LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

Ecole classique et enseignement bilingue : D’anciens élèves témoignent

Publié le jeudi 28 juin 2007 à 07h21min

PARTAGER :                          

Une équipe de chercheurs constituée de Constance Lavoie, Jacques Sibalo, Célestin Tapsoba et Marie Désiré Tapsoba ont démarré une enquête ayant pour but de savoir l’impact des langues d’enseignement sur le développement au Burkina. Cette enquête s’est déroulée dans la province de l’Oubritenga dans le département de Loumbila de janvier 2006 à mars 2007.

Vingt entretiens ont été faits avec les anciens élèves des écoles bilingues et des écoles classiques. Cette recherche entre dans le cadre du doctorat de Constance Lavoie, étudiante au Canada. Ainsi, l’enquête a consisté à administrer un certain nombre de questions aux anciens élèves des deux écoles, à savoir ceux qui sont passés par le classique et ceux du bilingue. A travers ces questions, l’équipe a cherché à savoir, entre autres : la langue parlée par chacun d’eux, les activités qu’ils menaient à l’école et le métier que chacun faisait à l’heure où l’enquête se faisait.

L’école bilingue et la durée de la scolarité

Avant de nous intéresser aux activités que font les anciens élèves, disons que l’école classique et l’école bilingue sont deux méthodes d’enseignement dont la première consiste à former les élèves pendant six ans pour l’examen du CEP. À l’école classique, le français constitue la langue d’enseignement. Cela veut dire que les enseignants utilisent seulement le français pour faire passer le contenu des leçons. Les enseignants et les élèves communiquent en français.

Au niveau du bilingue, la formation dure cinq ans. L’enseignement se fait par transfert de la langue première de l’enfant vers le français. Dès la première année, les enseignants et les élèves utilisent la première langue de l’enfant, selon la zone, pour transmettre les connaissances. Ce n’est qu’en troisième année que l’on commence à transférer toutes les connaissances acquises depuis la première année en français. Ainsi, le français est introduit, et en ce moment, les enseignants et les élèves l’utilisent pour communiquer. Les écoles bilingues sont sous la tutelle du MEBA et les élèves passent le CEP après 5 ans. Quand l’enfant arrive à s’exprimer dans sa propre langue en première année, il est à l’aise et participe lui-même à sa propre éducation.

Métiers

Aussi, au niveau des écoles bilingues, il faut reconnaître qu’en plus de l’enseignement, il y a certains métiers qu’on apprend aux élèves, tels que la menuiserie, l’agriculture, l’élevage, le tricotage et la couture. Il y a aussi les danses culturelles telles que le Warba et le Kigba qu’on apprend aux élèves. Cela veut dire que l’école bilingue ne prépare pas l’élève seulement au travail de bureaucrate. Il prépare l’enfant dès son jeune âge à gagner sa vie même s’il n’arrive pas à se faire employer par le gouvernement à travers les concours que celui-ci organise chaque année. Elle aide aussi l’enfant à avoir une certaine connaissance dans sa propre culture.

Que sont devenus les anciens élèves ?

Les anciens des écoles bilingues que nous avons rencontrés sont pour la plupart des gens qui travaillent pour leur propre compte. L’une d’entre eux qui est devenue commerçante nous a dit : “Avec les connaissances que j’ai reçues à l’école bilingue, j’arrive à bien compter mon argent.”

Une ancienne élève, monitrice d’un centre d’alphabétisation, mère de trois enfants, a dit : "Si j’arrive là où on danse Kigba, je peux danser, je peux taper le tambour aussi....” Elle ajoute : “... On ne doit pas laisser l’enseignement de langue ethnique tomber... il a changé... pourquoi ? Parce qu’au sujet de notre culture (coutume) nous ne pouvons plus l’oublier. C’est bien vrai que nous sommes nés avec le mooré, mais nous sommes arrivés à le maîtriser plus que ceux qui n’ont pas été à l’école et se trouvent à la maison. Jai l’habitude de dire à ceux qui sont restés à la maison qu’ils sont toujours dans les ténèbres. Celà ne veut pas dire qu’ils ne comprennent pas la langue, mais ils ne peuvent pas utiliser leur main pour écrire, voilà. Comme la main ne peut pas écrire, c’est comme si tu te trouvais dans les ténèbres ...”

Un, qui est aujourd’hui devenu enseignant de la Méthode Alpha, nous a dit : “... Si j’élève un animal aujourd’hui, si tu le vois, tu sauras que je maîtrise l’élevage.”

Un d’entre eux qui est devenu un agriculteur moderne nous a dit ceci : "Je ne sème plus en désordre comme le font la plupart des agriculteurs qui ignorent toujours les nouvelles méthodes de l’agriculture. Je sais lire et je sais écrire. Je sais quel engrais utiliser pour avoir un bon rendement du jardinage que je pratique pendant la saison sèche et la saison pluvieuse.”

Conclusion

Toutes les personnes enquêtées qui ont fréquenté l’école bilingue reconnaissent que l’école bilingue a eu un impact positif dans leur propre vie. Chacun compte y envoyer son enfant si toutefois ils se trouvent dans une zone où il y a l’école bilingue. Ils sont contents d’avoir reçu le savoir dans leur propre culture. Nous remarquons que les femmes qui ont fréquenté les écoles bilingues mènent davantage d’activités génératrices de revenus.

Parmi ceux qu’on a interviewés, il y en a qui trouvent que les activités apprises à l’école bilingue leur permettent de se débrouiller dans la vie. Toutefois, il y en a qui regrettent que ces activités de production n’aient pas duré suffisamment longtemps pour leur permettre de développer une maîtrise de ces savoir-faire.

Jacques Sibalo, Désirée Tapsoba & Constance Lavoie

Le Pays

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique