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BRAKINA-Bobo : Des travailleurs licenciés demandent toujours justice

Publié le jeudi 27 juillet 2006 à 08h16min

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Plus de dix ans après leur licenciement, les délégués syndicaux et du personnel de la Brakina de Bobo attendent toujours que justice leur soit rendue. Dans l’adresse ci-dessous, ils demandent au ministre du Travail et de la Sécurité sociale de régler au plus vite la situation.

Monsieur le ministre,

Dans le cadre du dossier de restructuration de BRAKINA- Bobo, la BRAKINA

saisissait par lettre N° PR/SP /BRK/DIV412/94 du 10/10/1994 la direction régionale de l’Emploi, du Travail et de la Sécurité sociale afin d’obtenir de celle-ci l’autorisation de licencier les délégués syndicaux et du personnel que nous sommes.

Par lettre N°451/METSS/SG/DRETSS/H du 2 novembre 1994, le directeur régional de l’Emploi, du Travail et de la Sécurité sociale invitait la BRAKINA à réintégrer les délégués syndicaux et du personnel à leurs postes auxquels ils n’avaient plus accès depuis le conflit en attendant sa réponse quant à sa décision finale relativement à la demande d’autorisation de les licencier.

La BRAKINA a refusé de s’exécuter quand bien même c’est elle qui a initié la procédure de licenciement des délégués, reconnaissant de fait à ces derniers cette qualité de protection légale prévue par l’article 175 du Code du travail ancien.

Six (6) mois après, face au refus de la BRAKINA de nous réintégrer d’une part, et au silence du directeur régional de l’Emploi, du Travail et de la Sécurité sociale sur l’autorisation ou non de nous licencier d’autre part, nous formions un recours hiérarchique auprès de monsieur le ministre de l’Emploi, du Travail et de la Sécurité sociale. Cela, parce que le silence du directeur régional de l’Emploi, du Travail et de la Sécurité sociale vaut, au sens de l’article 175 du Code du travail ancien, autorisation de licenciement.

Le ministre de l’Emploi, du Travail et de la Sécurité sociale, par lettre N°95-183 ETSS/SG/DT du 2 juin 1995, déclarait notre recours irrecevable au motif que la sentence du Conseil d’arbitrage a réglé définitivement le conflit collectif en question. Ainsi, nous nous pourvoyons en annulation de cette décision devant la Chambre administrative de l’ex-Cour suprême parce que la sentence du Conseil d’arbitrage disposait clairement que le contentieux d’autorisation de licenciement des délégués du personnel est de la compétence de l’organe judiciaire administratif.

La Chambre administrative de l’ex-Cour suprême, par l’arrêt N°045/97-98 du 26 juin 1998, déclarait notre recours recevable et annulait la décision du ministre de l’Emploi, du Travail et de la Sécurité sociale pour excès de pouvoir. Et conformément à l’article 175 du Code du travail ancien (3e alinéa), nous devrions être réintégrés « avec paiement des salaires afférents à la période de suspension ».

Nous avons communiqué l’arrêt sus-cité à la BRAKINA afin qu’elle procède à notre réintégration. Las d’attendre, nous avons été contraints de faire servir le 12 janvier 1999 une signification de commandement pour l’exécution dudit arrêt. A ce commandement, la BRAKINA soutient qu’elle ne se sent aucunement concernée par ledit arrêt et s’oppose à son exécution. Dans ce cas, pour la BRAKINA, l’arrêt N°045/97-98 du 26 juin 1998 rendu par la Chambre administrative de l’ex-Cour suprême n’est d’aucune valeur juridique. Alors, pourquoi la BRAKINA a -t- elle introduit la demande d’autorisation de licencier les délégués syndicaux et du personnel que nous sommes ? En entamant cette procédure, la BRAKINA ne s’attendait pas à un tel arrêt de la Chambre administrative de l’ex-Cour suprême, le N°045/97-98 du 26 juin 1998. Aujourd’hui, pourquoi dans le procès qui oppose d’autres délégués de personnel (dossier de mars 2004) à l’Etat burkinabè, la BRAKINA intervient-elle à la barre ? Tout simplement parce qu’elle est concernée par les conséquences de droit de la procédure qu’elle a entamée, à savoir :

- soit l’arrêt annule la décision du ministre chargé du travail, et les conséquences de droit sont tirées par les parties : licencier ou réintégrer le délégué syndical ou du personnel ;

- soit l’arrêt confirme la décision du ministre chargé du travail (le recours est rejeté comme mal fondé), et les conséquences de droit sont tirées par les parties : licencier ou réintégrer le délégué syndical ou du personnel.

Monsieur le ministre,

Il est constant de relever que :

- la BRAKINA a empiété de fait la procédure de l’ordre juridictionnel administratif édicté en refusant de nous réintégrer sans délai en attendant la décision finale de l’inspecteur du travail ; cette inobservation des prescriptions de l’article 175 du Code du travail ancien équivaut à la nullité des licenciements opérés conformément à l’article 68 de la Convention collective interprofessionnelle du 9 juillet 1974.

- la sentence n°001 du 6 février 1995 du Conseil d’arbitrage qui est passée en force de chose jugée dispose clairement que « le contentieux d’autorisation de licenciement des délégués du personnel est de la compétence de l’organe judiciaire administratif » ; l’organe judiciaire administratif compétent était à l’époque des faits la Chambre administrative de la Cour suprême ;

- les délégués syndicaux et du personnel, que nous sommes, avons respecté toute la procédure édictée ;

- les difficultés d’exécution de l’arrêt N°045/97-98 du 26 juin 1998 sont établies et persistent du fait de la BRAKINA réconfortée par l’Etat burkinabè.

Monsieur le ministre,

Pour mémoire, nous retenons que la SAP, un autre employeur, dans le conflit qui l’opposait au ministère de l’Emploi, du Travail et de la Sécurité sociale, dans le cadre du licenciement d’un délégué du personnel, a exercé une requête en annulation contre la décision de monsieur le ministre chargé du travail pour excès de pouvoir. Par l’arrêt n°0034/1999-2000 du 9 mai 2000, la Chambre administrative de l’ex-Cour suprême recevait la requête de la SAP et annulait la décision du ministre de l’Emploi, du Travail et de la Sécurité sociale. Ainsi, avec ledit arrêt, la SAP adressait à l’ex-délégué du personnel la lettre n°175/00/DGA/DRH/cs du 25 juillet 2000, dans laquelle elle tirait les conséquences de droit en ces termes : « La Chambre administrative de la Cour suprême de Ouagadougou, en son audience du 9 mai 2000, a annulé la décision du ministre sus - citée par arrêt n°034/1999-2000 du 9 mai 2000 revêtu de la formule exécutoire le 19 juin 2000, et transmis à notre société le 21 juillet 2000. En conséquence, nous portons à votre connaissance que vous êtes licencié pour compter du 21 février 1994. Vous voudrez bien prendre attache avec la direction des ressources humaines pour entrer en possession de votre certificat de travail et vos droits de licenciement. »

Monsieur le ministre,

L’arrêt N°045/97-98 du 26 juin 1998, qui nous concerne, est également revêtu de la formule exécutoire du 18 décembre 1998 dans les mêmes termes et par le même greffier en chef de la Chambre administrative de la Cour suprême. On se souvient également, monsieur le ministre, que le même employeur, la société SAP, pour avoir perdu le procès devant la Chambre administrative de la Cour suprême de Ouagadougou dans un conflit l’opposant à l’Etat burkinabè, représenté par le ministère de l’Emploi, du Travail et de la Sécurité sociale, dans une procédure de licenciement des délégués syndicaux et du personnel, avait également tiré les conséquences de droit en procédant à la réintégration de chacun des cinq(5) délégués selon les lettres datant du 4 mars 1996 en ces termes : "... en application de l’arrêt n°015/95 du 13/12/1995 de la Cour suprême, nous vous informons par la présente que vous êtes réintégré au sein de l’entreprise pour compter du 1er avril 1991. Les dédommagements prévus à cet effet vous seront versés. Vous êtes invité à reprendre le travail le lundi 11 mars 1996 a 7h à la SAP.

Monsieur le ministre,

Devant les difficultés d’exécution de l’arrêt N°045/97-98 du 26 juin 1998 du fait de la BRAKINA, nous avons saisi notre centrale syndicale, et le dossier s’est retrouvé dans ce qu’il est dorénavant convenu d’appeler « les dossiers pendants devant la justice ».

Ainsi, à l’occasion des négociations du 20 mai 2005, le gouvernement a marqué son accord pour la mise en place d’un comité paritaire chargé de la mise à plat de tous les dossiers de conflits sociaux pendants devant la justice, et ce dans un délai de deux (2) semaines. Les travaux de cette structure se sont tenus du 31 mai au 10 Juin 2005, et les conclusions de ces travaux entérinées par le gouvernement vous ont été transmises avec des recommandations relatives à chaque dossier. Et s’agissant particulièrement de notre dossier, le comité paritaire avait fait les observations suivantes :

- « le non-respect par la BRAKINA de la procédure de licenciement des délégués syndicaux et du personnel conformément à la lettre du directeur régional de l’Emploi, du Travail et de la Sécurité sociale du Houët en date du 2 novembre 1994 ;

- le contentieux de l’autorisation de licenciement des délégués a été définitivement réglé par l’arrêt n°045/97-98 du 26 juin 1998 de la Chambre administrative de l’ex-Cour suprême, et cela, conformément aux dispositions de la sentence n°001 du Conseil d’arbitrage du 6 février 1995 qui est passé en force de chose jugée ;

- la BRAKINA n’a pas tiré les conséquences de droit de l’arrêt n°045/98 du 26 juin 1998 de la Chambre administrative de l’ex-Cour suprême, lequel enlève toute base légale à la décision de licenciement des travailleurs protégés ».

En conséquence, le comité paritaire gouvernement - syndicat faisait les recommandations ci-après :

« -la BRAKINA doit procéder à la réintégration des travailleurs protégés avec reconstitution de leur carrière pour compter de la date de leur départ de la société ;

- en cas de refus, le ministère de la Justice prêtera son concours à l’exécution effective de l’arrêt de la Chambre administrative de l’ex-Cour suprême dans toutes ses dispositions sans préjudice de la procédure prévue dans un tel cas".

Et depuis, la BRAKINA refuse jusque-là d’exécuter ce que le gouvernement du Burkina Faso a entériné.

Monsieur le ministre,

La BRAKINA est une entreprise installée au Burkina qui dit respecter les lois de notre pays. Mieux, la BRAKINA est dirigée par des ressortissants d’un pays dont nous nous voulons héritiers de valeurs républicaines du peuple. La situation que nous vivons est méconnue et inconcevable dans la France actuelle. Des délégués syndicaux et du personnel licenciés puis réintégrés dans leurs entreprises à l’issue de la procédure juridictionnelle administrative sont nombreux en France. Mais, si la BRAKINA continue de respecter les lois de notre pays de cette façon, cela doit-il signifier que l’Etat burkinabè n’applique pas équitablement ses lois à tous les justiciables vivant sur le sol burkinabè. En tout cas, des employeurs burkinabè se sont certainement inspirés de cette attitude de la BRAKINA et refusent d’exécuter les décisions de justice. On peut citer, entre autres, la SAP qui refuse d’exécuter la sentence du Conseil d’arbitrage du 8 février 1999, qui a ordonné la réintégration des 29 travailleurs licenciés en 1997.

Monsieur le ministre,

Ce que nous réclamons n’est autre chose qu’un droit citoyen ; celui d’être des justiciables burkinabè qui ont utilisé les voies civilisées dans le strict respect des lois de la république. Nous demandons simplement et seulement à l’Etat burkinabè de nous traiter en Burkinabè vivant dans un Etat de droit ; des Burkinabè qui ont exercé un recours de droit républicain, et à qui la justice a donné raison. A cette étape, nous ne demandons rien d’autre à l’Etat burkinabè. Sinon, cela fait plus de 10 ans que nous sommes au chômage, mais, Monsieur le ministre, nous n’avons demandé à l’Etat à aucun moment ni des vivres, ni des fournitures scolaires pour nos familles. Nous voulons seulement que l’Etat burkinabè soit équitable en droit, et franchement républicain.

C’est au regard de toutes ces dispositions que nous sollicitons, Monsieur le ministre, que vous fassiez diligence dans l’exécution de l’arrêt n°045/97-98 du 26 juin 1998 de la Chambre administrative de l’ex-Cour suprême selon la formule exécutoire de la république : « L’Etat du Burkina Faso mande et ordonne au ministre de l’Emploi, du Travail et de la Sécurité sociale, en ce qui le concerne, et à tous mandataires à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision. »

Vous en souhaitant bonne réception, nous vous prions d’agréer, Monsieur le ministre, l’expression de notre haute et parfaite considération.

Pour les délégués syndicaux et du personnel sus-cités de la Brakina,

Nagalo Issouf

Délégué syndical et du personnel

Millogo Bakary

Délégué syndical

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