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Fait divers de Sacré : Dona Honorine !

Publié le mardi 5 septembre 2006 à 07h28min

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Lorsque Honorine arriva du village, elle n’avait que 15 ans. La première personne à se rendre compte de l’extraordinaire beauté de cette petite villageoise, fut sa tante chez qui elle vivait désormais.

Elle qui n’est pas, qui n’a jamais été et qui ne sera plus jamais belle, mit cependant un point d’honneur à révéler au grand jour la beauté de sa nièce en la débarrassant, vite fait, de ses frusques et en la dotant de vêtements et de ces petites choses qui rendent regardables les femmes les plus laides.

Et Honorine éclipsa toutes les autres de la concession. C’était à l’époque où la télévision diffusait régulièrement le feuilleton Dona Beija. Parce qu’au village elle n’avait pas de télévision, Honorine se passionna pour les émissions qui y passaient notamment pour Dona Beija, ne faisant en cela que suivre le courant, car à l’heure de ce feuilleton, tout le monde y compris la tante, cessait toutes activités et suivait avec une attention de mordu, la relation de la vie de cette Dona Beija.

Ce fut la tante qui la première surnomma Honorine Dona Beija parce que cette dernière applaudissait plus que tout le monde ou soupirait plus que tout le monde selon que l’héroïne était heureuse ou malheureuse.

Il lui arrivait de refuser carrément de manger la nuit car à la télé, Dona Beija avait pleuré. Ses persécuteurs devenaient immédiatement les ennemis de Honorine. Le surnom Dona Beija plut à Honorine qui s’en accommoda. Il fit le tour de la concession, du secteur et de l’endroit où la tante lui avait trouvé une petite activité de commerce. Fini Honorine, Beija fut adoptée par tout le monde. Est-ce par fierté personnelle ? Mais la tante participait activement à la métamorphose de la petite.

Elle lui cousait des tenues longues et moulantes comme celles de la Beija à la télévision, lui achetait des boucles d’oreilles, des chaussures et des toilettes griffées Dona Beija.

Et Honorine de parfaire le tour en adoptant le ton languissant, la démarche hautaine et les gestes gracieux de Dona Beija. A l’approche de ses dix- sept ans, Honorine prit une grossesse. Elle n’avait pas compris que les errements sexuels de Beija à la télé n’étaient que du cinéma. Après 19 ans elle prit une autre grossesse d’un autre garçon. Elle n’avait toujours pas compris.

Le père du premier enfant qui se proposait de la prendre comme épouse estima qu’il serait dangereux de vivre avec une femme qui se prend pour une actrice et qui croit traverser la vie sur un plateau de tournage. Il lui laissa l’enfant en cadeau et se dépêcha de disparaître de la circulation. Le père du second enfant fut plus leste. Avant d’être connu il disparut, estimant sans doute qu’il serait absurde de s’encombrer d’une femme qui a déjà l’enfant d’un autre.

Aujourd’hui, Honorine a enfin compris qu’elle ne sera jamais Dona Beija ; tout juste peut-être, Dona Honorine c’est-à-dire une autre demoiselle aux cernes de soucis et de regrets sous les yeux, au charme s’évanouissant déjà, à la poitrine avachie et au corps alourdi par ses deux maternités aussi rapprochées qu’indésirées.

Les séries télévisées c’est également cela : de l’eau de rose empoisonnée administrée à petites doses aux esprits rêveurs et immatures. Ce cinéma-là ne deviendra jamais ta vie, Dona Honorine.

Sacré Chédou Ouédraogo

Sidwaya

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