LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Côte d’Ivoire : L’étrange destin de Marcel Amon Tanoh

Publié le vendredi 29 septembre 2023 à 13h33min

PARTAGER :                          
Côte d’Ivoire : L’étrange destin de  Marcel Amon Tanoh

Il est le fils d’une personnalité significative des « années Houphouët ». Après avoir animé le PDCI dans la capitale ivoirienne, il a été un homme-clé du RDR. Ministre (2002-2010) sous la présidence de Laurent Gbagbo dans les gouvernements de Pascal Affi N’Guessan, Seydou Elimane Diarra, Charles Konan Banny et Guillaume Soro, il sera le directeur de cabinet de Alassane D. Ouattara quand celui-ci sera élu à la présidence de la République.

Nommé ministre des Affaires étrangères le 11 janvier 2017, il démissionne le 19 mars 2020. Pas d’accord sur le nom du candidat de son parti à la présidentielle de cette année-là ; pas d’accord non plus pour un « premier-troisième » mandat de Ouattara. Rupture avec le RHDP ; candidature annoncée à la présidentielle. On se dit que c’est fini pour lui. Sauf que Marcel Amon Tanoh – c’est de lui qu’il s’agit – se retrouve propulsé en janvier 2022 à tête du Conseil de l’Entente. On se dit que, décidément, Amon Tanoh est sérieusement ancré dans le paysage politique ivoirien. Pas sûr. Victime d’une bronca organisée par des cadres du Conseil de l’Entente, il vient d’en être débarqué sans ménagements. Pour autant, son successeur ne manque pas de rendre hommage à son travail. Comprenne qui pourra… !

Juin 2023. Marcel Amon Tanoh se voit stigmatisé par une partie du personnel du Conseil de l’Entente. Le 12 septembre 2023, son départ est annoncé par les médias ivoiriens. Sa gouvernance, qui n’a débuté que vingt mois auparavant, aurait « occasionné un amenuisement accéléré des ressources financières, un climat social délétère, un personnel démotivé et une situation d’insécurité des emplois ». Le mot de « népotisme » est même prononcé. Pourtant, Amon Tanoh n’est pas un quelconque fonctionnaire ivoirien. Et le Conseil de l’Entente n’a jamais été considéré comme un modèle de bonne gouvernance. Aujourd’hui encore tout le monde se demande à quoi a bien pu servir ce « machin » créé en 1959.

« Révoqué », « viré », « déchu », « limogé », « débarqué »… les commentaires vont bon train. Nul ne sait quelle est la réalité de la situation. Pas d’audit rendu public ; pas de commentaires de la part de celui qui a nommé Amon Tanoh à cette fonction. Amon Tanoh lui-même ne dit rien pour sa défense. Le nom de son successeur a été révélé (cf. à ce sujet mon récent papier sur le Conseil de l’Entente) : Wautabouna Ouattara, un technocrate, professeur d’économie, directeur de cabinet du ministre délégué chargé de l’Intégration africaine.

La passation des charges a eu lieu le 15 septembre 2023, à Abidjan, siège du Conseil de l’Entente. La cérémonie a été présidée par le secrétaire général du ministère togolais des Affaires étrangères, de l’Intégration régionale et des Togolais de l’extérieur (le Conseil de l’Entente est présidé par le président togolais Faure Gnassingbé). Ousmane Afo Salifou, président du comité des experts, représentait donc le ministre des Affaires étrangères, Robert Dussey. Kanda Kamissoko Camara, son homologue ivoirienne, avait, elle aussi, fait l’impasse sur « l’événement » et délégué son secrétaire général, Daouda Diabaté, « réputé proche » du chef de l’État ivoirien.

Pour autant, toujours aucune explication officielle n’a été donnée au départ en catimini de Amon Tanoh si ce n’est qu’un Ivoirien remplace un Ivoirien et que le Conseil de l’Entente n’est pas une institution nationale mais sous-régionale.
Afo Salifou remerciera Amon Tanoh pour « le travail abattu ». Ouattara, le nouveau secrétaire exécutif, présentera son prédécesseur comme un « homme de valeur » qui a « renforcé la visibilité, la crédibilité et l’efficacité » du Conseil de l’Entente, soulignant son « leadership exceptionnel ». Rien à voir avec la mauvaise gouvernance et le népotisme dont a été accusé Amon Tanoh par ses collaborateurs. Ecoutant Wautabouna Ouattara, on se demande pourquoi Amon Tanoh a été viré de son job après moins de deux ans d’exercice quand d’autres sont restés longtemps en place.

Un peuple pris en otage par la politique ?

Marcel Amon Tanoh ne faisait pas la « une » de l’actualité pour la première fois. Il a toujours été quelque peu rock & roll, vieux reste de ses années de musicien « yéyé ». Le 20 mars 2020, il avait démissionné de son poste de ministre des Affaires étrangères (Ally Coulibaly, homme de confiance de Alassane D. Ouattara et Dominique Ouattara, prendra sa suite). Les médias ivoiriens évoqueront du « rififi au sommet de l’Etat ». Amon Tanoh est un proche de Ouattara mais depuis plusieurs semaines déjà les commentateurs évoquaient la rupture entre les deux hommes, le retrait de Amon Tanoh du RHDP, sa candidature à la présidentielle 2020. Sa décision aurait été motivée par son désaccord avec le parti qui venait de désigner le Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, comme son candidat à la présidentielle 2020.

La démission du gouvernement de Amon Tanoh a fait un heureux. Inattendu. Guillaume Soro. Qui, dans une lettre ouverte à « son cher Marcel », au prétexte de souligner la « loyauté » et la « fidélité » sans faille de Amon Tanoh à Alassane D. Ouattara, dénoncera « le persécuteur des étudiants de 1991 », « le bourreau des libertés civiques et politiques en Côte d’Ivoire », un « réactionnaire de droite », etc.
Le 8 juillet 2020, Amadou Gon Coulibay est mort subitement. Le RHDP s’est retrouvé sans candidat à la présidentielle dont le premier tour était prévu pour le 31 octobre 2020. On pouvait penser que, du même coup, une des raisons du mouvement d’humeur de Amon Tanoh venait de disparaître.

Erreur. Le 19 juillet 2020, rendant « un hommage mérité » à Gon Coulibaly « un allié sur le plan familial, un ami et un frère, un compagnon de lutte de très longue date », Amon Tanoh dressera un état des lieux de la Côte d’Ivoire guère reluisant aux plans économique, social, sécuritaire, politique. Résultat : « une nouvelle crise » est à craindre. « Le débat républicain a fait place aux calculs préélectoraux et les questions d’intérêt général ont été reléguées au second plan. Objet de nombreuses controverses, le processus électoral est suspecté et critiqué. Le dialogue entre les différents acteurs et formations politiques est interrompu ». Amon Tanoh invitera le président de la République « à tendre la main à tous les acteurs politiques pour renouer le fil du dialogue » et il demandera à l’opposition de saisir cette main tendue ». Il s’agit, disait-il alors, de ne pas laisser « la politique prendre en otage tout un peuple ».

Amon Tanoh n’attendra pas que le président de la République et l’opposition se tendent la main. Le 22 juillet 2020, il officialisera sa candidature à la prochaine présidentielle, assurant avoir « conçu un programme réaliste et pragmatique » et « rassemblé une équipe de jeunes, de femmes et d’hommes, motivés et représentatifs, nourris à la sève des valeurs de notre Nation et à l’esprit de nos traditions ».

Il se veut le candidat du rassemblement ; il se présente comme un « trait d’union entre religions, régions et générations ». Et celui qui comblera « le vide constitutionnel ». Espérait-il alors un mouvement de fond du RHDP, sans candidat, en sa faveur ? Sauf que Ouattara considère que la Constitution de 2016 l’autorise à faire deux autres mandats et « qu’il pourrait le faire sans aucune difficulté parce que je suis en parfaite santé » dit-il. Ouattara soulignera par ailleurs que si Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié, de sa génération et qui ont montré « leur incapacité à gérer la Côte d’Ivoire », étaient candidats il ne voyait pas pourquoi il ne le serait pas dès lors que la Constitution l’y autorisait.

Officiellement, une insuffisance de parrainages fera que la candidature de Amon Tanoh sera rejetée. Ce qui lui permettra de fustiger sans retenu le chef de l’État qui « pense qu’en dehors de lui personne d’autre ne peut diriger la Côte d’Ivoire ». Ce sera l’occasion aussi d’expliquer une rupture après une amitié de plus de trente ans. « J’ai cru déceler chez lui des valeurs. Il avait l’air d’être démocrate, attaché aux libertés, préoccupé par l’avenir de notre pays, d’avoir une vision, d’être soucieux de la justice… Petit à petit, je me suis aperçu qu’on s’écartait de ces valeurs […] Pendant peut-être trop longtemps, j’ai accordé le bénéfice du doute ».

Du même coup, Amon Tanoh va basculer dans l’opposition. Il participe au meeting organisé au stade Félix Houphouët-Boigny, à Abidjan, le 10 octobre 2020. « Nous sommes prêts à mourir pour notre pays. Nous sommes debout. Nous en avons marre. Dites-lui [le lui est Ouattara] de libérer notre pays, de nous le rendre ». Pour autant, Amon Tanoh ne cautionnera pas le Conseil national de transition (CNT) mis en place par les oppositions sous la férule de Henri Konan Bédié. « Il n’a aucun fondement légal et ravive les tensions et les risques d’affrontement ». Un mois après sa diatribe contre le chef de l’Etat au stade FHB, Amon Tanoh appellera à l’apaisement (la répression contre les animateurs du CNT a été digne d’un régime autoritaire), préalable au dialogue et à la négociation qui devraient empêcher « que les vieux démons ressurgissent ».

L’invective du stade FHB tout comme l’appel à éviter un « confit post-électoral » ne changeront pas la donne : le pouvoir va au pouvoir. Ouattara sera élu dès le premier tour avec près de 95 % des voix et un taux de participation « officiel » qui avoisine 54 % (l’opposition avait appelé au boycott des urnes et à la désobéissance civile). Autant dire que la démocratie n’y trouve pas son compte.

Ouattara, qui ne déteste rien tant que les ambiances délétères, « promet de s’occuper de Amon Tanoh », las des incessants allers-retours de celui qui, pendant près de trente ans, a été son « coach » politique. Chacun sait que Ouattara, qui n’a jamais été qu’un technocrate (même s’il a été un technocrate de haut niveau), a découvert avec effroi ce qu’est un parti politique et comment cela fonctionne ; il suffit de se rappeler le calvaire qu’a été son accession à la présidence du RDR en 1999 ! Le directeur général adjoint du FMI n’avait rien alors d’un leader politique engagé dans la conquête du pouvoir.

Incontestablement ivoirien.
Incontournable également

Dans la lettre ouverte de Guillaume Soro, écrite en 2020 (cf. supra), l’ancien « rebelle » ivoirien évoque l’année 2000 où lui et Marcel Amon Tanoh étaient « à la recherche de la meilleure stratégie, de la meilleure solution pour réintégrer Alassane Ouattara dans le jeu politique ivoirien dont il avait été complètement exclu ». Par ailleurs, quelque peu insidieusement, Soro rappelait que « le débat sur sa nationalité faisait rage ». C’est que l’ancrage ivoirien de Amon Tanoh, non seulement géographique mais, et surtout, historique, est incontestable et incontournable (et ceci explique cela).

Le père tout d’abord. Lambert Amon Tanoh est né en 1926. Très tôt scolarisé (pour l’époque qui est encore celle de la conquête coloniale du territoire ivoirien), il va s’imposer comme un élève modèle. Il est originaire d’Eboué, au sud-est de la Côte d’Ivoire, au coeur du pays sanwi, terre « d’évolués » (comme on disait alors), pôle d’ancrage des Européens (la première école primaire ivoirienne y a été fondée en 1882 à Elima, à la frontière avec le Ghana). A sa sortie de l’Ecole normale, il sera instituteur puis directeur d’école. Et va s’imposer comme un leader syndical. Les Ivoiriens lui doivent la création de l’Union générale des travailleurs de Côte d’Ivoire (UGTCI) le 4 août 1962.

Il s’est illustré également à la tête du Syndicat national de l’enseignement primaire public de Côte d’Ivoire (Sneppci) où il a pris la suite de Philippe Yacé, de quelques années son aîné. Le 15 février 1963, il est nommé ministre de l’Education nationale. Il prend la suite de Joachim Boni, en fonction depuis le 30 avril 1959 (il a été le premier ministre de l’Education nationale en Côte d’Ivoire) démis de ses fonctions quelques semaines auparavant (c’est le temps des arrestations et condamnations pour « complots »). Amon Tanoh conservera son portefeuille jusqu’au remaniement du 5 janvier 1970. Il est considéré comme le « père de l’école ivoirienne ». Ayant quitté le gouvernement, il rejoindra le corps diplomatique et sera notamment ambassadeur en Algérie et en Allemagne fédérale. Lambert Amon Tanoh est mort le 13 janvier 2022, à 96 ans, victime du Covid 19.

La mère ensuite. Elle est originaire de Jacqueville, à l’ouest d’Abidjan, en pays alladian (très tôt, dès le XVIè siècle, au contact avec les Européens). Elle est la sœur de Philippe Yacé, le très aristocratique chef spirituel des Alladian qui s’est illustré au sein du RDA et du PDCI. Ancien combattant de l’armée française pendant la seconde guerre mondiale, instituteur, patron du PDCI de 1965 à 1980, président de l’Assemblée législative puis de l’Assemblée nationale (et à ce titre dauphin de Félix Houphouët-Boigny), il a été un des plus gros planteurs du pays, derrière Houphouët. Il est mort en 1998.

L’épouse enfin. Marcel Amon Tanoh a épousé, en 1982, Hélène, née le 10 octobre 1955 à Yamoussoukro, petite-fille du roi des Baoulé Kouakou Anougblé II, fille de Akissi Anougblé, princesse baoulé, et de... Félix Houphouët-Boigny qui n’était pas encore président de la République mais déjà député. Hélène, fille naturelle, a été légitimé par son père et est devenue, au regard de l’état civil, la fille de Marie-Thérèse Brou, la Première dame. Marcel Amon Tanoh et Hélène Houphouët-Boigny ont divorcé en 1991. Il s’est remarié avec Kadidjatou Touré, descendante, par sa mère, de la famille Fadiga, toute puissante dans le nord-ouest de la Côte d’Ivoire (Odienné).

Un étonnant parcours souvent limite hors-jeu

Papa, tonton et beau-papa étant ce qu’ils ont été sur la scène politique ivoirienne, nul ne s’étonnera que Marcel Amon Tanoh ait été apte à jouer pleinement et durablement le rôle de coach politique de Ouattara. Même s’il n’a pas été une tête d’affiche médiatique. Fils de ministre de Félix Houphouët-Boigny (dès le deuxième gouvernement formé par le chef de l’État ; ils n’étaient alors que 21 personnalités pouvant se targuer d’être ou d’avoir été ministre de Houphouët !)) alors qu’il était un enfant puis un adolescent, Amon Tanoh s’est trouvé ancré à Cocody, le quartier chic de la capitale, ce qui fera de lui un pur produit des élites abidjanaises, un ultra-urbain de la capitale qui ne parviendra jamais à s’imposer en province, y compris dans la région natale de son père.

Etudes secondaires et supérieures (un temps très court, il poursuivra ses études à Paris VIII, à Vincennes) à Cocody, il participera, comme directeur adjoint et trésorier, à la campagne de Arsène Usher Assouan en vue de conquérir la mairie en 1980 (Cocody étant alors érigée en municipalité). Me Usher (il a été avocat à la Cour d’appel d’Abidjan) a été un proche de Houphouët-Boigny, un des cadres du PDCI-RDA, et s’est illustré comme ministre des Affaires étrangères. Amon Tanoh participera au conseil municipal de Cocody tout le temps du mandat de Usher (1980-1990). Il sera secrétaire général de la mairie de Coody de 1980 à 1983 avant de se lancer dans le monde des affaires (1983-1999) à Paris et à Londres, tout naturellement dans le secteur agro-industriel (autrement dit le cacao) alors en plein boum. De 1996 à 1999, il sera directeur général de la société Etudes & recherche de financement (ERF), un cabinet de gestion des risques d’entreprise, de conduite des études et d’accompagnement à la recherche de financement (aujourd’hui géré par Laurent Coffy).

En 1993, à la suite de la mort de Houphouët-Boigny, Henri Konan Bédié accèdera au pouvoir. Tandis que le PDCI implosera et que sera créé le RDR, Alassane D. Ouattara choisira de reprendre du service à Washington au sein de la direction générale du FMI. En 1999, il revient en Côte d’Ivoire pour prendre la présidence du RDR. Il a besoin d’un coach politique qui connaît les arcanes du pouvoir. C’est Marcel Amon Tanoh. Il en fait son directeur de cabinet, éminence grise, homme de l’ombre, go-between… ! La chute du régime Bédié change la donne ; après l’intermède Robert Gueï c’est Gbagbo qui accède à la présidence de la République de Côte d’Ivoire. Ouattara attend son heure. Qui n’est pas celle de la présidentielle 2000 ni du coup de force de septembre 2002. Il lui faut patienter. Dans les gouvernements de « réconciliation nationale » formés à la suite des accords de Marcoussis, Amon Tanoh est présent, au titre du RDR, aux côtés des poids lourds de la nébuleuse ouattariste dont, notamment, Henriette Dagri Diabaté, Amadou Gon Coulibaly, Ibrahima Cissé, Hamed Bakayoko.

C’est lui qui préside le comité d’organisation du 2è congrès ordinaire du RDR (1-3 février 2008). L’accord de Ouagadougou laisse alors espérer une prochaine présidentielle. Le RDR doit se mettre en ordre de bataille. Son 1er congrès remontait à 1994 et il n’y avait eu, depuis, que le congrès extraordinaire de 1999 (qui a permis l’accession de Ouattara à la présidence du parti) alors que les congrès ordinaires (souverains) doivent se tenir, statutairement, tous les cinq ans. Ouattara est le candidat du RDR à la présidentielle. Il aura le soutien de Bédié s’il figure au second tour et que le président du PDCI n’y est pas présent. Et vice versa. Mais il faudra attendre fin.

2010 pour que le scrutin présidentiel ait lieu. Ouattara affronte Gbagbo au second tour le 28 novembre. Et l’emporte. Le 5 décembre, après avoir prêté serment alors que Gbagbo n’entend pas céder le pouvoir, Ouattara forme son gouvernement. Amon Tanoh est nommé directeur de cabinet du président de la République. Il restera en fonction tout au long du premier mandat de Ouattara (2010-2015) puis conservera son poste avec le titre de ministre lors du deuxième mandat jusqu’à sa nomination, le 11 janvier 2017, comme ministre des Affaires étrangères (il l’était par intérim depuis le 25 novembre 2016), numéro trois du gouvernement, Amadou Gon Coulibaly étant Premier ministre et Hamed Bakayoko ministre d’État, étant en charge de l’Intérieur et de la Sécurité.

A deux ans de la prochaine présidentielle, alors que Henri Konan Bédié est mort et qu’il serait osé de penser que Alassane D. Ouattara prenne le risque de vouloir tenter de se succéder à lui-même une fois encore, Marcel Amon Tanoh est désormais un électron libre dans un jeu politique totalement ouvert. Jamais dogmatique, toujours pragmatique (ses ennemis diront opportuniste), il sait créer du lien sur une scène politique ivoirienne où tout est possible. Y compris le pire. Les années 2002-2010 en ont fait la démonstration. La Côte d’Ivoire se porte bien économiquement ; pour l’instant. Ce qui n’empêche pas les Ivoiriens de se sentir mal. La meilleure preuve en est que de plus en plus d’entre eux pensent que Lampedusa peut-être la porte d’entrée dans un ailleurs meilleur. Dans un contexte régional particulièrement troublé et incertain, où le politique est désormais contraint de marcher au pas, Marcel Amon Tanoh est encore apte à bouleverser la règle du jeu ou, tout au moins, à en écrire une nouvelle un peu plus rock & roll ! Quand on sait ce qu’il sait, que l’on a vécu ce qu’il a vécu, on se retrouve très vite dans les arcanes du pouvoir. A moins d’avoir l’âge (et l’envie) d’écrire ses mémoires… !

Jean-Pierre Béjot
La ferme de Malassis (France)
27 septembre 2023

PARTAGER :                              

Vos commentaires

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Tidjane Thiam en successeur de Henri Konan Bédié. Jusqu’où ?
Côte d’Ivoire : Robert Beugré Mambé nommé Premier ministre
Côte d’Ivoire : L’étrange destin de Marcel Amon Tanoh