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Chefferie traditionnelle : Du bois de chauffe pour le Mogho Naba

Publié le jeudi 22 juin 2006 à 07h01min

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Le moins qu’on puisse dire est que le Mogho-Naaba a reçu un cadeau inattendu dans la matinée du 20 juin 2006. Les forgerons de Saabin, un quartier de Saaba, lui ont apporté du bois de chauffe.

Du bois de cuisine attaché sur les porte-bagages de vélos et de mobylettes, porté sur des têtes humaines, évoluant le long des avenues principales de Ouagadougou. Voilà le spectacle auquel ont assisté, médusés, des Ouagalais hier matin, dans la capitale du Pays des hommes intègres. En effet, l’on peut tout reprocher aux forgerons de Saaba sauf de ne pas avoir de la mémoire.

En effet, il faut remonter à 1956 pour signaler le dernier rite du genre. C’était sous le règne du Moro Naaba Saaga, et le chef des donateurs de l’époque avait pour nom « Naaba Koudnoaga ». Le bois offert va servir à entretenir le foyer allumé, qui ne s’éteint jamais. Et l’arbre à partir duquel le bois est tiré s’appelle « Noeka » dans la langue du terroir.

Son nom scientifique est « Pterocarpus Erinaceus ». Il n’est uniquement fourni que par les forgerons, dont font partie ceux du quartier de Saaba. Attaché en fagots, le bois était envoyé au Mogho Naaba tous les trois ans. Pour l’envoi, une délégation était constituée et accompagnée par un enfant désigné par le chef du village.

Cette fois-ci, ce sont les descendants de Naaba Koudnoaga qui ont pris la relève. Partie du quartier Saabin aux environs de 7 heures, la longue file de porteurs de bois, une fois en vue de Ouaga, a emprunté l’itinéraire suivant : Taabtenga, avenue Babanguida, avenue Yatenga Naaba Tigré, avenue de la paix, avenue Houari-Boumedienne, avenue de la Cathédrale, en passant par le quartier Koulouba et le marché Zaabré-Daaga.

Pour avoir accès au palais du Moro Naaba, il fallait au préalable passer présenter ses honneurs au Baloum Naaba, un des ministres de l’empereur des Mossé et de surcroît intendant du palais royal. A 8h 30, les forgerons de Saaba sont devant son portail.

Il lui sera offert quelques fagots, des socles de daba et des coutelas. Remerciements du Baloum Naaba. Les fusils font parler la poudre. Tant pis pour ceux qui y sont allergiques. La route du palais royal, qui est à environ deux kilomètres, est maintenant ouverte.

A l’entrée principale, l’ordre sera donné par la garde des lieux d’aller vers une autre entrée, qui est située du côté est. Les visiteurs du jour y attendront une dizaine de minutes, avant qu’une nouvelle injonction ne vienne leur dire de repartir à l’entrée principale. Par ailleurs, les photographes sont priés de ranger leurs appareils. Explications entre les journalises et la garde. Refus catégorique de ces derniers.

Il y avait de l’électricité dans l’air. Après moult tractations, autorisation sera donnée de prendre des images, mais une prise de vue qui devra seulement se limiter à la terrasse de l’empereur des Mossé. Mais il restait une dernière exigence avant d’accéder à la cour : il fallait se débarrasser de ses chaussures.

Sur la terrasse, les visiteurs attendent l’hôte du jour, qui ne tarde pas à apparaître, précédé du Baloum Naaba. Le Naaba Baongho s’assied sur l’unique fauteuil de la terrasse. A même le sol, les étrangers saluent en se prosternant, le front presqu’au sol.

Les fagots de bois sont amassés devant l’illustre hôte. De même que des socles de daba, des coutelas et un sac en cuir.

Le bénéficiaire observe le matériel qui s’amasse, avec le visage jovial qu’on lui connaît. Naturellement, en terme de quantité, il n’y a pas match, comme on le dit, entre ce don et celui fait au Baloum. Après être entré dans ses appartements, le Naaba Baongho, amoureux de football, en ressort avec, vous l’aurez deviné, deux ballons tous neufs. La joie était perceptible dans les rangs des visiteurs, surtout du côté des nombreux jeunes qui avaient accompagné les doyens du quartier Saabin.

Le donateur fera remarquer sa joie de voir la forte mobilisation de cette couche de la population. « C’est un signe, a-t-il expliqué, que la relève pour la perpétuation de cette tradition est assurée ». Souriant, il exhortera les visiteurs à ne plus attendre une cinquantaine d’année pour rééditer ce geste lourd de symbolisme.

La cerise sur le gâteau de cette cérémonie, c’est le rafraîchissement que sa Majesté a offert aux visiteurs, sous les caïlcédrats centenaires de la cour royale. Les fusiliers n’en faisaient plus qu’à leur tête, au grand dam des roussettes, cette famille de chauve-souris qui dorment le jour, chassent la nuit et n’apprécient évidemment pas un tel brouhaha. De grands fûts de dolo, des caisses de bière et de sucrerie seront prestement « honorés » par ces métallurgistes des temps anciens. Surtout que ce n’est pas tous les jours que l’on peut goûter à une bière de mil royale. Autant donc en profiter !

Issa K. Barry

L’Observateur

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