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Fermeture des Universités de Ouagadougou : La CPO invite le président du Faso à prendre des mesures pour leur réouverture

Publié le mardi 15 juillet 2008 à 16h14min

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Dans une lettre ouverte adressée au président du Faso, le cadre de concertation des partis politique de l’opposition (CPO) l’invite à prendre des mesures pour la réouverture des Universités de Ouagadougou, fermées le 17 juin 2008. Nous vous proposons l’intégralité de cette lettre ouverte dont copie est parvenue à notre rédaction.

Excellence Monsieur le Président,

Le 17 juin 2008 les étudiants de deux (2) Unités de Formation et de Recherche (UFR) de l’Université de Ouagadougou, en l’occurrence celles des Sciences Exactes et Appliquées (SEA) et des Sciences de la Vie et de la Terre (SVT) ont organisé une marche pacifique sur la présidence de l’Université.

C’est las de voir, depuis février 2008, un manque de volonté affichée du président de l’Université à l’examen de leur plate-forme revendicative, et les méthodes dilatoires de ce dernier, que les étudiants se sont vus obligés d’entreprendre une telle démarche pour faire comprendre à monsieur le président de l’Université la gravité de la situation qu’ils vivent.

La plate-forme revendicative est basée essentiellement sur des problèmes académiques et des questions relatives à leurs conditions d’étude. Mais au lieu de prendre conscience de la nécessité de recevoir les étudiants et de rechercher avec eux des solutions, le président de l’Université, dans une attitude arrogante frisant l’irresponsabilité, a préféré faire appel aux forces de l’ordre et de sécurité.

La suite on la connaît : une répression féroce conduite par la police, la gendarmerie nationale et des éléments du Régiment de Sécurité Présidentielle (RSP), avec une course poursuite à travers les quartiers environnants de l’Université. Résultats : 34 blessés dont 4 graves parmi lesquels un par balles réelles côté étudiants, 63 d’entre eux conduits à la Maison d’Arrêt et de Correction de Ouagadougou (MACO).

Monsieur le Président,

Devant l’indignation générale provoquée par le spectacle de la répression des étudiants on s’attendait, cette fois-ci à une réaction de votre part. Non seulement vous êtes resté silencieux comme lors des manifestations des militaires en décembre 2006, et tors des manifestations de rue relatives à la vie chère, mais vous paraissez avaliser toutes les mesures répressives adoptées par les membres de votre gouvernement contre les étudiants qui ont été édictées dans les jours qui ont suivi :
- 63 étudiants arrêtés dont 35 ont été traduits en justice et 4 sont ressortis avec des peines d’emprisonnement de 6 mois avec sursis.

- Le 27 et le 28 juin une avalanche de mesures ont été prises par votre gouvernement : arrêté n°2008-107/MESSRS/CAB portant fermeture de l’Université de Ouagadougou et de Ouaga II, communiqué suspendant les activités administratives et pédagogiques, communiqué suspendant toutes les prestations du Centre national des œuvres universitaires à savoir l’hébergement, la restauration, le service de santé, l’assistance sociale, les activités socioculturelles, le CODE et ordonnant aux résidents des différentes cités universitaires de la ville de Ouagadougou à évacuer leurs chambres et le CODE au plus tard le 29 juin à 18 h.

Monsieur le Président,

Tous les burkinabè de toutes les couches sociales sont indignés par ce traitement inhumain que vous et votre gouvernement avez infligé aux étudiants pour avoir voulu faire connaître les problèmes qu’ils vivent et qui perdurent depuis des années.
Vous et votre gouvernement traitez les étudiants comme des ennemis que vous voulez écraser. Tous ceux qui ont pris connaissance de vos mesures sont frappés par la méchanceté et la haine qui les caractérisent. Le fait que les enfants de la nomenclature poursuivent leurs études en Europe et en Amérique, expliquerait-il que vous vous souciez si peu du sort des étudiants restés au Burkina Faso ?

Les mesures prises par votre gouvernement auraient-elles pour but ultime de pousser les étudiants au désespoir et à la misère ? Sinon, comment comprendre la suspension des prestations sociales universitaires et le CODE, l’expulsion des étudiants des cités en moins de quarante huit (48) heures, la fermeture immédiate des restaurants sans délai en sachant pertinemment que la grande majorité de ces étudiants sont originaires d’autres provinces que celle du Kadiogo et que certains même d’entre eux viennent des pays étrangers ?

Faire des étudiants de nos universités des SDF dans leur propre pays n’honore pas le Burkina Faso.

Monsieur le Président,

Vous qui semblez vous préoccuper de l’image de notre pays à l’extérieur, ne pensez vous pas qu’avec de tels actes vous allez plutôt convaincre la communauté internationale que le Burkina n’est qu’un tombeau blanchi pour les jeunes et les étudiants, beau à l’extérieur mais très laid à l’intérieur ?

Comment dans un pays qui se prétend démocratique, où le droit d’association, la liberté d’expression, de réunion et de manifestation sont sensés être garantis, où en outre les universités sont sensées jouir de franchisses universitaires, vous et votre gouvernement refusez aux étudiants le droit d’exprimer leur mécontentement, lequel est de surcroît bien justifié car les conditions qu’ils vivent compromettent non seulement leur avenir mais aussi celui de la nation ?

Monsieur le Président,

L’Université de Ouagadougou et celle Ouaga Il sont fermées jusqu’à nouvel ordre, laissant planer l’éventualité d’une année blanche. Les parents des étudiants peuvent-ils être dans la paix, en considérant le sort dicté uniquement par le mépris et la méchanceté, que le gouvernement réserve à leurs enfants ?

Si l’Association nationale des parents d’élèves avec son président et ses responsables nommés et inamovibles depuis leur installation, avaient daigné être consultée par votre gouvernement et osait dire la vérité, peut-être vous aurait-elle alerté sur le fait que c’est une mauvaise décision.

Monsieur le Président,

Depuis un certain temps, vous et votre gouvernement organisez une offensive contre les libertés démocratiques et syndicales. La situation à l’Université de Ouagadougou en est la dernière en date.

En atteste :
* la répression des diplomates pour avoir marché pacifiquement et la fermeture de l’Institut Diplomatique et des Relations Internationales (IDRI)

* l’interdiction de la marche pacifique des magistrats

* la répression des agents du trésor pour fait de grève, la répression de la jeunesse patriotique de Bobo- Dioulasso et de Ouagadougou qui ont osé lutter contre la vie chère,

* le mépris face aux revendications légitimes des travailleurs mobilisés dans leurs syndicats et dans la coalition contre la vie chère.
Monsieur le Président,

Les partis politiques signataires de la présente lettre tiennent à condamner cette offensive contre les libertés individuelles et collectives garanties pourtant par la constitution de notre pays et tiennent de ce fait à affirmer leur soutien aux justes revendications des étudiants de l’Université de Ouagadougou.

Ils désapprouvent et condamnent toutes les mesures prises par votre gouvernement, car elles sont inappropriées, antidémocratiques et contraires aux intérêts de la nation.
Ils vous invitent, dans l’intérêt du Burkina Faso, à donner des instructions à votre gouvernement pour procéder sans délai à la réouverture des Universités de Ouagadougou et de Ouaga II.

Ils vous prient enfin d’agréer, Monsieur le Président, leur haute considération tout autant que leur engagement et détermination à se battre aux côtés du peuple pour le respect par tous des libertés constitutionnelles et pour l’instauration d’une démocratie réelle assurant la justice, la prospérité et la paix pour tous les Burkinabè.
Pour les partis membres du Cadre de concertation des partis politiques de l’Opposition.

Fait à Ouagadougou, le 8 Juillet 2008

Le Président du Bureau
Me Bénéwendé SANKARA

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