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Côte d’Ivoire : "La coûteuse erreur de l’histoire"

Publié le mardi 7 août 2007 à 06h59min

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ADO, Gbagbo et Bedié

Pour Jules Ouédraogo, "le processus de paix entamé en Côte d’Ivoire ne pourra aboutir qu’avec l’ensemble des acteurs politiques". Il s’en explique dans la réflexion ci-dessous.

Le président Houphouët Boigny, en 1985, déclarait à Abidjan devant un parterre de journalistes accourus de par le monde que les Arabes n’étaient d’accord que sur leurs désaccords. Aussi étrange et étonnant que cela puisse paraître, aucune voix arabe à l’époque ne s’était élevée pour protester contre cette déclaration péremptoire. Cette insolente vérité du "vieux" avait créé de l’effet, laissant les dirigeants arabes sans voix, eux qui de toute évidence n’avaient aucun argument pour résister à la critique, l’entente n’étant pas la chose la mieux partagée dans le monde arabe. Et voilà, ironie du sort, que la triste vérité du "vieux" vient cruellement rappeler aux Ivoiriens qu’ils sont incapables, eux aussi, de s’entendre sur l’essentiel pour construire la Côte d’Ivoire dans la paix et la stabilité.

Aujourd’hui, un autre processus est engagé pour enrayer la crise née d’une notion, l’ivoirité. Les accords de Ouagadougou sont un pas de géant vers la paix et vers les élections de 2008. Mais un pas est un pas. Il n’est pas un bond, encore moins une course contre la montre. Il est vrai, et cela est très important, les accords du 4 mars 2007 restent un jalon essentiel dans le processus de réconciliation des Ivoiriens. Ce piquet-là, il faut s’assurer de sa solidité et, surtout, voir s’il permet une vision étendue sur l’horizon. Tout a-t-il été prospecté pour éviter des couacs dans la mise en oeuvre des accords de Ouaga ? Ce n’est pas si sûr. En tout cas, l’attentat du 29 juin 2007 contre Guillaume Soro vient nous rappeler que le chemin qui conduit à la réconciliation nationale est encore loin.

Faut-il encore le souligner, le vrai problème de la Côte d’Ivoire demeure celui de l’absence d’une véritable culture de la démocratie. A la décharge des hommes politiques ivoiriens, l’Houphouétisme qui, certes, était un concept politique mais qui malheureusement se trouvait aux antipodes du système démocratique. En effet, la politique prônée par le président Houphouët ne permettait pas aux citoyens de disposer, dans les règles, d’un espace public pour le débat sur les moyens d’organiser la société ivoirienne. Aujourd’hui, on se sert du concept d’ivoirité comme argument pour la conquête du pouvoir d’Etat, et la crise est venue comme pour rappeler à tous les acteurs politiques que dans une démocratie, il ne s’agit pas de s’affronter avec des kalachnikov, mais de mener une confrontation qui porte sur le droit des hommes à vivre en paix et à s’exprimer pleinement au sein de la société.

Marcoussis, l’occasion ratée

La flamme de la paix allumée le 30 juillet 2007 à Bouaké illuminera-t-elle pour toujours le ciel ivoirien ? Touchons du bois et souhaitons que les pas de danse exécutés par le président Laurent Gbagbo sur la tribune du stade de Bouaké se transforment dans les mois à venir en une valse infinie pour exprimer un véritable bonheur, celui de tous les Ivoiriens. Pour l’heure, Blaise Compaoré a du pain sur la planche pour parachever l’oeuvre de paix. Ouagadougou, qui constitue le 7e round des négociations depuis Linas Marcoussis, doit être considérée comme la dernière de la série. Il faut que les Ivoiriens comprennent en effet qu’aucune autre chance ne leur sera plus offerte, si celle-là échoue.

En fait, c’est à Linas Marcoussis que se sont présentées toutes les opportunités pour parvenir à une paix juste et durable en Côte d’Ivoire. On a senti que les Ivoiriens voulaient cette paix et qu’ils étaient sincères lorsqu’ils pleuraient, chantaient, s’embrassaient et dansaient. Malheureusement, les négociations n’ont pas été à la hauteur des attentes.

La communauté internationale venue soutenir les frères ennemis dans la recherche de la paix, par maladresse, a pris des décisions dont certaines ne pouvaient trouver un terrain d’application. Le fait de vouloir en effet dépouiller Laurent Gbagbo de presque toutes les prérogatives accordées au président de la république a été une erreur monumentale dont le prix à payer a été l’échec des accords de Marcoussis. L’enfant terrible de Mama n’avait d’autre choix, devant la décision de la communauté internationale, que de rentrer dans la "rébellion". Son refus légitime de non-existence est celui de la bête qui, traquée, ne doit sa survie qu’à la résistance.

Que dire de la rencontre de Ouagadougou ? Les chances de réussite des accords sont réelles, il faut le reconnaître. Cependant, tout semble indiquer qu’ici aussi, il y a des difficultés. Que constate-t-on ? Tout est focalisé sur Laurent Gbagbo et Guillaume Soro.

L’absence à Bouaké de Henri Konan Bédié et de Alassane Ouattara n’est pas fortuite. Il y a un malaise. La présence de l’ancien président à Ouagadougou juste avant la rencontre de Yamoussoukro le 12 juin 2007 en dit long sur le climat qui prévaut en ce moment en Côte d’Ivoire après les accords du 4 mars 2007. L’annonce de la venue cette semaine de Alassane Ouattara dans la capitale burkinabè est le signe manifeste que tout le monde ne trouve pas son compte dans les accords de Ouagadougou. Que dire aussi de l’absence à Bouaké de Simone Gbagbo et de Mamadou Coulibaly, deux proches du président réputés être les faucons du pouvoir ? Le message de Henri Konan Bédié, Alassane Dramane Ouattara, Simone Gbagbo et Mamadou Coulibaly est clair. Attention, danger !

Le processus de paix entamé en Côte d’ivoire ne pourra aboutir qu’avec l’ensemble des acteurs politiques. L’oublier, c’est courir le risque de tout faire capoter, et retourner à la case départ. Le dialogue interivoirien est un espace et c’est là-bas que doivent se forger tous les mécanismes formels et même informels qui vont permettre à la Côte d’Ivoire de se doter de toutes les structures démocratiques. Pour cette construction nationale, il ne faut laisser personne en dehors du processus.

Jules Ouédraogo

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 7 août 2007 à 08:37, par Hawass En réponse à : > Côte d’Ivoire : "La coûteuse erreur de l’histoire"

    L’analyse de M. Ouédraogo est claire et précise. Je crois que les acteurs de la crise ivoirienne et le facilitateur de la résolution de la crise SEM Blaise Compaoréd doivent prendre acte de l’analyse et impliquer tout le monde dans la récherche de la paix. C’est bien vrai que M. Bagbo et M. Sauro sont les premiers acteurs de la crise mais M. Ouattara, M. Bédié, M. Coulibaly..... ne sont pas à négliger. On se serra pas surpris de voir une autre rebélion diferente de celle de M. Sauro si toute fois il y a des acteurs de la crise qui sont néglisés. En tout cas cette analyse est un avertisement qui doit être pris en compte.

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