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Kongoussi/Personnes handicapées : « ABF est venue ouvrir nos yeux » (associations orientées vers le développement endogène)

Publié le jeudi 28 décembre 2023 à 22h02min

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Kongoussi/Personnes handicapées : « ABF est venue ouvrir nos yeux » (associations orientées vers le développement endogène)

80 à 90% des organisations de la société civile sont dépendantes des bailleurs internationaux, selon l’Association burkinabè de Fundraising (ABF), qui pense pourtant qu’« Il faut que chacun se rende compte qu’il peut faire quelque chose pour lui-même ». La dynamique des dirigeants du MPSR II, et une majeure partie de l’opinion burkinabè, voire africaine, viennent donner raison à cette association qui, depuis une quinzaine d’années maintenant, travaille à l’éveil des consciences des organisations de la société civile de développement en matière de mobilisation de ressources locales pour atteindre les objectifs escomptés. C’est l’idée de développement endogène, tant prônée. « Le plus important, je crois, c’est d’avoir amené le peuple à avoir confiance en lui-même comprendre que finalement il peut s’asseoir et écrire son développement, écrire son bonheur et dire ce qu’il désire. Et en même temps, sentir quel est le prix à payer pour le bonheur », partage d’ailleurs l’ABF à travers son site, cette citation Thomas Sankara. Grâce au dévouement donc de ses dirigeants, l’association a, via plusieurs localités d’intervention, fait de cet idéal, la force des organisations de développement qu’elle coache. A Kongoussi, province du Bam, dans la région du Centre-nord, elle a réussi le changement de paradigme en amenant les associations de développement, dont celle des personnes handicapées, à rompre d’avec cette méthode passive qui consiste à attendre les financements de partenaires nationaux et internationaux pour fonctionner et dérouler les actions sur le terrain.

Kongoussi, cette ville située à 110 Km au nord de la capitale, accueille un grand nombre de personnes déplacées internes et dans un contexte national et international de rareté des ressources. Cela a un impact sérieux sur les associations locales qui constituent des maillons importants dans l’élan de développement et de bien-être des populations. C’est en cela que la démarche de l’Association burkinabè de Fundraising (ABF) trouve davantage toute sa quintessence. Elle qui a, depuis sa création en 2008, fait du développement endogène, son ultime bataille. Elle a vu juste, car les résultats sont bien perceptibles sur le terrain, à la satisfaction et fierté des bénéficiaires de son coaching. « ABF est venue ouvrir nos yeux », confient ces membres d’associations locales dans le Bam. Bien que tenaillées par la situation sécuritaire, ces associations ont su trouver des ressources nécessaires pour avancer et faire le bonheur de leurs membres.

En effet, pour avoir eu le nez creux, ABF s’est lancée dans l’accompagnement des associations à base communautaire dans la mobilisation des fonds sur le plan local, la réalisation de leurs micro-projets de développement, l’identification des opportunités de financements et l’appui-technique. Pour y parvenir, elle a mis en place un programme holistique, notamment le « Giving for change » (donner pour le développement endogène) et le « Change the game Academy » (qui vise à changer les “règles” du jeu du développement : transférer le pouvoir aux communautés et leur permettre de façonner leur propre avenir). Un nouveau paradigme qui paie sur le terrain des associations de développement.

Le contenu des formations est traduit en langues nationales pour permettre à tous les participants d’être au même niveau.

Dans cette partie de la région du Centre-nord, le Bam, les associations partenaires de ABF s’avouent les plus heureuses de cet éveil des consciences. De ces organisations de développement, l’Union provinciale des personnes handicapées, créée en 2003. Elle est une structure qui forme dans des métiers de l’artisanat (fabrication de lits picots, de savons, le tissage à laine, la confection de sacs et cartables, etc.) et œuvre dans le domaine agro-pastoral. Selon son président, Clément Sawadogo, l’association compte environ 300 membres. « C’est par une collaboratrice que nous avons eu la chance de découvrir l’ABF, en 2017. Au départ, nous ne percevions pas la portée de la démarche de l’ABF. Avec les formations que nous avons reçues, nous avons compris que c’est ce qu’il nous fallait depuis-là. On s’est rendu compte que nous travaillions au hasard. Depuis notre rencontre avec l’ABF, on a compris qu’on ne fait rien au hasard. On a compris que les projets réussissent avec l’implication des populations elles-mêmes et qu’on a les moyens sur place pour faire notre développement. C’est ce que l’ABF nous apprend à travers les sessions de formation en salle et sur le terrain. Nous avons eu une série de formations sur la mobilisation de soutien, ensuite sur la mobilisation de ressources », s’ouvre le président de l’Union provinciale des personnes handicapées, pour qui, le coaching de l’ABF a permis de rendre plus dynamique l’association.

« Nous disons aux gens qu’on ne doit pas s’asseoir et attendre, il faut que chacun trouve le potentiel dans son milieu, c’est le développement endogène. Avec les connaissances que nous avons reçues de notre partenaire ABF, nous avons expérimenté le développement local et avons même pu mobiliser des ressources locales pour construire notre siège qui attendait depuis des décennies. Malgré la situation sécuritaire difficile, les activités se passent bien. Aujourd’hui, vous verrez que dans la ville de Kongoussi, non seulement les mendiants ont diminué, mais également, aucun de nos membres ne mendie encore ; si vous voyez un mendiant, c’est que c’est quelqu’un qui vient d’ailleurs. Chacun de nos membres a pris conscience que le handicap, c’est dans la tête et ce n’est pas une condamnation à la misère », se réjouit M. Sawadogo, l’allure fière.

C’est fort de la pertinence de ce changement insufflé, que les responsables de cette association ont, à leur tour, convaincu d’autres organisations sœurs de la province à solliciter le partenariat de l’ABF.

C’est le cas de l’association « Tégawendé », pilotée par Youssouf Maïga et Olivia Ouédraogo. Elle s’emploie dans l’élevage, la teinture, l’agriculture et la protection de l’environnement. « C’est grâce à ces activités, notamment l’élevage, que nous nous occupons de nos familles, nous inscrivons nos enfants à l’école », présente Youssouf Maïga, qui précise que l’association existe depuis 1992.

La formatrice Fati Ouédraogo, encadrant un groupe de participants lors d’une session de formation sur la mobilisation de ressources.

« Cette association qui existe depuis longtemps, regroupe environ treize villages. Comme nous ne voulons pas mendier, on met tout le sérieux dedans. On ne se plaint pas de nos activités. Ce qui est bien avec l’ABF, c’est qu’en plus de nous doter de connaissances en mobilisation de ressources locales, ses formations nous permettent de surmonter notre handicap. Par exemple, avant, on ne pouvait pas avoir une femme handicapée pour adhérer à une association ; parce qu’elles se disaient que ce n’est pas leur place, elles avaient peur des regards des gens. Même aller au marché était un problème pour elles. Mais depuis que nous sommes avec l’ABF, les femmes handicapées ont rejoint notre organisation et plusieurs autres associations. Elles s’exprimaient et expriment leurs idées, sans complexe. Actuellement, nous avons le courage d’entrer parmi les gens, de nous exprimer pour donner notre vision, nos propositions. Nous, les femmes handicapées, avons compris que nous n’avons pas à nous considérer comme des sous-hommes. Franchement, l’ABF a ouvert nos yeux et nous n’avons pas de mots pour dire merci. (…). Même nos époux, on arrive maintenant à les convaincre et à les mobiliser autour de nos activités. Cela contribue aussi à une belle ambiance dans nos foyers », glisse Olivia Ouédraogo.

A l’en croire, n’eût été la situation sécuritaire, l’association allait maintenant faire des merveilles. Qu’à cela ne tienne, Olivia Ouédraogo relève que si l’association venait à pouvoir se doter d’un siège, ce serait une grosse épine de moins. Cela pourrait permettre à l’organisation de mieux chercher des ressources pour permettre à ses membres de mener et développer les activités génératrices de revenus.

Surmonter le handicap, promouvoir l’inclusion et la solidarité

Ce ne sont pas les dirigeants de l’association pour le développement du Bam, représentée ici par le président Valentin Vivien Konseibo et le secrétaire général, Jean Kinda, qui diront le contraire. Créée en 2005, l’association a pour entre autres activités-phares, l’organisation des compétitions de natation sur le lac Bam (qui se trouve dans la ville de Kongoussi). « Nous félicitions l’ABF pour sa vision. Ça nous a beaucoup aidé à maintenir nos activités et à faire mieux. Dans l’organisation de nos compétitions, nous n’avons pas de partenaire en tant que tel qui nous accompagne. Nous avons ici un club de natation, mis en place par la Fédération burkinabè de natation, qui nous soutient parfois. Nous apprenons la natation aux enfants pour les compétitions et pour les sauvetages. Cette année, avec la situation, notre thème était relatif à la cohésion sociale et au vivre-ensemble. Nous avons organisé des conférences publiques et des sensibilisations pour montrer aux gens, l’importance de la cohésion sociale et du vivre-ensemble. (…). Face au contexte national, et n’ayant pas de partenaire qui nous soutient dans cette activité, nous avons mis en pratique ce que l’ABF nous a donné comme connaissances. Et c’est grâce à cela que nous avons pu mobiliser les ressources au niveau local ici pour tenir l’activité cette année », expliquent les responsables de l’association.

Les bénéficiaires sont, à leur retour, tenus de restituer les connaissances qu’ils ont reçues, à l’ensemble des membres de leur organisation respective.

Au sein de l’association pour le développement du Bam, l’on est désormais convaincu qu’« avec l’esprit de développement endogène, si on se mobilise et définit un projet, c’est à notre guise » et qu’avec le développement endogène, « on est maître de nos projets ».

« Non seulement les formations de l’ABF ont consolidé notre organisation, elles ont également élargi nos opportunités. En plus, tous nos membres se sont enrichis de connaissances en matière de développement local. Nous faisions des choses qui n’étaient pas bien, mais qu’on ignorait. Avec les connaissances que nous avons acquises désormais, c’est sûr que nos projets vont aboutir », mesure le président de l’association.

Emilienne Sawadogo, présidente de la Coopérative « Zemstaaba Nakombgo », créée en 2018 et sise secteur N°5 de la ville de Kongoussi, apprend d’abord que l’organisation travaille dans la transformation des produits forestiers non-ligneux : huiles végétales, savons, beurre de karité, etc. « Nous étions au départ dans le nettoyage des services publics et des rues de la ville. Mais avec l’âge, on s’est dit qu’il faut qu’on fasse autre chose. C’est pourquoi, nous nous sommes lancées dans la transformation. Nous avons connu l’ABF grâce à l’Union provinciale des personnes handicapées. Nous avons reçu beaucoup de formations. C’est même grâce à l’ABF que nous avons opté de faire dans la transformation, sinon l’association existait, mais on n’avait pas les yeux ouverts. Aujourd’hui, on a pu se restructurer. Ce qui est encore bien, c’est que les activités que nous menons maintenant permettent à l’association d’octroyer des prêts aux membres. L’ABF nous a éclairées et c’est sûr que d’ici à l’année prochaine, on fera encore parler de nous », soutient la secrétaire générale de la coopérative, Adèle Ouédraogo.

Au niveau de l’association Bam Solidarité internationale, qui intervient dans la santé et le développement, dirigée par Souleymane Nagalo, « les formations reçues avec l’ABF ont même permis de pouvoir mobiliser et motiver tous les membres de l’association ».

Des observateurs apprécient bien cette vision de l’ABF qui, selon eux, promeut également l’inclusion, le respect des droits humains et la solidarité. Aussi, ces espaces de formations créés par l’ABF se présentent comme une opportunité d’alphabétisation pour les membres de ces organisations locales ; ce qui est largement bénéfique pour la dynamique de développement.

Pour Aminata Sawadogo, formatrice certifiée ABF, le développement endogène doit être partagée par tous. « L’idée doit être généralisée. Vous avez vu que la mobilisation des ressources internes dans le cadre de la guerre est en cours ! Si on arrive à faire comprendre à chacun qu’il peut faire quelque chose pour lui-même, il n’y a rien de tel. On a des potentialités », galvanise-t-elle.

« A la fin de la formation, les participants devraient pouvoir sortir un projet complet, qui pourrait être examiné et si possible, obtenir des financements de l’ABF ou de tout autre bailleur de fonds au plan national ou international. Nous sommes dans un processus de mobilisation de ressources et de mobilisation de soutien, c’est-à-dire la dynamique, c’est d’amener ces acteurs-là à, eux-mêmes, organiser leur demande, pour pouvoir ensuite les présenter à de potentiels partenaires et obtenir des financements. Je félicite vraiment cette vision de l’ABF… », a, pour sa part, soutenu Bila Abdoulaye Sawadogo, coach (certifié) ABF pour le Bam.

O.H.L
Lefaso.net

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