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Diaspora burkinabè du Ghana : « Sans union, nous ne pouvons rien réaliser de grand », Alhadji Sanogo

Publié le mardi 9 mai 2006 à 07h13min

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Alhadji Sanogo

Dans une interview accordée à un de nos collaborateurs, le président de l’Association des Burkinabè du Ghana, Alhadji Sanogo présente sa structure, ses grands chantiers. Il se prononce, par ailleurs, sur le processus d’intégration sous-régionale et évoque ses attentes à l’endroit du gouvernement burkinabè.

Question (Q.) : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Alhadji Sanogo (A.S.) : Je suis Alhadji Sanogo, président de l’Association des Burkinabè du Ghana. Je suis originaire de Farakan à Bobo-Dioulasso.

Q. : Pouvons-nous faire amplement connaissance avec votre structure ?

A.S. : Nous avons formé officiellement cette association le 3 octobre 2004. Depuis lors, nous avons essayé autant que faire se peut de nous organiser et aujourd’hui, nous couvrons 7 régions sur les 10 que compte le territoire ghanéen. Auparavant nous détenions les adresses des ressortissants burkinabè au Ghana, mais nous n’étions pas réunis en une structure formelle sur toute l’étendue du pays. Seuls quelques compatriotes de la ville d’Accra représentaient la base.

Q. : Quelles motivations ont sous-tendu la mise en place de cette organisation ?

A.S. : Dans chaque pays de la sous-région, au Bénin, au Togo, au Niger, il existe des structures de ce genre. La nôtre n’est pas la première. Plusieurs ambassadeurs de notre pays au Ghana avaient souhaité organiser les Burkinabè ici, mais leur tentative n’a pu voir le jour. Ces échecs étaient en partie liés au déficit de communication entre les acteurs. Toutefois, l’actuel ambassadeur, Son Excellence Sini Pierre Sanou, arrivé au Ghana en août 2004, a réussi à nous fédérer et à nous montrer l’importance de notre union. L’un de nos principaux objectifs est l’union des Burkinabè résidant au Ghana. Le rassemblement de nos compatriotes sera profitable à tous et permettra de résoudre nos problèmes et d’assister les plus nécessiteux. Sans union nous ne pouvons rien réaliser de grand.

Depuis notre installation, nous tentons de développer la cohésion, l’entente, la bonne communication entre nous et l’amour du prochain. Notre ambassadeur nous est d’une forte contribution. Nous nous sensibilisons sur la nécessaire collaboration avec l’ambassade et les consuls.

Q. : Quels sont les activités et les projets de votre structure ?

A.S. : Vu la jeunesse de notre association, nous mettons une emphase sur la consolidation des liens et l’unité. Nous nous rassemblons pour échanger sur notre vision et sur l’avenir de notre association. Comme projets, nous envisageons pour fin 2008, la mise en place d’un fonds pour l’éducation. L’objectif essentiel de cette action sera d’encourager les élèves et étudiants plus méritants à cultiver l’excellence. Nos enfants ont aussi besoin de fréquenter des établissements de qualité pour pouvoir prétendre à des postes stratégiques.

Le second projet est l’ouverture d’établissements professionnels et techniques pour susciter un esprit d’entrepreneuriat chez nos jeunes et adultes. Nous avons identifié certaines zones défavorisées par la nature où il est difficile de cultiver. Ce projet donnera du travail à nos compatriotes qui y vivent. La particularité de ces projets est leur décentralisation sur tout le Ghana. Ils ne sont pas immédiats, car il nous faut rassembler suffisamment de fonds pour leur lancement.

Par ailleurs, nous avons plusieurs femmes dans le groupe et nous les formons à des activités génératrices de revenus, pour lutter contre la féminisation de la pauvreté. Nous voulons qu’elles soient notre fierté ici et partout ailleurs.

Q. : les Burkinabè sont bien nombreux au Ghana. Quels sont les domaines d’activités où ils sont les plus présents ?

A.S. : De plus en plus, ils sont représentés dans les instances de décision et à des niveaux politiques stratégiques. Ceux qui sont aujourd’hui présents à l’Assemblée nationale, au gouvernement et à la fonction publique ont bénéficié de la nationalité ghanéenne que leurs parents ont acquise. Quant à ceux qui arrivent maintenant, la majorité est dans les petits et durs métiers (gardiens, veilleurs de nuit, agriculteurs, ...). Cela est lié au fait qu’ils sont illettrés et analphabètes et ne sont réduits qu’à exercer des métiers de bas profil pour de maigres salaires.

Q. : Comment jugez-vous vos relations avec le peuple ghanéen ?

A.S. : Nous avons d’excellentes relations avec les Ghanéens. Ce n’est pas parce que ma mère est ghanéenne que je l’atteste. Tous les autres Burkinabè peuvent vous le confirmer. Les Ghanéens respectent considérablement le Burkina, car nos parents ont activement contribué au développement de leur pays. Notre association assure le rôle de « chien de garde », de sentinelle. Nous connaissons la loi et nos droits et les évoquons lorsque un des nôtres est brimé ici.

Q. : En tant que président d’une association de la diaspora, quelle est votre conception de l’intégration sous-régionale ?

A.S. : L’intégration au sein de la CEDEAO et de l’UEMOA serait une action noble si les décisions prises étaient appliquées. Des campagnes de sensibilisation sont menées mais le problème fondamental reste la mise en œuvre des textes.

Q. : Quels sont les avantages, les gains que vous percevez en tant que citoyen de la zone ?

A.S. : De prime abord, je salue la régulation du commerce, des transactions entre les Etats membres. Avec l’intégration sous-régionale, nous notons l’interdépendance, la complémentarité entre les pays. Le Ghana importe des marchandises du Burkina et vice-versa. Aussi soulignons-nous le renforcement de la communication entre les citoyens eux-mêmes et au niveau supérieur, entre les différents Etats au sein de la CEDEAO. La libre circulation des biens et des personnes, quoique difficile, est déjà amorcée et doit être renforcée.

Q. : Quelles sont vos attentes pour que l’intégration sous-régionale soit une réalité ?

A.S. : Fondamentalement, que l’organe dirigeant et l’équipe exécutive de la CEDEAO soient plus rigoureux dans l’application des textes. Tous les Etats membres doivent être soumis à un délai butoir. Passé ce deadline, des sanctions pourraient être prononcées. Cette attitude permettra de mesurer le degré réel de leur engagement. Une fois la volonté générale de la communauté promue par les leaders, chacun d’eux prendra des mesures internes pour sensibiliser les populations à tous les enjeux de l’intégration régionale.

Q. : Pour revenir à votre association, quelles sont les relations que ses membres entretiennent avec la mère-patrie ?

A.S. : Nous attirons l’attention de nos membres et parents sur un fait : notre indéniable lien avec le Burkina Faso. Tout Burkinabè vivant ici doit retourner un jour. Nos parents et ancêtres ont fondé des familles ici mais cela n’empêche pas les générations suivantes d’y retourner. Plusieurs d’entre nous vont souvent au Burkina. Nous n’avons aucun motif de rejeter notre terre.

Q. : Il est vrai que vous retournez au Burkina. Mais y investissez-vous ? Quelle leçon avez-vous tiré de l’exemple ivoirien ?

A.S. : Evidemment. Mon père avait des concessions ici mais cela ne l’a pas empêché d’en bâtir 7 autres à Bobo-Dioulasso. Beaucoup d’autres compatriotes investissent dans d’autres domaines. Cependant, un des freins à l’investissement de la diaspora au Burkina demeure les taxes douanières aux frontières. Les matériaux de construction sont peu coûteux ici. Lorsque vous décidez d’aller bâtir des concessions au pays, vos matériaux sont fort taxés et les Burkinabè préfèrent investir dans l’immobilier au Ghana. Nous pourrons plus tard nous organiser pour ouvrir des entreprises dans les provinces et offrir des emplois aux populations. Le développement ne doit plus se limiter aux villes de Bobo-Dioulasso et de Ouagadougou.

Le gouvernement doit aussi sensibiliser et encourager la diaspora à acheter des terrains et des maisons au pays.

Q. : Quelles sont vos doléances à l’endroit de l’Etat ?

A.S. : L’Etat doit encourager les Burkinabè de l’extérieur à travers la Banque de l’agriculture pour faciliter le rapatriement de leurs fonds. Nous sollicitons aussi son aide pour la réalisation de nos projets ; les fonds de l’association demeurent insuffisants.

Monsieur l’Ambassadeur nous soutient, mais seul, il ne peut pas tout faire. En une année, il a enregistré des succès. Par conséquent, nous désirons que le gouvernement l’appuie dans ce sens. Dans les 2 ou 3 ans à venir, nous souhaiterions que le gouvernement vienne constater nos avancées.

Autres doléances, que le gouvernement nous offre une fois de plus la possibilité de régulariser les documents administratifs (cartes d’identité, certificats de nationalité, passeports, jugements supplétifs) de nos enfants. Beaucoup d’entre eux sont des « sans-papiers ».

Q. : Quel est votre message à l’endroit de vos compatriotes restés au pays ?

A.S. : Nous sommes tous frères et sœurs de la même mère-patrie. Nous demandons à nos frères de favoriser notre intégration au pays. Nombreux sont ceux qui nous appellent les Burkinabè-Ghanéens ; cela crée beaucoup de frustrations en nous. Acceptons-nous mutuellement, unissons nos énergies pour bâtir notre pays, le Burkina Faso.

Interview réalisée à Accra par Regina Tiens BANDE
(Collaborateur)


L’appel des Burkinabè du Ghana

La majorité des associations de Burkinabè de l’extérieur ont pour finalité, la solidarité entre les membres et la défense de leurs intérêts. Dans leurs différents milieux, ils essaient d’entretenir cette fibre nationale à l’extérieur à travers diverses activités. Les compatriotes résidant au Ghana n’ont pas dérogé à la règle commune. Toutefois, ils sont allés au-delà en adjoignant à leurs activités, des programmes novateurs qui renforceront le patriotisme tout en favorisant leur développement. Il s’agit entre autres, de la mise en place d’un Fonds pour l’éducation, destiné à cultiver la qualité et l’excellence chez les élèves et étudiants burkinabè résidant au Ghana. Le deuxième élément fondamental de leur trouvaille est l’ouverture d’établissements professionnels et techniques pour favoriser l’entrepreneuriat dans leur communauté.

Quoique ces initiatives soient encore à l’étape de projets à réaliser dans les années à venir, elles sont à louer. Le succès dans leur implémentation et la duplication dans d’autres pays et même au Burkina reposent dans la volonté de nos politiques, dans la mobilisation des fonds et l’implication réelle des populations. Cet appel lancé par M. Alhadji Sanogo, président de la communauté est une exhortation à toute bonne volonté désirant les soutenir dans leur noble projet.

R.T.

Sidwaya

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