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Le bas-fond de Cissin : Le sable de la mort

Publié le lundi 4 septembre 2006 à 06h18min

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Le ramassage du sable est devenu une activité génératrice de revenus pour beaucoup de femmes, surtout en ce temps d’hivernage où le moment est propice à cette activité. Rues et bas-fonds sont pris d’assaut par celles-ci qui s’adonnent malgré elles à ce travail, souvent au prix de leur vie.

Lundi 28 août, Honorine Compaoré, mère de cinq enfants, a perdu la vie suite à un éboulement survenu au bas-fond du secteur n°16 (Cissin) de Ouagadougou.

Le vendredi 25 août 2006 Mme Honorine Compaoré, plats, pioche et morceau de pelle en main est allée très tôt comme à l’accoutumée à son lieu habituel de travail, le bas-fond du secteur n°16 (Cissin). La seule préoccupation pour elle, c’est de sortir de ces méandres le maximum de sable dont la vente assurera la pitance quotidienne.

Coups de pioche par-ci, mouvements de pelle par là, Mme Honorine animée par la recherche du gain ne mesurait pas le danger couru. Mais aux environs de 14 h 30mn, ce à quoi elle ne pouvait s’attendre arriva. Un bloc de terre au pied duquel Mme enleva le sable s’est effondré sur elle. Les cris des enfants qui s’amusaient aux abords du bas-fonds et ceux des filles de la victime alertent les populations riveraines.

Que faire, si ce n’est appeler les sapeurs-pompiers ? Ces derniers arrivent mais tardivement car ne pouvant pas accéder au lieu. Cependant la mobilisation des populations a permis d’extirper Mme Honorine de sa « prison ».

Elle s’en est sortie avec une plaie ouverte à la cuisse droite et quelques égratignures au niveau de l’avant-bras droit. Evacuée d’urgence au Centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo, Mme Honorine a rendu l’âme 96 heures après son admission, soit le lundi 28 août 2006.

« Ko-wôôssé » le bas-fond de la mort

Un drame qui a de nouveau endeuillé le quartier, puisque Mme Honorine n’est pas la première victime d’un tel éboulement de bloc de terre. En effet, la présence de deux tombes aux abords du bas-fond témoigne des cas de décès survenus audit lieu. Mme Anne Ouédraogo : « mon mari (un aveugle) le 10 décembre 2005 a été retrouvé mort dans le bas-fond alors qu’il était allé se soulager. Je crains comme bien d’autres riverains que l’exploitation du bas-fond ne s’étende jusqu’à nos concessions. En plus, ce lieu est devenu un refuge pour les délinquants ». Refuge et surtout de mort car un homme d’identité inconnue a également été englouti par ces blocs de terre et y a trouvé la mort courant 2005.

En 2003, une vieille dame exploitant le même bas-fond est décédée suite à un effondrement de bloc de terre.
Malgré cette succession de drames, les populations n’ont pu renoncer à leur activité. Si les femmes s’adonnent au ramassage du sable, les hommes eux font la fabrique de briques.

Toute chose qui contribue à étendre et à approfondir le bas-fond. Et pour admettre leur activité comme une fatalité, ces employés d’une « certaine entreprise » ont surnommé le bas-fond « Ko-wôôssé » en langue nationale mooré qui signifie « les eaux souillées » en français.
Certains vont jusqu’à croire à la présence d’esprits maléfiques. Ainsi chaque exploitant se confie au sort et au destin, ignorant et feignant d’admettre qu’il a une part de responsabilité dans la dégradation de ce lieu. Mme Chantal Dougou, (coéquipière de la défunte Honorine) est consciente du danger qu’elle court.

Cependant, elle soutient ne pas avoir une alternative. « Je suis mère de deux enfants, mon mari est au chômage, l’exploitation du bas-fond est le seul salut de notre famille. J’y suis depuis 2002 et avec l’argent que je gagne dans la vente du sable, nous arrivons à subvenir à nos petits besoins. 1 500 F CFA (le prix d’une charrettée de sable) est le minimum que je puisse avoir. C’est peu, vu les conditions dans lesquelles nous travaillons, mais cela représente quelque chose de substantielle pour notre famille ». A la question de savoir si elle est prête à reprendre cette activité malgré le drame du vendredi, Chantal de répondre « depuis le décès de Mme Honorine et au regard des autres drames qui se sont produits avant, j’ai peur de réintégrer ce « trou ». Mais que faire, je n’ai pas une autre activité qui me rapporterait autant d’argent par jour. L’activité commerciale en général ne marche pas ».

Qui est coupable ?

L’exploitation des bas-fonds est de nos jours un créneau de lutte pour la survie et contre la pauvreté. Occupés de façon anarchique par une certaine catégorie de personnes (le plus souvent sans sources de revenus) ces bas-fonds deviennent de véritables nids d’insécurité, tant pour les populations riveraines que pour les exploitants.

Une situation qui préoccupe la municipalité de l’arrondissement de Boulmiougou qui, à plusieurs reprises a tenté vainement à travers des actions dissuasives de disperser les envahisseurs du bas-fond de Cissin (secteur n°16). Des actions qui n’ont jusqu’à présent pas fait tache d’huile. Mais les autorités municipales n’entendent pas s’arrêter en si bon chemin.

Ainsi en leur session extraordinaire des mardi 29 et mercredi 30 août 2006, elles ont ausculté la question des semis et le ramassage du sable dans l’arrondissement de Boulmiougou. Si les champs de mil, maïs et autres semis du secteur n°17 ont été détruits le jeudi 31 août 2006, la question du bas-fond reste sur le tapis. En effet, les autorités municipales de l’arrondissement de Boulmiougou soutiennent faire des « descentes musclées » dans ledit lieu pour dissuader les exploitants, mais leurs efforts sont restés vains.
De l’avis du chef de service de la voirie M. Omar Ilboudo , la mairie de Boulmiougou a besoin de soutien financier pour l’aménagement du bas-fond. En attendant ce bas-fond continue de faire des victimes.

Aline Verlaine KABORE (av_k69@yahoo.fr)
Monique ILBOUDO (Stagiaire)


Destruction des champs du bas-fond

En attendant de trouver les solutions idoines dans le problème de l’exploitation des bas-fonds, les autorités municipales de l’arrondissement de Boulmiougou ont détruit les champs de mil et de maïs dans le secteur n°17.

Le jeudi 31 août 2006, le service de voirie de la mairie de Boulmiougou a procédé à une coupe des épis de maïs et autres plants cultivés illégalement et anarchiquement sur certains terrains du secteur n°17 (Pissy) de Ouagadougou.

Il est 7h 30 lorsque l’équipe de la voirie de la mairie de Boulmiougou fait irruption dans le quartier de Pissy pour réduire à néant les semis de maïs, de mil et autres plants tels que le gombo qui n’attendaient que deux à trois semaines pour être cueilli. Cet acte de la mairie a vivement été critiqué par la majorité de la population.
Pour elle, la mairie aurait dû empêcher la mise en terre de ces plants plutôt que de les détruire à une période proche de leur récolte.

La mairie se défend en affirmant que certaines parcelles tant revendiquées par les populations sont envahies par des touffes formées d’épis de maïs et de mil. Ces touffes sont des refuges pour les violeurs, les délinquants. Les moustiques s’y développent également de façon exagérée en cette saison pluvieuse. Ce constat de la mairie est également partagé par certains habitants. Ce sont ces derniers qui ont alerté la mairie afin qu’elle sévisse.

C’est avec tristesse que Mme Cécile Ouédraogo a assisté impuissante à la destruction de son maïs, « ce sont mes enfants qui ont semé le maïs ». Ils le font d’ailleurs chaque année. « Je ne comprends donc pas cette décision du service de la voirie », confie-t-elle. Non loin du champ de Mme Cécile, un autre espace servant de champ est laissé à la merci des machettes des contractuels de la mairie. En effet, ceux-ci en quête d’emploi trouvent que cette occasion est la bienvenue et c’est d’ailleurs sans pitié qu’ils se sont mis à l’œuvre. Une vieille femme présente sur les lieux arrache son gombo les yeux englués de larmes. Mécontente, elle ne répondra à aucune question.

Moussa Diabaté à l’instar d’autres personnes venues assister à la destruction des champs pleurent le sort de ces vieilles femmes. « Elles comptaient sur leur champ pour avoir quelque chose à manger et se faire de petites économies », affirme-t-il. Si les populations condamnent cette action de la mairie, les autorités municipales, elles se défendent : « Nous avons plusieurs fois prévenu la population du danger que représentaient les semis, mais elle ne le comprend pas. Suite à de nombreuses plaintes formulées par certains habitants, nous sommes obligés de passer à l’arrachage de ces plants afin que cela serve d’exemple aux autres secteurs », a soutenu M. Omar Ilboudo, chef de service de la voirie. Il promet d’étendre cette opération aux autres secteurs qui persisteront dans les années à venir.

AVK
IM (Stagiaire)

Sidwaya

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