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Les faits divers de Sacré : Le coup de I’âne

Publié le mardi 29 août 2006 à 07h16min

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La coupe abusive, sauvage, du bois est interdite au Burkina ; tout le monde sait cela. Mais tout comme pour les animaux sauvages, il y a des braconniers pour le bois. Lalbila en est un. Lalbila a un âne, une charrette, du muscle et juste ce qu’il faut de ruse pour semer les agents des Eaux et forêts.

Fort de tous ces atouts, Lalbila fait partie de ces gens qui nuitamment sèment la désolation, coupant, abattant les arbres toutes les essences confondues, aux fins de les vendre en fagots aux ménages de la ville. C’est cela le travail de Lalbila et lorsque l’on lui en fait la remarque, il répliquait que ceux qui interdisent la coupe du bois sont des menteurs et des faux types : « Est-ce que c’est eux ou leurs pères qui ont planté les arbres pour interdire de les couper ? En tout cas, ma familIe ne souffrira pas de faim tant qu’il y aura des arbres à abattre ».

Et Lalbila de couper à tour de bras, de charger sa vieille charrette tirée à bout de souffle par un âne maigrelet ployant sous le poids et sous les coups rageurs que son propriétaire lui assénait pour l’obliger à aller plus vite que ne le peuvent des pattes affaiblies par le manque de foin.

Lalbila déboise et maltraite Ali Boron. C’est certainement à cause de cela que la chance l’a abandonné et qu’il a été pris alors qu’il rentrait en ville avec son chargement frauduleux. Les agents forestiers qui l’ont arrêté le conduisirent à leur base. Là-bas, on déchargea le bois, on libéra l’âne et l’un montra à Lalbila un coin où il devait rester assis. Et Lalbila resta là durant cinq jours.

Pendant que son propriétaire broyait ses angoisses à propos de l’amende que les forestiers ne manqueraient pas de lui coller, l’âne lui jouissait profondément de cette nouvelle situation. Dans la cour des forestiers, l’herbe était en abondance et il s’en gavait. Cinq jours sans charges à tirer, cinq jours sans coups de bâtons aigris, pour Ali Boron c’est de l’inespéré.

Mais comme toute chose, bonne pour l’âne, ou mauvaise pour Lalbila, comme toute chose bonne ou mauvaise a une fin, Lalbila fut relâché, sans son bois, bien entendu. Pendant que l’âne le traînait à son domicile, Lalbila réfléchissait : cinq jours durant il n’avait pas travaillé, il était donc sans le moindre sous. Ce qui voulait aussi dire que la famine avait certainement frappé à la porte chez lui. Il lui était donc impossible de rentrer comme cela. C’est à cause du bois qu’il est tombé dans cette situation et c’est par le bois qu’il en ressortirait.

Ayant ainsi décidé, d’un coup de bâton chargé de toute son amertume, Lalbila fit changer le sens de la marche de l’âne : direction, un coin de brousse où il pourrait couper les branches de trois ou quatre arbres, question de ne pas rentrer bredouille.

Son chargement fait, il s’assit sur un rebord de la charrette et donna le signal du départ à l’animal. Mais à quelques centaines de mètres, la fatigue de ces cinq jours de privation s’abattit sur Lalbila qui s’endormit coincé au fagot de bois, laissant à l’âne la direction des opérations.

L’âne, lui n’avait pas oublié la cour où l’herbe est abondante, où l’on ne tire pas de lourdes charges et où l’on ne reçoit pas de coups. Aussi, l’agent des Eaux et forêts en fonction fut très ahuri de voir Ali Boron et son chargement de bois contre lequel ronflait son propriétaire, franchir le pas de la porte et se diriger droit là où il broutait le matin même.

Il alerta les autres qui reconnurent Lalbila. Le bref moment de surprise passé, tous se mirent à rire du coup joué par Ali Boron à son propriétaire ; propriétaire que les rires et les sarcasmes tirèrent de son profond sommeil.

Les témoins affirment que dès qu’il se réveilla, Lalbila bondit sur ses jambes et se mit à boxer son âne, conscient qu’il était cette fois bel et bien dans la gueule du loup. On l’arrêta, on déchargea le bois et on lui montra un coin, le même où il devait rester assis.

Cette fois- ci, la famine était carrément chez lui, mais à qui la faute ? En tout cas pas à l’âne qui dans cette histoire est allé dans le sens de ses intérêts. Pas si âne que cela , l’Ali Boron !

Sacré Chedou OUEDRAOGO

Sidwaya

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