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XVIe Congrès international sur le SIDA : Les délégués burkinabè expriment leur façon de passer aux actes

Publié le samedi 2 septembre 2006 à 08h36min

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Au terme de la conférence sur le Sida qui s’est tenue du 12 au 18 août à Toronto au Canada, les partenaires burkinabè du programme Uniterra font le point sur leur apprentissage et sur les façons d’amener les personnes vivant avec le VIH à prendre les rênes pour devenir les principaux moteurs de la lutte contre la pandémie du VIH/SIDA.

Pour Ouédraogo T. Maurice, coordonnateur des projets VIH/SIDA à l’association SEMUS (Solidarité et entraide mutuelle au Sahel), la participation au XVIe Congrès sur le SIDA a été une opportunité unique de voir l’évolution de la lutte mondiale contre le VIH/SIDA. « C’est une occasion de se ressourcer, de se mettre au parfum des nouvelles découvertes et des expériences élaborées partout dans le monde et ainsi de ne pas accuser de retard dans nos actions au Burkina Faso ».

Plus qu’un travail, il livre une lutte contre le VIH/SIDA à Yako et dans la région du Nord. Dans le cadre de leur partenariat avec le programme canadien Uniterra, les associations ADIP/S, RALIS Bobo, REVS+ et SEMUS ont participé à cette rencontre planétaire. Le XVIe Congrès international sur le SIDA a pris fin vendredi dernier lors d’une cérémonie de clôture captivante qui s’est conclue par un appel aux leaders à passer aux actes au chapitre de l’accès universel aux stratégies de prévention ainsi qu’aux soins et traitements éprouvés.

Un nombre record de 24 000 personnes provenant de plus de 170 pays ont participé à ce congrès, parmi lesquelles on compte des éminents chercheurs reconnus mondialement, des acteurs de terrain, des personnes vivant avec le VIH et de nombreuses personnalités publiques dont l’ancien président des Etats-Unis Bill Clinton, le milliardaire Bill Gates et la présidente du Chili Michelle Bachelet. La présence du Burkina Faso fut exceptionnelle, avec une participation estimée à près de soixante délégués.

Une occasion de réseautage

En plus de se mettre à jour sur les découvertes les plus récentes, les délégués burkinabè du programme Uniterra (une initiative du CECI et de l’EUMC) avaient pour objectif de tisser des liens avec les partenaires Uniterra du Malawi et du Botswana au cours d’une semaine de pré-conférence. Jacob Baguemzenre, biologiste et chercheur à l’association ADIP/S, voit la participation à un tel événement comme une occasion en or pour le réseautage. « Je voulais faire connaître l’ADIP/S et tisser des relations pour développer d’éventuels partenariats ». Au cours des six jours qu’ont duré le congrès, il a rencontré plusieurs chercheurs et acteurs de terrain européens avec qui il compte garder un contact et échanger des expériences.

En terme de découvertes et autres expériences révélées au cours de la semaine, plus de 4 500 résumés scientifiques (abstracts) ont été présentés parmi lesquels on retient des avancées en matière de nouvelles technologies de la prévention, la prise en charge des enfants infectés et affectés et des orphelins (OEV), le traitement dans les pays aux ressources limitées et l’implication active des personnes vivant avec le VIH dans la lutte contre cette épidémie.

Malgré l’avancée des découvertes portant sur le traitement des personnes infectées, les présentateurs et autres chercheurs ont insisté sur l’importance de la prévention, qui demeure la seule façon de se prémunir contre ce virus toujours incurable.

Selon Maurice Ouédraogo, « le traitement doit être un plus et compléter la stratégie de prévention, il ne doit pas la remplacer ». Il insiste sur le danger de laxisme en matière de prévention. « Au Burkina Faso, nous avons réussi à diminuer notre taux de séroprévalence, mais il ne faut surtout pas croire que le problème est résolu et baisser la garde ».

En terme de développement des stratégies de prévention, la chercheuse Dr Gita Ramjee (Afrique du Sud) a évoqué mardi dernier l’avantage potentiel des interventions biomédicales et a dévoilé les recherches en cours à ce sujet à une foule captive de plusieurs milliers de personnes rassemblées pour la séance plénière quotidienne.

Elle a notamment évoqué les recherches sur les microbicides vaginaux et rectaux, des substances chimiques susceptibles de réduire considérablement la transmission des IST et du VIH chez les personnes qui ne peuvent ou ne veulent pas utiliser un préservatif. Ce mode de prévention pourrait sauver des millions de vies, car il s’adresse particulièrement aux femmes dont les partenaires refusent de porter le préservatif.

Monsieur Ouédraogo souligne l’intérêt de ce mode de prévention au Burkina Faso. « Les microbicides représentent une alternative pour les femmes qui sont les plus touchées dans notre pays par le VIH/SIDA. Cette technologie leur permettra de prendre le contrôle sur la prévention ». D’ici la fin de cette décennie, un microbicide efficace pourrait être mis sur le marché.

Impliquer directement les PVVIH et les jeunes

Le congrès a permis aux délégués burkinabè de valider la pertinence du virage qu’ont récemment pris plusieurs organisations dans leur stratégie de prévention. « Il faut changer de stratégie en diminuant la sensibilisation de masse et en privilégiant une approche basée sur l’éducation de comportement.

Ensuite, il faut impliquer directement et activement les personnes vivant avec le VIH », dit Maurice Ouédraogo. Thème qui a résonné tout au long de la conférence, il insiste sur l’implication des bénéficiaires et plus particulièrement des jeunes dans la construction des programmes et des initiatives de lutte contre le VIH/SIDA. « Les jeunes doivent participer à la conception des messages pour atteindre les autres jeunes. Ils ne doivent plus être seulement des bénéficiaires passifs, mais devenir des acteurs, des catalyseurs de changement ».

Le congrès 2006 sur le SIDA a inclu plus de 1 000 jeunes délégués, soit plus du double de leur nombre à SIDA 2004 de Bangkok. « J’ai compris que de part le monde, les jeunes se battent pour avoir leur place. Il y a des choses qui sont en train de se faire, c’est pourquoi il faut donner la place qui revient aux jeunes. Dans nos structures, on travaille actuellement à mettre en place un programme de pair éducation », ajoute-t-il.

Pas encore de vaccin en vue

Sur le plan scientifique, même s’il n’y a pas eu de découverte décisive comme l’annonce d’un vaccin ou d’un traitement définitif, deux découvertes ont retenu l’attention de Jacob Baguemzenre. La première découverte concerne l’élaboration d’un nouveau médicament plus performant pour traiter les PVVIH. « On va bientôt pouvoir bloquer le VIH à quatre niveaux. Les ARV actuels bloquent deux entrées et on a découvert des produits capables de bloquer le virus à deux autres entrées.

Ce produit permettrait aussi de combattre des cas de résistance au traitement. En Afrique, on devrait avoir ce produit en 2007 ». Jacob a aussi été fasciné par la découverte d’un traitement ARV qui comporte deux antirétroviraux (bi-thérapie), au lieu de trois (tri-thérapie), tout aussi efficace, mais moins lourd en effets daires que la tri-thérapie. Selon Maurice Ouédraogo, la prise en charge des orphelins et autres enfants vulnérables (OEV) reste tristement le parent pauvre des programmes sociaux et des traitements médicaux. Loin d’être unique au Burkina Faso, ce problème est mondialement répandu. « Je me suis rendu compte que le problème de la prise en charge des enfants n’est seulement propre au Burkina Faso », dit-il. Même son de cloche chez Jacob Baguezenre, qui dénonce l’inefficacité des actions entreprises. « Les enfants ont besoin de plus que de quelques cahiers. Au Burkina Faso, il faut une structure pour aider les OEV. Il faut des projets consistants et durables pour les enfants ».

La participation à ce congrès leur a permis de réfléchir sur une stratégie de prise en charge des enfants mieux articulée, notamment par une meilleure formation des intervenants locaux. Avant de rentrer au Burkina Faso, les partenaires du programme Uniterra passeront une semaine au cours de laquelle ils parcourront trois grandes villes canadiennes (Toronto, Ottawa et Montréal) pour faire un plaidoyer en faveur des orphelins et autres enfants vulnérables (OEV) auprès des décideurs et du public canadien. Armés de la force de leur dévouement à cette cause, la graine qu’ils sèmeront fera certainement écho pour renforcer l’appel à passer aux actes.

Marie-Elaine Beaudoin,
Volontaire pour le programme Uniterra
(Collaborateur)

Sidwaya

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