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Grippe aviaire : Nous semons la psychose et la peur

Publié le lundi 13 mars 2006 à 07h29min

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Face à la grippe aviaire, il y a comme une folie communicationnelle qui a gagné l’Afrique et contaminé le Burkina. Cette folie semble aussi infectieuse que la grippe aviaire. Elle fait plus de victimes que la fameuse maladie des gallinacés que l’on cherche en vain à dénicher dans nos contrées. Vaut mieux prévenir que guérir. Or, la prévention doit être pensée, organisée et activée. Cela passe par la communication.

(Journal du Jeudi)

De nos jours, une poule ou un canard ne peut s’assoupir sous l’ombre d’un manguier ou d’une chaumière sans que l’on ne soupçonne cette volaille d’être infectée par le virus de la grippe aviaire. La mauvaise manière de communiquer fait déjà ses effets. Autorités politiques, médias burkinabè, nous sommes tous coupables de cette poussée négative qui gagne les mentalités, sème la psychose et la peur.

Nous n’avons pas le droit de faire peur pour passer un message de sensibilisation. Or, c’est ce que nous avons tous fait. Les dégâts sont énormes. Le devoir d’alerte des médias est une nécessité. Mais, il est tout aussi important que l’information soit complète et totale. Reconnaissons que les médias burkinabè ont réagi avant les autorités politiques et administratives. Ce qui est tout à fait à notre honneur. Seulement, nous n’avons pas pris toute la mesure de la panique générale qu’une telle médiatisation excessive pouvait avoir sur nos populations.

Quant aux autorités politiques et administratives, elles ont confondu vitesse et précipitation. Que faire devant une situation aussi préoccupante ? Faut-il aller au peuple sans préparer une campagne de communication ? C’est effectivement ce que nous constatons. Par la magie des médias, nous avons vu nos autorités politiques aller vers les populations porter l’information et faire de la sensibilisation. Est-ce la stratégie appropriée ? Dans ce cas de figure, fallait-il privilégier l’action des techniciens plutôt que celle des politiques ? En la matière la primauté de l’action de terrain revient aux spécialistes. Pendant que ceux-ci (vétérinaires et autres agents de santé animale) prenaient la mesure de l’infection, si infection il y a, le politique préparait dans son cabinet, les diverses mesures énergiques à prendre et surtout la conception d’une campagne de communication. En France, les politiques ont donné un aperçu de ce qui peut être une action de communication en dégustant devant des caméras de la viande de poulet. Leur message est vivant et rassurant.

Tout comme la lutte contre le Sida, la grippe aviaire a mal à sa communication. Les Burkinabè n’ayant pas de représentations sociales de la grippe aviaire, une campagne de sensibilisation devenait délicate à réaliser au risque de susciter des incompréhensions, de diffuser des messages et images inaccessibles à la majorité de la population. Partir par analogie en recherchant des similitudes de la manifestation de la pathologie à travers d’autres infections pouvait, tout aussi, être source de confusion. C’est pourquoi il est important de privilégier une information pratique. Combien de Burkinabè savent-ils que le poulet et autres volailles peuvent être consommés sans danger à condition que la cuisson soit totale ? Les scientifiques ne soutiennent-ils pas que la préparation des volailles à une température égale ou supérieure à 70° C peut tuer le virus H5 N1 ?

En ne maîtrisant pas la sensibilisation par les médias, l’on a favorisé une situation de panique générale. La grippe aviaire est-elle à nos portes ou dans nos cases ? Seuls les spécialistes de la santé animale peuvent répondre à cette interrogation principale. En fonction de la réponse, il est plus indiqué de concevoir une stratégie de communication. C’est pourquoi il conviendrait que les missions officielles de sensibilisation soient revues dans leur conception.

Dans l’attente que le peuple soit situé sur la présence de la grippe aviaire sur le territoire national, les victimes de cette médiatisation à outrance ne se comptent plus : victimes économiques, victimes culturelles, victimes biologiques...

Si la grippe aviaire n’est qu’à nos portes, la méningite, elle, est dans nos huttes. Sur près de (3 000) trois mille cas officiellement enregistrés au 26 février 2006, nous enregistrons (330) trois cent trente décès. Deux cas de figure qui doivent nous interpeller. Pour l’heure, la méningite plus que la grippe aviaire, mérite toute notre attention.

Par Michel OUEDRAOGO

Sidwaya

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