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Affaire Norbert Zongo : Ce n’est pas Lui... c’est quelqu’un !

Publié le mardi 9 janvier 2007 à 07h48min

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Qu’il pleuve ou qu’il neige, l’affaire Norbert Zongo fera la Une des journaux et ce, jusqu’à ce que justice lui soit rendue. En d’autres termes, quelque semi-autocratique que soit le régime en place ici au Burkina Faso, quel que soit ce que l’on pourrait faire subir aux journalistes qui, dans les règles de l’art, assurent leur mission de service public, la presse indépendante et les journalistes professionnels, se feront toujours l’écho de faisceau de présomption. L’affaire Zongo est là, droit comme le teck de Pabré.

Norbert Zongo a été assassiné le 13 décembre 1998. Cela au moins personne ne le conteste. Pourquoi et par qui ?
Lorsque Norbert Zongo fut assassiné, il poursuivait des investigations sur la mort de David Ouédraogo, le chauffeur de monsieur François Compaoré, conseiller à la présidence et frère cadet du chef de l’Etat.

Dans le cadre de cette affaire qu’il est convenu d’appeler l’affaire David, au cours des semaines qui ont précédé sa mort, Norbert Zongo a été sérieusement menacé de mort. Cette menace, il en a fait cas dans plusieurs numéros de L’Indépendant avec une accentuation prémonitoire dans ses deux derniers numéros, le n° 273 et 274.

Avant la « solution par le mortel », Norbert a eu à subir nombre de pressions comme le témoignent la plupart de ses proches et le rapport de la Commission d’enquête indépendante (CEI). Des tentatives de pression qui expliquent que l’enquête menée par le directeur de L’Indépendant sur "l’affaire David Ouédraogo" dérangeait au plus haut niveau.

« Les paroles s’envolent mais les écrits restent », dit un adage romain. Les publications de Norbert sont là pour attester que dans l’affaire de la mort de David, les faits et les responsabilités de chacun étaient en voie d’être clairement établis.

Cela -à n’en pas douter- ne pouvait que provoquer les plus grandes craintes chez les commanditaires et les sicaires de David et pourquoi pas conduire certains à envisager les solutions les plus radicales, surtout que l’époque était caractérisée par « si tu fais, on te fait et il n’y a rien ! ».
Et on a choisi de « faire » Norbert pour l’empêcher en réalité de dire pourquoi David a été tué ; car il est évident que ce n’est pas pour raison de vol que David a été tué. Non seulement ce fameux argent (environ de 19.870.000 f cfa) n’a jamais été trouvé mais n’a pas fait l’objet de débat lors du procès David Ouédraogo.

Quand on est journaliste critique, il est évident que l’on n’a pas que des amis. Il se peut que peut-être, d’aucuns avaient intérêt à la disparition de Norbert, mais ceux qui avaient un plus grand intérêt dans son silence, c’est bien ceux qui ont livré David Ouédraogo au Conseil qui - pour reprendre les termes de Norbert- jusqu’à preuve du contraire, n’est ni une brigade de gendarmerie, ni un commissariat de police. C’est aussi ceux qui ont battu et brûlé Hamidou Ilboudo, Bruno Ilboudo, Adama Tiendrebéogo et David Ouédraogo jusqu’à ce que mort s’en suive pour ce dernier.

Et ce quelqu’un ?

Même, le Collège des Sages n’a pas manqué de demander « la mise aux arrêts des personnes dont la responsabilité est déjà clairement établie dans l’affaire David Ouédraogo, à la lumière des résultats du rapport de la CEI tout en accélérant les procédures judiciaires engagées.... ». Et effectivement, une partie de ces personnes, en l’occurrence, Marcel Kafando, Edmond Koama et Ousséini Yaro ont été arrêtés et jugés par la suite. Nous disons bien une partie des personnes car il a bel et bien fallu que quelqu’un appelle Marcel Kafando pour le charger de cette affaire.

Et pendant que Marcel et ses coreligionnaires s’amusaient à « griller » David et ses compagnons, ce quelqu’un n’a pas semblé s’en émouvoir. Ce n’est que quand Norbert a commencé à dénoncer le fait, que le sommeil de ce quelqu’un a été un tant soi peu dérangé.
Si donc la CEI a désigné « des personnes dont la responsabilité est déjà clairement établie dans l’affaire David Ouédraogo », ce quelqu’un devrait forcement y être !

On peut louvoyer, on peut embarquer les gens dans un imbroglio juridique autant que faire se peut ! Ce qu’on ne saurait empêcher ; ce que l’on ne pourrait faire taire, c’est ce questionnement accablant :
Qui a livré David Ouédraogo à la sécurité présidentielle ?
Quels sont ceux qui faisaient pression sur Norbert pour qu’il arrête d’écrire ?
Qui avait un intérêt capital à sa disparition ?
La réponse à ces questions ne relève pas de la fiction ou de la géomancie. Ce sont des faits qui s’imposent d’eux-mêmes !

Alors pourquoi s’en prendre à la presse ? Est-ce un crime que de rechercher la vérité sur l’assassinat d’un citoyen qui du reste se trouve être un émérite confrère ?
Il est normal que des journalistes s’intéressent à ces questions citoyennes et en cherchent aussi les réponses.

Si cette recherche pèle d’aucuns et que ces journalistes doivent être astreints devant des juridictions cela ne fera pas pour autant disparaître ces questions lancinantes et imposantes. Et même si au besoin, les uns à la suite des autres, en colonne-couvrée, devraient prendre comme résidence secondaire le cachot, la plume continuera à être tournée dans la plaie jusqu’à ce que justice se fasse.

Rien ne brisera la plume

Ceci dit, il y’a lieu de s’intéresser à ce que nous considérons comme un déchaînement extraordinaire ces derniers temps sur des hommes de médias. Qu’est-ce que cela présage ? Veut-on intimider ? Prépare-t-on un justificatif qui permettra de dire demain que c’est l’entêtement de certains qui leur a coûté la vie et que c’est une main étrangère qui veut créer des problèmes au régime qui les aurait anéantis ?

Dans L’Indépendant n°274 du 8 décembre 1998, le dernier de Norbert, il écrit : « Supposons aujourd’hui que L’Indépendant arrête définitivement de paraître pour une raison ou pour une autre (la mort de son directeur, son emprisonnement, l’interdiction définitive de paraître, etc.) nous demeurons convaincus que le problème David restera posé et que tôt ou tard il faudra le résoudre. »

A titre posthume l’histoire lui a donné une demi-raison. A sa suite, on ne peut que répéter, que s’il advenait sur le dossier Zongo, que certains hommes de médias ciblés soient condamnés, disparaissent ou que leurs organes respectifs arrêtent de paraître, l’affaire Norbert Zongo restera une affaire à résoudre !

Par Pabeba Sawadogo

Bendré

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Vos commentaires

  • Le 9 janvier 2007 à 21:01, par KGB En réponse à : > Affaire Norbert Zongo : Ce n’est pas Lui... c’est quelqu’un !

    Ce bien dit la. Au moins il y a des confreres qui resistent.
    KBG, Washingtn DC

  • Le 23 janvier 2007 à 23:22 En réponse à : > Affaire Norbert Zongo : Ce n’est pas Lui... c’est quelqu’un !

    M. SAWADOGO,
    Cette analyse prouve, si besoin était que les journalistes peuvent révéler une certaine partialité dans leur prise de position et semer la "diversion", oups ! l’intoxication de l’opinion publique. Votre prise de position à travers cet article a occulté dangereusement tout le travail d’instruction du magistrat et les décisions judiciaires subséquentes qui s’en sont suivies dans cette affaire horrible de votre défunt confrère.
    M. SAWADOGO, en tant que citoyen lamda, vous devez respecter les décisions de justice. Vous n’êtes pas au-dessus des lois même si une certaine liberté de plume vous est légitimement reconnue.
    En ma qualité de juriste, je vous livre un exemple pédagogique concret : Un piéton renversé par un chauffard, que l’enquête n’a pas retrouvé ne peut obtenir une quelconque indemnisation faute de coupable. L’enquête sur la mort de Norbert ZONGO n’a pas révélé Monsieur François COMPAORE en qualité de coupable avéré. Vous deviez donc vous en tenir à ce constat, conforme aux règles inhérentes au code de procédure pénale burkinabé. Venir insinuer, comme vous le faites dans votre article, constitue une méconnaissance avérée du fonctionnement de la justice pénale. Bref, je ne vous en veux pas car en deuxième année de droit, mon professeur de Droit Pénal nous donnait des cas pratiques de discours journalistiques à convertir en discours juridiques. Je comprends maintenant le sens et la portée pédagogiques d’un tel exercice de style.
    Je vous précise que je ne connais ni Norbert ZONGO, ni M. François COMPAORE et, encore moins, Pabeba SAWADOGO. Mon commentaire se veut purement objectif. Réponse souhaitée. Ange, France

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