troubles persistent.

Comment voyez- vous la reprise des activités académiques en septembre prochain ?
Première chose, il faut résoudre le problème humanitaire, c’est-à-dire ouvrir les cités et les restaurants. Ensuite entreprendre des négociations avec les étudiants pour asseoir les conditions de la reprise et le départ de la police.

La simple suspension ne va pas résoudre le problème, il faut profiter de ce temps pour renouer le dialogue. Il faut discuter avec les étudiants. Si on ouvre sans négociation avec les étudiants, nous doutons que les cours reprennent. Au niveau de notre syndicat, nous ne pouvons pas accepter la présence des forces de l’ordre à l’université

Interview réalisée par Abdoul Razac Napon

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