LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

Education : "Chaque bonne qu’on éduque..."

Publié le mercredi 5 novembre 2003 à 11h02min

PARTAGER :                          
Education :

Elles sont aujourd’hui une multitude dans nos cités et c’est devenu presqu’un phénomène de mode que d’en avoir chez soi.

Elles, ce sont les bonnes, ces employées de maisons recrutées au rabais et dont les souffrances et humiliations de certaines d’entre elles feraient rougir les esclavagistes des âges farouches.

La plupart d’entre elles souffre le martyr et sont destinées à une vie sans but semblant être nées pour cela. D’autres s’en tirent avec la chance d’être tombées sur un "bon patron" qui a le mérite de croire que l’éducation est faite pour tous : l’enfant légitime mais aussi l’enfant de l’autre qui est venu pour aider.

"Il travaille comme un Nègre". Cette phrase de moins en moins usitée désignait un homme qui abattait un travail acharné, sans gloire ni dignité. Cette phrase est de moins un moins usitée parce qu’elle a trouvé un répondant et comme le français évolue, de nos jours la bonne remplace le Nègre. C’est ainsi que vous entendez souvent "Il travaille comme une bonne... à tout faire". Ces bonnes à tout faire constituent des armées entières dans nos cités et il n’est pas rare d’entendre une brave dame parler de son contingent de bonnes en se vernissant ses ongles. Ces bonnes sont d’origines diverses et arrivent à la ville pour des raisons multiples.

Certaines telles les Kibsi arrivent pour ce travail comme objectif premier, d’autres et le plus grand lot, sont placées par "une tante compatissante" qui reçoit ses nièces du village pour les aider. Cette tante compatissante (qui joue ici en l’occurrence le rôle de l’ONPE) recevra une part substantielle du revenu dérisoire des bonnes, pardon des nièces qu’elle aura placées. Une autre catégorie de bonnes non moins nombreuses, arrive du village à la demande de leurs tantes ou oncles en vue de les inscrire à l’école.

A la place de l’école, l’enfant passera son temps entre les marmites, la lessive et le berceau où il faut torcher bébé. Enfin, il y a cette catégorie de bonnes (les appeler bonnes serait une erreur) qu’il faut nommer aides-familiales qui sont issues d’un centre du ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale. Ces aides-familiales sont régulièrement embauchées et sont connues de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS).

"Bonne c’est pas bonne..."

L’univers des bonnes mériterait une étude sérieuse et poussée afin d’y voir plus clair pour proposer des voies de solutions. Il n’est pas exagéré de dire que la problématique de l’éducation serait insuffisamment cernée si elle n’intègre pas cette armée d’enfants disséminées dans nos cités et ne connaissant d’éducation et d’instruction que le curage des casseroles et les bastonnades pour des peccadilles.

"La question de l’éducation de ma bonne ne m’a jamais effleuré l’esprit. Mais pendant que vous en parler, j’y pense. Je ferais quelque chose dans ce sens si elle me le demandait", nous dira C.M., un fonctionnaire qui ne se plaint pas de sa situation. Pour G.M., Elle, (la bonne) ne poursuit pas ses études, elle s’est imposée à moi car je n’étais pas là quand elle est venue à mon service. C’est en fait une nounou, elle est là pour mon fils et ce dernier ne s’en plaint pas. Je n’ai pas non plus des motifs d’inquiétude. Des études ? Si elle me le demande, je lui fournirais des possibilités d’étudier mais généralement elles s’en vont quand elles ont l’âge de se marier".

Si les parents se tirent les cheveux à chaque rentrée scolaire pour leurs enfants, les bonnes dont "ils ont la charge" ne les préoccupent guère. Des parents comme C.M. et G.M. s’en préoccuperont quand elles le leur demanderont. Cette demande se fera-t-elle jamais ? Mais l’intention est encore louable de leur part. D’autres parents ne passent pas par quatre chemins. "La bonne, nous dira Mme K., n’est souvent bonne à rien.

Les bonnes viennent pour l’argent, et quand elles le gagnent, elles veulent gagner votre mari en plus. Je connais des cas de copines divorcées par le fait de leurs bonnes. L’école...elles ne sont pas faites pour ça...". C’est tout dit. Ce genre de comportement est-il souvent du fait de la bonne ? Nous ne saurions le dire, même si des familles dissolues, bafouées... ont accusé les bonnes de leurs malheurs. Pour certains parents, comme ce monsieur qui ne mérite pas d’être cité ici, le lit douillet de sa chambre est plus reposant pour une bonne que les rudes banquettes d’une école du soir.

Certaines personnes, peut-être pour avoir la conscience tranquille, n’ont jamais eu de bonne à leur service. B.Z. dira avec humour : "Je n’ai pas besoin de bonnes parce que j’en ai déjà. Elle est venue de façon officielle accompagnée par l’iman. Même le maire est au courant. Elle travaille plus que les autres bonnes, car le service de ses dernières est limité et elle est payée équitablement en fonction de mon revenu...".

Des lueurs au bout du tunnel

Certaines bonnes se sont éloignées, délivrées du joug de la fatalité qui est le lot de la plupart d’entre elles. C’est le cas de Rasmata Kiemtoré, une charmante bonne de vingt- cinq (25) ans. Rasmata Kiemtoré était bonne. Récupérée par Alice Tiendrébéogo chez une de ses parentes qui partait pour l’extérieur, elle suivit un cursus scolaire normal qui la conduisit du lycée Nelson Mandela au Centre de formation du personnel de bureau de l’ENAM. 

Après l’obtention d’un BEP et d’un Bac technique (option G1) en 2003, elle travaille en qualité de fonctionnaire au Centre FAWE/Burkina où elle appuie le chargé de programme. "J’ai vécu une situation difficile, dira-t-elle, vu la précarité des moyens de ma famille mais je demande aux jeunes filles de ne pas se décourager et se laisser attirer par les mariages de la rue, qui vivent la situation de bonnes ou de jeunes filles déscolarisées".

Cette année le Centre FAWE/Burkina a installé huit jeunes filles regroupées dans un salon de coiffure et un de couture. Installées avec l’aide de l’OSEO (Œuvre suisse d’entraide ouvrière), ces filles sont aujourd’hui patronnes de leur affaire et de leur destin. Pour Alice Tiendrébéogo, la marraine de Rasmata Kiemtoré, "les filles n’ont pas abandonné l’école parce qu’elles étaient bêtes.. ;".

Dans son association dira-t-elle, l’idée a été émise que chaque membre fasse le même effort que celui accompli pour Rasmata Kiemtoré. "J’ai eu la chance avec celle -à dira-t-elle. D’autres ont eu des problèmes avec des bonnes enceintées sur la route des cours du soir...". Des problèmes subsisteront toujours mais si les millions d’associations féminines qui existent dans nos cités apportaient ce genre de secours à nos bonnes, l’on irait forcément vers des voies de solution. Chaque parent ayant à sa charge une bonne, doit aussi faire preuve d’élévation intellectuelle et spirituelle pour voir en sa bonne, une personnalité de demain.

Fernando GUETABAMBA
Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique