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Maouloud à Ramatoulaye : "L’islam n’a jamais bafoué le droit de quiconque"

Publié le mercredi 4 avril 2007 à 07h48min

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Les fidèles musulmans célèbrent chaque année l’anniversaire du Prophète Mohamed communément appelé Mouloud. A Ramatoulaye, foyer de la confrérie Tidjania au Burkina, l’événement s’est déroulé dans la nuit du samedi 31 mars au dimanche 1er avril 2007 sous les auspices du Cheick Aboubacar Maïga II, le guide spirituel du soufisme, membre fondateur du mouvement et grand imam de Ramatoulaye.

A Ouahigouya, peu après 16 heures, ce samedi 31 mars. Notre véhicule quitte le bitume pour disparaître dans un nuage de poussière en direction de Ramatoulaye. Il a vu juste, celui qui nous a conseillé un masque. Dans la bulle poussiéreuse, peu importe la 4x4 climatisée ou le camion à ciel ouvert, l’essentiel pour les fidèles à bord est de passer la nuit à Ramatoulaye.

Sur place, on se croirait perdu sur ce bout de la commune de Namisguima, bastion de la Tidjania au Burkina. L’imposante mosquée, un joyau architectural, tranche avec l’environnement immédiat en apparence hostile : c’est le Nord.

Ramatoulaye était comme surpris par la horde de fidèles venus se recueillir pour la 85e fois depuis 1923, et recevoir les bénédictions de la cérémonie commémorative de la naissance du prophète Mohamed. En attendant le rituel officiel, les croyants se bousculent pour accomplir ce qui leur tient à cœur. Il s’agit de serrer la main du Cheick Aboubacar Maïga II et de s’incliner sur la demeure éternelle de ses prédécesseurs tout en formulant leurs vœux les plus chers.

La chaleur d’avril, les longues files d’attente, les méthodes musclées des forces de l’ordre n’ont rien pu contre la ferveur religieuse des uns et des autres. "Jusque-là, pas de couac", nous a assuré un policier.

Une autre inquiétude était relative à l’éclairage à l’approche de la nuit avec la marée humaine. Mais le vrombissement des groupes électrogènes se mêle à la cohue et la lumière fut. Il était 18 heures.

C’est à 00 heure que la cérémonie proprement dite a commencé. Le Cheick s’installe sur le podium érigé devant la cour. Les mégaphones distillent des prières, des hommages au Cheick Aboubacar Maïga II, à toutes les bonnes volontés qui ont effectué le déplacement. Les fidèles qui ne comprennent pas l’arabe peuvent se délecter de la diction impeccable des intervenants ou se contenter des traductions sporadiques en mooré et français.

C’était l’occasion pour parler du soufisme comme facteur de rapprochement entre les peuples et de promotion de la paix sociale. Un thème pour le moins actuel.

Pour Moustapha Maïga, imam adjoint de Ramatoulaye, les confréries soufi comme la Tidjania prônent la tolérance, l’humilité et la non-ingérence dans les affaires d’autrui ; des qualités qui visent essentiellement à élever moralement et spirituellement l’homme.

Quant au cheick lui-même, il s’est appesanti, dans son intervention sur les qualités de tolérance, entre autres, du prophète Mohamed en ce jour anniversaire. La célébration de la naissance du prophète, à ses yeux, fait partie des meilleurs actes qui rapprochent le musulman d’Allah. Aboubacar Maïga II a surtout présenté le prophète Mohamed comme celui qui a transformé le désert d’Arabie en un berceau de la civilisation humaine. Il a, par exemple, rétabli la femme dans ses droits et lui a restitué sa valeur humaine en mettant fin à l’enterrement des filles vivantes.

C’est plutôt la confrérie Tidjania, en tant que facteur de promotion de la paix sociale et d’intégration régionale, que le SG du mouvement a magnifié. "La paix est le substrat sans lequel il n’y a ni liberté de culte et de croyance, ni liberté d’opinion", a prévenu El hadj Ismaël Ouédraogo.

Tout ceux qui souhaitaient s’exprimer n’ont pas pu le faire ; car le M.C. Ousseni Badini, officiant en totale improvisation, a monopolisé le micro ; et les forces de l’ordre qui ont empêché les cheicks ghanéens de faire leur show au petit matin après le maître des lieux.

La foire commerciale est l’autre aspect incontournable du Mouloud. C’est une exposition-vente de produits artistiques et céréalières du Nord, ce qui est loin d’être un dassandaaga. Là-bas, on ne chasse pas les marchands du temple ; on y trouve exclusivement du halal (ce qui est autorisé en islam). Si bien qu’en dehors des bénédictions, certains sont rentrés avec des produits vétérinaires, du matériel agricole ou même des animaux achetés sur place.

Mahamadi Tiégna

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Ils ont dit

Son Excellence Seid Ali Riza Nikou Nian : c’est la première fois que je participe à Ramatoulaye à la célébration du Mouloud. C’est une fête très importante chez nous. En Iran, les gens se partagent des gateaux dans les mosquées. Selon les chiites, le prophète Mohamed est né le 17e jour du 3e mois lunaire, tandis que pour les sunites, c’est le 12e jour.

Alors pour concilier les deux positions et marquer l’union, nous fêtons tous les deux jours et les jours intermédiaires. La seule petite différence avec le Burkina, c’est que chez nous, c’est plus gaie, les villes revêtent une coloration lumineuse spéciale, les gens se marient et des conférences sur la vie du prophète sont organisées.

Le cheick Salawati de Tamalé au Ghana : je suis un adepte de la Tidjania et j’enseigne au Ghana. Cela fait cinq ans que je participe régulièrement au Mouloud ici. Je prie Dieu pour ne jamais rompre avec cette habitude. Le Mouloud nous permet de rendre hommage à l’unisson au prophète, car Dieu commande que nous le respections. Nous aurons beaucoup de bénédictions ici.

Que cette grâce serve à la construction des nations burkinabè et du Ghana. Que la paix règne dans les deux pays. Si nous sommes là, c’est parce que le Mouloud ici est l’aîné de beaucoup d’autres. En outre le cheick Aboubacar a-t-il fait des études coraniques à Bako, Gambaga, Waléwalé au Ghana.

Jacob Ouédraogo, Gouverneur de la région du Centre-Est et fils de la région du Nord : le Mouloud est un événement très important dans la province pour la simple raison qu’il y a beaucoup de musulmans ici à près de 95%. C’est un moment de dévotion, un moment où la population formule des vœux ; ce qui explique cette présence massive. Nous sommes venus manifester notre soutien et tout le respect que nous avons pour cet événement.

Sidi Mohamed Maïga, frère cadet du cheick et président du comité d’organisation : tout s’est déroulé sans encombre. Les gens se sont réunies et sont retournées chez eux sans difficulté. Une semaine avant l’événement, les autorités nous ont apporté une moto-pompe qui a ravitaillé en eau 24h/24. Les gens sont très nombreux et il est illusoire de vouloir satisfaire tout le monde. Mais cette année, le problème majeur qu’est celui de l’eau a été maîtrisé.

El hadj Souleymane Compaoré, journaliste et SG de la Fédération des associations islamiques du Burkina : le Mouloud à Ramatoulaye est toujours un grand événement international. Il n’y a pas que les gens d’ici, du Yatenga, ou du Burkina, c’est pratiquement toute l’Afrique de l’Ouest qui s’y retrouve. C’est une occasion de rassemblement, de communion, de prière et d’exaltation de la vie du prophète. Cette année ne déroge pas à la règle. Il y a, certes, des choses à améliorer pour l’accueil, mais déjà, énormément d’efforts sont faits.

M. T.


Vu et entendu

Sa Majesté Naaba Kiiba oublié

C’est discrètement, derrière le Gouverneur de la région du Nord, accompagné de celui du Centre-Est que le roi du Yatenga arrive à la cérémonie. Le Maître de cérémonie fait une présentation laudative des deux gouverneurs et d’autres personnalités avant d’en arriver au roi du Yatenga. Les habitudes protocolaires stipulent peut-être que l’autorité morale du successeur de Naaba Kango vienne après.


Le tour de force du gouverneur

Arrivé peu après 00 heure, le gouverneur de la région du Nord, Dieudonné Yaméogo, n’était pas prévu pour prendre la parole. Mais son staff fait annoncer que le gouverneur veut parler. Un message loin de ce qui réunit les fidèles. Morceau choisi : "C’est au nom du président que nous sommes là. Moi-même et Jacob Ouédraogo (gouverneur du Centre-Est), nous vous demandons des bénédictions pour la bonne tenue des élections à venir... la chance aux candidats". Après son message, il demande les bénédictions du cheick avant qu’il ne se retire. Ce qui fut accordé wassa wassa.


Kanazoé ou la prière

Le président de la communauté musulmane du Burkina, Oumarou Kanazoé, est arrivé à bord de son "jet privé" à Ramatoulaye à 4h 30 dans la nuit du samedi 31 mars au dimanche 1er avril. 4h 30, c’est l’heure de la prière, mais on préfère faire la prodada du richissime bailleur de fonds, le muezzin, lui, peut attendre pour annoncer la prière.

Un zélé pestifère contre ceux qui murmurent qu’on arrête les éloges pour appeler la prière. "C’est nous qui organisons, nous faisons ce que nous voulons. Celui qui n’est pas satisfait n’a qu’à venir nous remplacer pour organiser". Avec l’accent yadga en plus.


99,99% de musulmans à Ramatoulaye

Contrairement à ce qu’ils se plaisaient à dire, les habitants de la "cité de la paix" ne sont plus à 100% musulman. A l’issue du dernier recensement de la population en effet, on a recensé un élève non musulman, inscrit, qui plus est, à l’école coranique du village. Les villageois ne comprennent rien à cette situation, qui les prive du sobriquet de Vatican version musulmane.


Quand le Cheick vide sa cour

Pendant la rencontre entre le Cheick Aboubacar Maïga II et O. Kanazoé, "les autres" ont été privés de sortir. Place donc à OK et à son conseiller en image, Zida Aboubacar dit Sidnaba. L’animateur mooréphone filme les moindres gestes du magnat des BTP. Très tôt, le matin, l’hélico d’O.K. revient pour une autre séance de tournage.


Très cher Mouloud

Le coût financier de l’organisation de la fête n’impressionne pas les organisateurs. Certaines contributions "à titre gracieux" ne le sont qu’en apparence : 36 millions pour les tonnes de céréales convoyées pour la restauration ; 1 300 000 F pour les 350 policiers, gendarmes et militaires chargés de la sécurité ; 2 millions pour alimenter les 16 robinets disséminés à travers la ville ; plus de 120 petits ruminants et bœufs tués pour agrémenter le séjour des fidèles.

M. T.

L’Observateur

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