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Suzanne Ilboudo, présidente de l’AFEDI : "Les veuves sont plus respectées que les divorcées"

Publié le lundi 1er octobre 2007 à 06h22min

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L’AFEDI, Association des femmes divorcées et des femmes et enfants en difficultés a été créée le 18 mars 2007. C’est une association féminine à but non lucratif, apolitique, non confessionnelle qui regroupe des femmes divorcées, séparées de corps et des femmes au foyer en difficultés. Nous avons échangé avec la présidente, Suzanne Ilboudo, qui nous parle des difficultés rencontrées par les femmes divorcées au sein de la société.

Une association de femmes divorcées, n’est-ce pas un peu insolite ?

• Pour ceux qui font du divorce un tabou, oui ! Mais pour ceux-là qui mettent le divorce à nu, non ! Lorsqu’une situation fait souffrir, il faut en parler pour supporter. Si l’on fait mot divorce, un tabou il n’y aura jamais de changement. Voilà pourquoi nous avons décidé de mettre sur pied cette association qui prend en charge les femmes divorcées, même les enfants et les femmes en difficulté à travers l’écoute. Nous visons l’amélioration des conditions de vie de ces femmes et la consolidation du lien familial en crise.

Selon vous, pourquoi les couples se séparent-ils de nos jours ?

• Vous savez, prendre la décision de divorcer, à moins que l’on ait une pierre à la place du cœur, n’est pas du tout facile. Surtout lorsqu’on a aimé et qu’on a eu des enfants avec un homme. Moi par exemple j’ai mis 3 ans à réfléchir avant de me décider à divorcer. C’est dire à quel point j’ai lutté et espéré. Mais je pense que les couples optent pour cette ultime solution en grande partie à cause de l’infidélité, de l’irresponsabilité d’un des conjoints, la méfiance au sein du couple, sans oublier la concurrence entre les époux et le manque de confiance. En outre, certains hommes se cachent derrière la religion pour faire du mal aux femmes. Sous prétexte que certaines relations n’admettent pas la polygamie, ils vont voir ailleurs.

Que faites-vous pour y pallier ?

• Notre association est un cadre d’échanges. Nous mettons l’accent sur la préparation des jeunes couples au mariage. Nous collaborons de ce fait avec des personnes ressources telles que les conseillers conjugaux, les psychologues, les magistrats, etc. En outre, nous organisons des causeries, des entretiens-conseils, luttons contre la marginalisation des femmes divorcées et prévenons les dysfonctionnements familiaux.

Les femmes divorcées sont-elles marginalisées à ce point ?

• Vous n’imaginez pas à quel point ! Au niveau de leur service, on ne leur donne plus de responsabilités. On ne leur fait plus confiance sous prétexte qu’elles ont raté le foyer. Certaines sont abandonnées par leur famille, sont marginalisées telles des pestiférées et je vous dis que la marginalisation, c’est la plus grande des destructions que l’on puisse faire à quelqu’un.

Ah bon ??

• Ah oui ! Je vous dis que les veuves sont plus respectées que les femmes divorcées. La société a compassion pour la veuve et non pas pour la divorcée. Et pourtant, lorsque ces dernières se remarient, elles sont les meilleures. Je me rappelle qu’une membre de notre association nous a raconté qu’un jour, à une cérémonie de mariage, elle pétrissait de la farine lorsqu’un monsieur lui a ordonné d’en retirer sa main afin de ne pas transmettre son mauvais caractère à la nouvelle mariée. Et pourtant, le divorce devrait être une question nationale, car les droits de ces femmes que nous sommes sont très souvent bafoués.

Devons-nous comprendre que vous exigez le respect et que vous demandez aux femmes divorcées d’être fières de leur statut ?

• Pas jusqu’à ce point ! Juste qu’on nous respecte comme vous venez de le dire, car nous sommes des femmes respectables. Je ne leur demande pas d’être fières, mais juste de ne pas être complexées ! C’est tout.

Si votre divorce était à refaire ?

• Vous savez, cette situation n’a jamais été souhaitable. Si cela était évitable, je l’aurais fait comme bon nombre des femmes divorcées. Je ne vous raconte pas les misères que j’ai vécues. Si vous le saviez, je suis sûre que vous seriez tentée de dire "Ouf, elle a eut la paix" ; alors, si c’était dans des conditions semblables, je l’aurais refait sans hésiter pour l’intérêt de mes enfants.

La réintégration est difficile ; j’ai réappris à vivre en éloignant de moi la tristesse. Je peux dire que la prière m’y a beaucoup aidée. J’invite donc toutes les femmes dans notre situation à nous rejoindre. Nous comptons 29 ou 30 membres et les droits d’adhésion s’élèvent à 500Fcfa/mois pour les travailleurs et 250 Fcfa/mois pour les non-travailleurs.

Qu’attendez-vous de l’opinion publique ?

• Nous interpellons les décideurs, les investisseurs afin qu’ils nous donnent un grand coup de pouce pour la construction de notre siège. En outre, nous comptons également mener une étude afin de récolter les avis de la population sur la question du divorce. L’émission télé "Témoignage au féminin" du 03 juillet 2007 avec Benjamine Douamba nous a été d’un grand apport quant au changement de mentalité de la population. Merci également à l’Observateur Dimanche qui nous redonne espoir.

Et si jamais votre ex-mari venait vous supplier de revenir ?

• Cela m’étonnerait ! Mais ne viendrait-il pas tard dans ce cas ? C’est aussi la question !

Nett Coulibaly

L’Observateur Paalga

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