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Adoption internationale : Un jeune Français sur les traces de sa mère biologique

Publié le mardi 8 août 2006 à 08h42min

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Djibi Baptiste Michaud et sa mère adoptive

Savoir où l’on va en sachant d’où l’on vient. C’est sans doute cette sagesse universelle qui a ramené Baptiste Michaud au Burkina Faso cet été 2006. Adopté en 1992 à l’âge de quatre ans et demi et amené en France, M. Baptiste Michaud est un adolescent de 18 ans qui refait le chemin inverse. Objectif, chercher, comprendre.

Il s’appelle Baptiste Michaud, pour l’état civil. Mais il a choisi de se faire appeler Djibi. « Il y a deux ans de cela qu’il a pris cette option. C’est le prénom qu’il portait à son adoption », indique sa mère. Il a 18 ans et réside à Rennes, en Bretagne (Nord-Ouest de la France).

Djibi Michaud prépare actuellement un BEP vente-action-marchande et travail en alternance dans une boutique. Cet été, en compagnie de sa mère adoptive, le jeune homme est venu à Ouagadougou. Objectif : « j’avais envie de savoir, de voir ma mère biologique, de savoir si j’avais des frères et soeurs, si j’avais une famille, des cousins, si vraiment j’avais été abandonné, pourquoi j’ai été abandonné, etc. Je voulais connaître un peu mon histoire. » « C’est un voyage important pour moi », explique le jeune français, qui refuse toutefois d’y voir une façon de combler un manque. « Ce n’est pas du tout que je ressentais un manque, mais j’avais envie de savoir. »

« Depuis tout-petit, je crois que c’est un ou deux ans après mon arrivée en France, quand j’ai commencé à maîtriser la langue française, j’ai demandé à ma mère à retourner au Burkina. Elle me l’avait promis quand je serai grand. Le plus simple c’était que je vienne à ma majorité, de sorte à pouvoir accéder à mon dossier d’enquête ». Promesse tenue, le jeune Michaud est bien passé à la direction régionale de l’Action sociale et de la Solidarité nationale, structure qui l’avait recueilli tout petit.

Il a retrouvé la Cour de solidarité du secteur n°15, réformée depuis 2001 et baptisée « Centre renaissance » pour accueillir des enfants en situation difficile (maltraitance, abandon, fugue, etc.). Djibi en garde encore un léger souvenir, lui qui y a séjourné pendant environ deux ans, avant son adoption. Autre souvenir notable pour Djibi, Yaaba. « J’ai été heureux de retrouver ma nourrice », s’est-il exclamé. (NDLR : Il s’agit d’une femme du troisième âge qui, depuis près de deux décennies a trouvé refuge à la Cour de solidarité et que tous (pensionnaires du centre comme personnel de la structure) appellent Yaaba.

Le seul élément qui aurait comblé Djibi a manqué au décor. « On n’a pas eu beaucoup de renseignements me concernant. A part les papiers que ma mère avait obtenus au moment de l’adoption et que j’ai déjà vus à la maison. On m’a expliqué tout à l’heure à la Renaissance qu’il ne fallait pas trop espérer. » Pourtant à la direction de la protection de l’enfant et de l’adolescent, on a coutume de constituer un dossier pour chaque enfant.

« Pas déçu » pour autant

Qu’à cela ne tienne ! C’est un adolescent tout à fait fair-play que nous avons rencontré au ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale. Avec la maturité et la philosophie dont il fait étonnamment preuve, la pilule semble être passée. Pour Baptiste le moral est sauf : « Je ne crois pas que je vais être déçu, mais c’est vrai que ça m’aurait fait plaisir d’avoir plus d’informations ».

Cela tient sans doute aux premiers facteurs qui ont réalisé et facilité son intégration : « La différence de couleur entre ma mère et moi ne m’a jamais posé de problème. J’ai tout de suite accepté que ma mère soit blanche. Pour moi c’était ma mère et voilà ! En France, ça se passe bien. Je n’ai eu et je n’ai aucun problème d’intégration. Je n’ai pas été victime de discrimination, ni de la part de mes camarades à l’école, ni d’adultes en dehors du domaine scolaire. A l’école, il y avait d’autres enfants noirs. Il faut dire que j’ai eu la chance de tomber dans une école où il y avait 32 nationalités. »

C’est même déjà une bonne graine d’agent humanitaire. La preuve, pour une première venue en Afrique et au Burkina Faso, Djibi a eu le réflexe d’apporter dans ses bagages quelques dons au profit du village SOS Enfants : fournitures scolaires, effets d’habillement, etc. Et il ne compte pas s’arrêter à ce premier geste. « Le fait d’avoir rencontré des gens qui font de l’humanitaire ici m’a donné un peu plus envie de revenir pendant les vacances et de faire de l’humanitaire. J’aimerai revenir avec des amis », a-t-il confié. Et doublé d’un candidat à l’adoption. « Moi-même je serai tenté d’adopter plus tard un enfant avec ma femme, si elle est d’accord. Je pense que l’adoption est une bonne chose. Tant que ça aide l’enfant, que ça peut lui donner une chance supplémentaire de réussir dans la vie, d’avoir un entourage familial affectif et positif je trouve que c’est une bonne chose. »

La morale de l’affaire, c’est madame Hortense Nikièma, chargée de l’adoption au service sauvegarde de l’enfance en danger (direction de la protection de l’enfant et de l’adolescent), qui la tire : « C’est la première démarche du genre et ça nous interpelle. Au niveau du ministère on n’a aucune politique, on n’a pas de texte qui réglemente ce genre de cas. Il faut qu’au niveau du ministère on mette un dispositif en place pour guider et canaliser ce genre de recherche. »Pour elle, cette affaire met le doigt sur un vide qu’il faut combler au niveau du département de l’Action sociale.

« C’est la première fois qu’un adulte comme lui revient dans l’intention de retrouver les traces de parents biologiques. Les cas que nous connaissons jusque-là, c’est ceux d’enfants en bas âge qui reviennent pour connaître leur pays. Généralement, c’est les parents adoptants eux-mêmes qui suscitent ce retour, un peu parce qu’ils se sont attachés au pays au cours de leur premier séjour. On a même des familles qui envisagent l’acquisition d’une maison ici pour pouvoir y séjourner régulièrement. Donc ces retours sont motivés par les parents, mais pas dans l’optique de retrouver des traces. »

Voilà donc un précédent qui, pour madame Nikièma, recommande qu’on réfléchisse à des dispositions pour encadrer cette problématique et à bien d’autres. Elle explique : si pour Baptiste on se trouve dans le cas d’un enfant abandonné et dont on n’a pas retrouvé à l’origine la trace des parents, il y a bien d’autres enfants adoptés dont les parents biologiques sont connus.

Hortense Nikièma sait par expérience qu’il faut agir pour faire face, un jour à une quelconque requête. Par exemple : « Si un enfant issu d’une mère handicapée mentale, d’un inceste, d’une liaison extra conjugale ou de bien d’autres situations où les parents optent pour l’abandon, revient pour retrouver des traces, nous n’avons aucune disposition pour réglementer cela, pour protéger, s’il le faut, l’une ou l’autre des parties. »

Pour ainsi dire si par bonheur pour Baptiste, on avait retrouvé un dossier aucune disposition n’aurait pu le préserver de tout désagrément contenu dans les documents.

Reste tout de même cet élément de satisfaction que note madame Nikéma : le soin mis depuis un certain temps à tenir des dossiers d’informations pour les enfants adoptés. « Nous avons repris les archives et nous avons consigné toutes les informations dont nous disposons dans des chemises à rabat pour que ça puisse bien se conserver. Nous conservons, en principe, l’histoire de chaque enfant adopté. Nous les enrichissons au fur et à mesure que les parents envoient des nouvelles. »

Hortense ZIDA
DCPM/MASSN

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