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Education des filles au Burkina : Les Nations unies vont passer à la vitesse supérieure

Publié le jeudi 16 mars 2006 à 07h34min

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Quatre organisations du système des Nations unies entendent unir leurs efforts pour booster, en partenariat avec le gouvernement, l’éducation des filles au Burkina Faso, dans le cadre du PDDEB (Plan décennal de développement de l’éducation de base).

C’est ce qui ressort d’un document parvenu à la rédaction de Sidwaya. Dans ce document intitulé : « Programme conjoint éducation des filles », le PNUD, le FNUAP, le PAM, la FAO et l’UNICEF (1) ont indiqué que l’objectif du programme conjoint est d’accompagner le Burkina vers l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement en leur composante éducation. A ce titre, les quatre organisations ont signé le 14 février 2006, un accord de partenariat établissant un mécanisme de coordination pour la mise en œuvre de leur programme conjoint pour l’éducation des filles au Burkina.

Au terme de l’accord signé le 14 février 2006, l’UNICEF a été désignée comme agent de gestion du programme conjoint. Selon les signataires, cette agence a été choisie pour son expertise dans le domaine de l’éducation des filles et pour le leadership qu’elle assume conjointement avec la partie gouvernementale sur la question de la promotion de l’éducation des filles au Burkina Faso. Malgré une assez forte progression, ces dernières années, le Taux brut de scolarisation (TBS) au Burkina Faso demeure l’un des plus faibles au monde.

En 2004-2005 pour l’ensemble du pays, il s’élève à 56,8 %. Une moyenne nationale qui cache des disparités criantes liées à la situation géographique et surtou, au genre. Pour aider le gouvernement burkinabè à atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) en leur composante éducation, quatre organisations du système des Nations unies ont élaboré un programme conjoint dénommé Programme conjoint pour l’éducation des filles au Burkina Faso.

L’accord de partenariat entre les quatre organisations participantes leur permet d’assister le gouvernement du Burkina dans la gestion des fonds et des activités du programme conjoint.

D’une manière générale, ce programme conjoint pour l’éducation des filles vise entre autres, l’amélioration de la qualité et la pertinence des apprentissages, l’accroissement de l’accès des filles à l’école et à l’éducation non formelle, et l’augmentation du taux de maintien des filles à l’école (diminution du taux d’abandons). Il vise également à booster le taux d’achèvement des filles et la réduction des effets négatifs des rapports de genre en matière d’éducation des filles.

Réaliser un TBS de 65 % pour les filles

Etant entendu que toutes les initiatives actuelles de développement de l’éducation de base au Burkina sont exécutées dans le cadre du PDDEB, les mécanismes de mise en œuvre et les stratégies d’intervention du programme conjoint pour l’éducation des filles vont dans le sens des objectifs et stratégies de ce plan décennal qui couvre la période 2001-2010. Ainsi, il vise de manière spécifique, à réaliser un Taux brut de scolarisation (TBS) de 70 % dont 65 % pour les filles. Il entend également développer et diversifier les actions et formules d’alphabétisation pour amener le taux d’alphabétisation national à 40 %.

Le programme conjoint pour l’éducation des filles découle du constat que les filles et les femmes éprouvent d’énormes difficultés et obstacles à accéder à l’école. Au Burkina, le Taux brut de scolarisation (TBS), 56,8 % en 2004-2005, cache une grande injustice faite aux filles. En effet, le TBS des filles pour la même période s’élève à 51,0 % contre 62,4 % pour les garçons. Le TBS national est caractérisé également par une disparité régionale favorable, par exemple, à la région du Centre (94,7 %) et insignifiant pour la région du Sahel avec 34,6 %.

Sur l’ensemble des 20 provinces prioritaires (les 20 provinces les moins scolarisées) du PDDEB (Programme décennal de développement de l’éducation de base), les disparités entre filles et garçons sont encore plus accentuées. En effet, dans ces provinces pour l’année scolaire 2004-2005, le TBS s’élève à 39,8 % (garçons : 44,6 %. Filles : 34,7 %), soit une différence de 17 points environ par rapport à la moyenne nationale et de 10 points entre les filles et les garçons. Au niveau du Taux brut d’admission (TBA), le constat reste le même en dépit des discours réaffirmant l’engagement des politiques à une discrimination positive en faveur des filles.

Plus que le TBS, le TBA permet de mesurer le nombre ou la proportion des enfants qui ont accès, chaque année, au système scolaire. Pour l’année 2004-2005, sur l’ensemble du pays, le TBA s’élevait à 70% (garçons : 75,6 %, filles : 64,1%), soit un écart de près de 11 points entre les garçons et les filles. Sur l’ensemble des provinces prioritaires, il s’élève à 47,3% (garçons : 50,8 %, filles : 43,8 %), ce qui donne un écart de 7 points entre les garçons et les filles. Quant au taux d’alphabétisation, il est passé de 21,8% en 2002-2003 à 28,4% en 2003/2004, selon MEBA (ministère de l’Enseignement de base et de l’Alphabétisation). Ce taux est marqué par des inégalités entre hommes et femmes ; c’est ainsi que le taux d’alphabétisation des femmes était seulement de 12,5 % en 2002-2003.

De même, les taux d’abandons et d’échecs sont élevés : environ 28 % des inscrits désertent avant le terme de la formation initiale et 80 % de ceux qui l’ont achevée (86 % pour les femmes) ne suivent pas la formation complémentaire de base indispensable pour être déclaré alphabétisé. Le taux de succès des actions d’alphabétisation au cours des cinq dernières années est de l’ordre de 50% des apprentis qui achèvent leur formation (initiale ou complémentaire). Il se pose donc, un autre obstacle majeur aux efforts d’alphabétisation : celui de la déperdition des acquis des alphabétisés. En effet, un nombre important de néo-alphabétisés retourne à l’analphabétisme, faute de formation complémentaire ou d’un environnement lettré.

Sévère diagnostic

Le taux d’abandons est également élevé. En 2003, au niveau national, il s’élevait à 6,2 % (garçons : 6,6 %, filles : 5,7 %) au CE1, où il était le plus élevé et à 3,4 % (garçons : 3,3 %, filles : 3,6 %). Ces différences sont plus visibles au niveau des provinces les moins avancées. Dans la province du Yagha, en 2002-2003, le taux d’abandons était de 23,2 % (garçons : 19,9 % et filles : 28,4 %) pour le niveau CM1, où il était le plus élevé.

De 2000 à 2003, le taux de réussite au Certificat d’études primaires (CEP) est passé de 62 % à 74 %. Ce taux est plus faible chez les filles que chez les garçons. Par exemple, en 2003, le taux de réussite globale s’élevait à 73,73 % dont 69,7 % pour les filles.

Le taux d’achèvement est également plus faible chez les filles que chez les garçons. Par exemple, en 2003, ce taux s’élevait à 44,17 % dont 38,28 % seulement pour les filles.

Les facteurs externes (à l’institution scolaire) de la non scolarisation et de la faible performance scolaire des filles sont d’ordre socioéconomique, culturel. Il y a tout d’abord la pauvreté de la famille. En effet, 46,4% de la population burkinabè vit en-dessous du seuil de pauvreté. La scolarisation des enfants peut se traduire par une perte de revenu ou d’aide à la maison. Il arrive que les frais scolaires soient trop élevés ou que la famille n’ait pas les moyens d’acheter les fournitures scolaires. En règle générale, lorsqu’il y a lieu de faire un choix entre une fille et un garçon, la famille privilégiera le garçon, considérant qu’il s’agit d’un meilleur investissement à long terme. De même, selon certaines considérations culturelles, la fille n’appartient pas à la famille de ses parents biologiques mais plutôt à celle de son futur époux. Aussi a-t-on tendance à croire que tout investissement pour sa scolarisation profiterait à sa future belle-famille. Les mariages forcés ou précoces demeurent aussi des raisons majeures de déperditions scolaires (abandons ou échecs) pour les filles, au même titre que les tâches domestiques. Quant aux facteurs internes, ils sont surtout liés aux problèmes de sûreté et de sécurité à l’école et aux alentours et touchent particulièrement les filles (la distance entre l’école et la maison).

Il y a aussi les violences physiques, les brimades et les châtiments corporels qui touchent, il est vrai, les filles et les garçons, mais peuvent être particulièrement dévastateurs pour les filles. Ces facteurs se retrouvent également dans la division traditionnelle du travail entre les hommes et les femmes reflétée dans les écoles. Il arrive donc, qu’on oblige les filles seules à s’occuper de l’entretien de l’école au détriment de leurs études ou qu’on les soumette à un harcèlement sexuel et psychologique. Il existe également des facteurs psychopédagogiques, notamment les préjugés négatifs et ces stéréotypes sexistes de la part des enseignants ou des autres élèves, et l’inadaptation des contenus des programmes d’enseignement aux préoccupations des élèves, en général et des filles, en particulier.

Abdoulaye GANDEMA
(Source UNICEF)


Neuf axes stratégiques sont retenus pour sa mise en œuvre

I) Recherche-action pour disposer d’informations permettant de mieux comprendre la problématique de l’éducation des filles en fonction des réalités socioculturelles, etc.

II) Le renforcement de l’accès et du maintien par la réalisation d’infrastructures socioéducatives (écoles, forages, latrines séparées, cantines scolaires) et la fourniture d’équipements.

III) L’amélioration de la performance et de la réussite des filles par le soutien scolaire et par l’amélioration des conditions d’études.

IV) L’amélioration de la qualité et de la pertinence des apprentissages par la fourniture de matériel didactique et pédagogique, la formation et le recyclage des enseignants.

V) Le renforcement des capacités communautaires à travers l’appui à la mise en place d’organisations à base communautaire ainsi que la formation de leurs membres en approche droit, en genre, en gestion, en micro-planification.

VI) Le renforcement des capacités institutionnelles par l’équipement en matériel logistique et de bureau des structures centrales et déconcentrées des ministères en charge de l’éducation et des ONG/associations partenaires ainsi que la formation de leurs cadres.

VII) Plaidoyer, mobilisation sociale et communication. Plaidoyer et sensibilisation au niveau des autorités politiques, administratives, coutumières et religieuses pour l’éducation des filles ; sensibilisation des populations pour le changement de comportement en faveur des droits de l’enfant et de la scolarisation des filles ; mise en œuvre du Plan intégré de communication (PIC) appuyé par une campagne multimédia sur l’éducation des filles.

VII) Partenariat et intersectorialité. L’intersectorialité se fonde sur la nécessité d’une prise en compte absolue de l’enfant dans sa totalité telle que définie par l’Approche droits humains en programmation. L’harmonisation des interventions en santé, nutrition, eau, assainissement, éducation, ... sont nécessaires pour créer les meilleures conditions de la performance et de la réussite de l’enfant dans son éducation. Le partenariat devient donc indispensable compte tenu des domaines de spécialisation et des avantages comparatifs des différents intervenants.

IX) Suivi et évaluation par des visites sur le terrain, des évaluations et la collecte d’informations pour disposer de données qualitatives et quantitatives sur la mise en œuvre des activités et leur impact.

A.G.

Sidwaya

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