J’ai une lettre pour toi, confessa l’inconnu, en lui tendant une enveloppe timbrée.

Karé la prit. Il la tourna. Sur l’envers il y avait ses références. Il la retourna. Sur l’endroit pouvaient être lus les nom et prénom de son ami Boni. La missive lui était effectivement destinée, comprit-il. Il était à bien l’observer "enjaillé" à l’idée d’avoir des nouvelles de son ancien condisciple. Il plongea alors la main droite dans l’une des poches de son blue-jean. Ses doigts butèrent sur une pièce de deux cents francs. Elle s’en alla faire le bonheur de ce pseudo¬facteur.

Le véhicule roulait, roulait. Karé lisait, relisait la lettre : ... imagine la joie de cette vieIle femme, ma mère ! Mais tu ne la connais pas et j’ai oublié de faire les présentations. Ma mère, elle est là, couchée dans la poussière de cette case et dans sa position favorite. Cette position vue de loin et même vue de près, je crois, fait penser à un point d’interrogation ! Etait-ce au Seigneur qu’elle s’adressait ou à moi ? Car père est mort et je suis l’aîné de la famille. J’ignore la quantité de fois que je me suis posé cette question. Mais aujourd’hui, le Seigneur dans son infinie bonté - après plusieurs échecs - a décidé que je sois admis à ce concours.

Je vais enfin pouvoir entretenir ce qui reste de ma mère, de mes frères, et vivre aussi un peu...

Un mouvement de grogne générale venait ainsi stopper l’élan de notre lecteur impénitent. L’émission de Zouk à laquelle étaient scotchés tous les passagers excepté Karé, venait d’être momentanément suspendue pour un costaud communiqué !

Ledit communiqué était cosigné : Ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation ; Ministère de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat. Il disait en substance que tous les concours,

sans exception aucune, étaient annulés sur toute l’étendue du territoire national ! Il y aurait eu des fraudes massives et le "pétrole aurait coulé" ! Karé posa à nouveau les yeux sur la lettre qu’il tenait encore entre le pouce et l’index. L’image de son sinistré ami s’afficha devant lui ; sa vue se brouilla. Qu’allait devenir ce dernier ?

 Il pleure, s’ indignait-on autour de lui !

 Chauffeur, je descends, parvint-il à articuler.

Lui qui s’en allait chez son ami, lui serrer la main, le féliciter. Même le chauffeur n’en revenait pas. Mais que voulez-vous, l’étrange passager fut donc descendu au milieu de nulle part ! Qu’allait-il devenir lui- même ?

L. Adamou Kantagba

Le Pays