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Kapouné Karfo, DG de l’Office de Santé des Travailleurs (oST) : "La fin de l’austérité en 2007"

Publié le lundi 20 novembre 2006 à 07h23min

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L’Office de santé des travailleurs (OST) est secoué depuis le 13 novembre dernier par un mouvement de sit-in. Des agents protestent contre le non-respect du protocole d’accord signé le 12 octobre 2005 avec la direction générale.

Pour apporter plus d’éclaircissements à cette crise qui perdure, le directeur général de l’OST que nous avons rencontré, lève le voile sur les points "d’achoppements" du protocole d’accord, notamment la prime de rendement et de reversement et annonce la fin des difficultés probablement en 2007.

"Le Pays" : Vous avez entrepris des négociations avec les travailleurs le 13 novembre. A quels résultats avez-vous abouti ?

Kapouné Karfo : En effet, depuis le 13 novembre, les travailleurs de l’OST sont en mouvement avec comme plate-forme revendicative le non-respect d’un protocole d’accord que nous avons eu à signer avec les travailleurs. Je voudrais simplement dire qu’il ne reste plus qu’un seul point du protocole d’accord qui n’a pas été encore satisfait pour le moment. Ce seul point de revendication est la prime de rendement des agents n’exerçant plus à l’OST. A ce niveau, nous avons entrepris des discussions avec les syndicats et nous sommes arrivés à la proposition que cette prime de rendement sera payée en fin décembre après le payement des salaires.

Maintenant, il y a d’autres points qui ne font pas partie du protocole d’accord mais qui constituent de nouveaux points que les travailleurs ont évoqués dans leur lettre adressée à la direction. Ces points n’ont jamais été l’objet de discussion avec signature de protocole. Il s’agit, premièrement, de la prime de 2005 qui a été abordée en même temps que la prime des absents, c’est-à-dire que nous avons également proposé que cette prime soit payée en décembre après les salaires. Pour l’autre point qui est le reversement, les travailleurs eux-mêmes ont admis qu’il ne s’est pas agi d’un blocage mais d’une lenteur qui, en réalité, était indépendante de notre volonté.

En effet, l’agent technique des finances mis à notre disposition étant de temps en temps sollicité par son propre ministère, n’était pas tout le temps disponible comme le voulaient les travailleurs. Il va sans dire que la partie technique du reversement connaissait une souffrance. Mais le reversement est terminé depuis la semaine dernière. Il faut noter que les travailleurs font partie intégrante de cette commission de reversement. Il y a également le problème de la note circulaire qu’ont évoquée les agents. Nous disons qu’il existe un lien contractuel entre les entreprises et l’Office de santé des travailleurs.

Tout contrat renferme des obligations que chacune des parties est tenue de satisfaire et le personnel des services médicaux du travail est celui chargé de remplir les obligations de l’Office dans le cadre de ses contrats. Ainsi, dans le souci d’améliorer ses relations contractuelles avec les entreprises, l’Office a estimé qu’il était nécessaire que chacune des parties puisse se prononcer sur l’exécution du contrat. D’ailleurs, le patronat qui a accédé à notre demande d’augmenter des tarifs des actes de la médecine du travail, a exigé qu’il y ait un rapport coût-qualité.

Nous pensons que l’employeur à qui nous vendons nos services a le droit de dire si l’agent mis à sa disposition est présent, assidu et ponctuel. Cette note fait suite à des plaintes répétées de certaines entreprises sur la manière habituelle de servir des agents mis à leur disposition qui est de nature à ternir l’image de marque de l’Office et peut constituer généralement et souvent un motif suffisant pour la rupture du contrat. Dans tous les cas, conformément aux textes en vigueur, aucun employeur n’est habilité à noter un agent de l’Office de santé des travailleurs mis à sa disposition et cette mesure administrative ne porte aucunement atteinte aux intérêts des travailleurs. Donc, voilà l’ensemble des points qui restent et qui figurent encore sur la plate-forme des travailleurs.

Le conflit social qui perdure à l’OST va-t-il prendre fin un jour ?

Oui, je le pense. Le noeud actuellement du problème, c’est que la partie adverse campe sur sa position. Nous pensons que sur l’ensemble des problèmes qu’évoquent les travailleurs, ceux-ci veulent comparer l’Office aux autres EPS. C’est bien pour créer une dynamique de progrès mais il faut que les agents aient à l’idée que l’OST revient de loin. En effet, à l’assemblée générale des sociétés d’Etat (AGSE) où les problèmes de l’Office ont été évoqués, l’OST avait un déficit cumulé de plus de 700 000 000 F CFA, des arriérés de cotisations d’IUTS de plus de 200 000 000 F CFA et sur le plan logistique, un parc auto hors d’usage, des recettes à leur plus bas niveau.

C’est face à cette situation que nous avons reçu des instructions claires auprès du ministère de la Santé, nous orientant vers l’élaboration d’un plan de restructuration financière et administrative prévu pour cinq ans. L’exécution de ce plan avec la rigueur qui s’impose a donné en 3 ans des résultats plus que probants : déficit résorbé, dettes sociales payées, parc automobile garni, radio de la clinique rééquipée.

Mais le problème aujourd’hui, c’est qu’au cours de l’application du plan, d’autres charges non prévues sont venues s’ajouter : c’est le cas de l’augmentation des salaires en fin 2004, de la décision de payer les primes de rendement avec rappel depuis 1999, de certaines indemnités accordées par le gouvernement. Tout ceci en plus devrait abattre notre cheval déjà surchargé mais nous avons tenu en ralentissant le rythme. La masse d’argent payée dans ce laps de temps avoisine 227 000 000 F CFA. Donc, avec un peu de patience, 2007 devrait être l’année de la fin de l’austérité à l’OST.

Quelles sont les conséquences de ces crises à répétition sur les performances de l’OST ?

Nous sommes une entreprise. Quand les agents arrêtent de travailler, il va sans dire que les résultats escomptés ne peuvent être atteints. Par exemple, quand ils sont en sit-in à la clinique, ils ne peuvent pas faire un prélèvement de sang, ce qui veut dire que les recettes vont diminuer et si les recettes diminuent c’est un cercle vicieux et nous risquons encore de rentrer dans des problèmes. Donc, j’invite plutôt les agents à comprendre la situation de leur boîte et à travailler pour que nous puissions la sortir de l’ornière.

Avez-vous pensé à instaurer un mécanisme de dialogue et de concertation avec les syndicats ? N’y a-t-il pas un déficit de communication ?

Depuis que nous sommes à l’OST, les syndicats n’ont jamais fait une demande d’audience qui a été refusée. Ils sont reçus à la demande et je ne pense pas qu’il existe un déficit de communication. Ce qu’il faut comprendre, c’est que les travailleurs sont dans leur droit et ils revendiquent avec beaucoup d’impatience. Et la direction avec les instructions de monsieur le ministre, manage avec beaucoup de prudence pour éviter des "sens interdits". Ce que la direction ne peut pas admettre, ce sont les propositions du genre ; payer les ristournes, les primes avant les salaires, mettre la caisse en rouge et aller demander un soutien au ministre.

Si devant de telles propositions, chaque camp reste sur sa position, cela va ressembler à un "déficit de compréhension" et non de communication. En principe, au niveau de la direction de l’OST, ceci ne devrait pas se faire voir car la direction ne fait qu’exécuter les délibérations du conseil d’administration où les travailleurs occupent 1/3 des sièges au même titre que l’Etat et le patronat.

Quelles sont aujourd’hui les prestations fournies par l’OST ?

L’OST est un EPE qui oeuvre à travers ses services médicaux du travail à éviter l’altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ou des conditions dans lesquelles ils l’exercent. Ces prestations visent principalement les agents du privé, du public, du secteur informel, du secteur agro-sylvo-pastoral. L’OST offre des prestations au niveau de la surveillance du milieu du travail, la surveillance de la santé des travailleurs, les premiers soins, les traitements d’urgences, l’information et l’éducation, l’enregistrement et l’analyse des données relatives au milieu de travail et la santé des travailleurs, la mission conseil auprès des employeurs, des travailleurs, de la hiérarchie technique et de l’Administration.

Quelles difficultés rencontre l’OST dans le cadre du financement de ses activités ?

Les difficultés sont essentiellement d’ordre financier. Nous souffrons également d’un vide juridique qui va bientôt être comblé par la création de la médecine du travail au niveau du ministère du Travail.

A quoi est dû le déficit financier qu’a connu l’OST ?

Il est dû au fait que les cotisations sociales Carfo, IUTS, CNSS n’étaient pas versées. Il y a également ce que nous avons appelé déficit cumulé : c’est de l’argent qui avait été mis à la disposition de l’OST pour pouvoir faire des investissements. Cette somme n’a pas été utilisée à bon escient.

Les prestations de l’OST ne suffisent-elles pas pour assurer son fonctionnement ?

L’Office bénéficie toujours des subventions de l’Etat pour faire essentiellement face au salaire des fonctionnaires et à la visite médicale des agents du public. Le reste des activités est financé sur fonds propres. Les prestations ne suffisent pas pour le moment pour que l’OST se prenne en charge.

Quel est le budget de fonctionnement de l’OST ?

Les ressources propres de l’OST sont estimées à environ 350 000 000 F CFA. La part apportée par l’Etat pour payer les fonctionnaires est de 600 000 000 F CFA.

Quel est votre dernier mot en direction des travailleurs et de l’opinion nationale ?

En direction de l’opinion nationale, je dirai que l’OST est un instrument de l’Etat à la disposition des travailleurs, qu’ils soient du public, du privé, du secteur informel... L’OST a une organisation originale qui permet une indépendance des acteurs dans ce domaine parce que entièrement pris en charge par l’Etat. C’est un instrument qu’il faut garder jalousement. L’OST permet au gouvernement d’atteindre ses objectifs en matière de santé. A l’endroit des agents, je crois que leurs préoccupations sont légitimes. Mais je leur demande d’être compréhensifs face aux difficultés que traverse la boîte et que ce n’est pas au moment où nous nous apprêtons à sortir de l’ornière qu’il faut faire croire à l’opinion nationale que rien ne va. L’OST ne se porte pas bien mais elle se porte mieux.

Je voudrais dire aux travailleurs que l’OST, c’est leur instrument. L’OST est la seule boîte où il y a un tripartisme réclamé par le BIT (Bureau international du travail) en matière de santé et sécurité au travail. L’Etat, le patronat et les travailleurs sont représentés au même titre. Tout est discuté au sein du conseil d’administration, la direction n’est que l’organe d’exécution.

Propos recueillis par Eliakim Abou NYAMBA (Collaborateur)

Le Pays

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