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Relaxe d’Issaka Korgo : Les leçons d’une affaire qui n’en était pas une

Publié le mercredi 11 octobre 2006 à 07h45min

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Lors de sa séance du 7 septembre dernier, le conseil des ministres a pris la décision d’ester en justice contre monsieur Issaka Korgo, président-directeur général de la société SOKOCOM pour faux et usage de faux en écriture publique. Il aurait établi de faux procès-verbaux de réception de fournitures définitive et de l’imitation de la signature du ministre des Finances et du Budget.

En outre, il écope d’une radiation définitive de la liste des soumissionnaires aux marchés publics. Si le tribunal correctionnel de Ouagadougou a vivement insisté le 28 septembre pour que le prévenu soit condamné de façon exemplaire, le juge a estimé que c’était dire le droit que de le relaxer pour infraction non constituée. Autrement dit, I. Korgo n’est pas auteur de faux et d’usage de faux comme le Conseil des ministres l’a accusé. Pire, c’est l’Etat qui est condamné aux dépens.

“Si les principes de fonctionnement de la démocratie sont toujours de mise au Burkina, ce dénouement judiciaire est avant tout un démenti de la thèse du gouvernement. Ce pour quoi Issaka était poursuivi ne serait donc qu’une invention. Alors que s’est-il donc passé ?

Certes, l’Etat est un justiciable qui peut perdre ses procès, mais pas après avoir proféré des accusations aussi graves. Y a-t-il eu légèreté ou alors, quelqu’un aurait-il décidé d’induire en erreur ce conseil des ministres présidé par Blaise Compaoré ?” C’est la question pertinente que s’est posée le journal bimensuel Le Citoyen dans sa livraison n° 033 du 8 au 22 octobre 2006.

En effet, comment les choses se sont-elles passées pour que les directions des Etudes et de la Planification, les directions des Affaires financières, les cabinets de ministre (secrétariats généraux et conseillers techniques) et les ministres concernés n’y aient vu que du feu ? Qu’est-ce qui a eu réellement cours au ministère des Finances et du Budget pour qu’on en a arrivé à jeter le discrédit sur le travail du conseil des ministres ? Le secrétariat général du Gouvernement et du Conseil des ministres gérant les pipelines des Conseils de ministres ne devait-il pas jeter un coup d’oeil dans le dossier juste au cas où ?

En attendant que lors du prochain point de presse, les gouvernants daignent bien expliquer aux gouvernés comment une telle bourde a pu se produire, c’est le lieu de regretter le fait que, selon certains des ministres, en conseil de ministres personne ne mêle des dossiers de personne ; surtout lorsque c’est à propos de dossier comme celui-là. Or, le principe veut que chaque ministre confie l’examen et l’étude des dossiers figurant à l’ordre du jour du conseil des ministres à ses conseillers. Ce hiatus entre le principe et la réalité a probablement été pour quelque chose dans ce qui est, pour l’instant en tout cas, une bourde apparemment invraisemblable.

Une autre chose qui n’est pas faite pour rendre l’image du conseil des ministres éclatante, c’est que c’est la première fois, à ce que nous sachions, qu’il s’est décidé à sévir contre les opérateurs économiques coupables de ‘’gangstérisme’’ dans ce secteur. Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître, mais dans le sens contraire.

Le malheur est toujours utile à quelque chose

Peut-être que l’Etat va interjeter appel dans les délais impartis et, par extraordinaire, gagner le procès, mais nous n’en sommes pas là pour l’instant ; si bien que dès maintenant, il importe de voir comment cette bourde peut, par un retournement dialectique de situation, être utilisée comme un atout pour l’exécutif.

Dans cette optique, il faut relever le principe selon lequel tout ministre doit, en entrant dans la salle du conseil, avoir une connaissance aussi parfaite que possible des dossiers qui lui ont été communiqués par le secrétariat général du Gouvernement et du Conseil des ministres.

Il a un secrétaire général, des conseillers techniques et des directeurs généraux et des directeurs pour cela.

Par ailleurs, tout en utilisant les figures de style qui seyent, tout ministre, s’il le juge utile, doit intervenir sur les dossiers des autres ministres, ne serait-ce que pour poser des questions. Si ces questions trouvent des réponses, il peut intervenir en toute connaissance de cause. Ou alors, s’il est satisfait des réponses, son intervention devient sans objet.

Une autre solution qui pourrait compléter les deux premières, c’est l’instruction des secrétaires généraux, conseillers techniques, directeurs généraux et directeurs de service afin qu’il mette davantage de sérieux dans le traitement des dossiers qui leur sont confiés pour étude. Si la chaîne de ces hauts fonctionnaires accomplit, fût-il de manière passable, son travail, il est sûr que des cas comme celui d’Issaka Korgo ne se répéteront pas.

A n’en pas douter, ils sont légion les hommes et femmes qui roulent l’Etat tous les jours et le gouvernement a raison en droit de sanctionner dans une perspective pédagogique. En cela, il faut soutenir l’action des pouvoirs publics. Toutefois, n’ayant pas pris suffisamment de précaution avant de déclencher la procédure, ils ont le suspect d’hier en martyr aujourd’hui. Aussi doivent-ils tout faire pour savoir qui a été le premier responsable administratif à accuser I. Korgo d’avoir imiter la signature du ministre chargé des Finances.

Une fois cette personne identifiée, il faut se poser la question de savoir s’il n’y avait pas de conflit d’intérêts entre cette personne-là et I. Korgo. Et cette question posée appelle automatiquement la mise en branle de mécanismes pour apporter des réponses, cette fois plus sérieuses, à l’interrogation.

Il y va de la crédibilité de notre Etat car cette méthode rappelle dangereusement celle de l’Etat d’exception révolutionnaire ; à la différence qu’ici, la justice constitue, malgré les difficultés qu’elle éprouve quant à dire le droit, est une voie de recours dont ne disposait pas et dont ne voulait pas se doter la Révolution démocratique et populaire.

I. Korgo peut se vanter d’avoir remporter cette victoire sur l’Etat. Cependant, il devrait avoir le triomphe modeste car ce n’est pas parce qu’il est victorieux aujourd’hui qu’il peut jeter la pierre sur la République. Autrement dit, il n’est pas forcement blanc comme neige dans tous les marchés de l’Etat qu’il a exécutés.

Toute œuvre humaine étant imparfaite, on peut toujours chercher et retrouver la petite bête quelque part. En outre, même si la mesure de sa radiation des marchés publics est levée, les représentants de l’Etat ont tous les moyens pour lui refuser des marchés. Nous n’insinuons pas que c’est une attitude juste, nous attirons seulement son attention sur le danger qu’il encourt.

La leçon de l’histoire est que cette affaire n’en est pas une à moins qu’un rebondissement extraordinaire conduise à un changement de la donne. I. Korgo est bien fondé de réclamer une réhabilitation, mais il a vraiment intérêt à se hâter lentement et afficher un profil bas. En effet, sait-on jamais.

Zoodnoma Kafando
L’Observateur

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