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Burkina : L’IGD jauge la loi sur le quota-genre et dégage des perspectives

Publié le lundi 23 octobre 2023 à 21h30min

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Burkina : L’IGD jauge la loi sur le quota-genre et dégage des perspectives

L’Institut Général Tiémoko Marc Garango pour la Gouvernance et le Développement (IGD) a, dans le cadre de la mise en œuvre du projet ‘’Empowering Women In Politics (EWIP)’’ qui vise à augmenter la participation, la représentation et l’influence des femmes en politique en Afrique subsaharienne, organisé, mardi 17 septembre 2023 à Ouagadougou, une rencontre sur le quota-genre. Il s’est agi de faire un bilan de la mise en œuvre de la loi sur le quota-genre, sous le prisme du ministère en charge du genre et de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), et surtout d’en dégager des perspectives.

Deux communications ont été livrées pour planter le décor des échanges avec les participants. Ainsi, Libabatou Anetina du ministère de la Solidarité, de l’action humanitaire, de la réconciliation nationale, du genre et de la famille, précisément de la Direction générale de la promotion de la famille et du genre (DGPFG), a dressé le bilan de mise en œuvre de la loi sur le quota-genre aux dernières élections, novembre 2020, avant de dégager des perspectives de reformes.

Elle rappelle d’abord que c’est dans le souci de réduire les inégalités de genre et d’encourager une participation égale et équitable des femmes et des hommes aux sphères de décisions électives, que le Burkina a adopté en 2009, la loi portant fixation de quota aux élections législatives et municipales. Cette loi qui prévoit un quota d’au moins 30% de candidatures au profit de l’un et de l’autre sexe sur chacune des listes de candidatures vise entre autres à améliorer la représentativité des femmes dans ces instances de décisions.

De la g.vers la d. : Esther Somé, Pr Abdoul Karim Saïdou (par ailleurs modérateur des échanges), Libabatou Anetina et le représentant du CIS.

Mais à la pratique du terrain, la loi a révélé des insuffisances. Elle est donc revue en janvier 2020, à la veille des élections présidentielle et législatives couplées de novembre 2020. Les correctifs instaurent désormais l’imposition du positionnement alterné homme-femme sur les 2/3 de toute liste de candidature ; l’instauration d’un quota de 30% de l’un ou de l’autre sexe en tête de liste titulaire sur l’ensemble des listes de candidatures ; la cumulation du quota et du positionnement alterné ; la prise d’une mesure d’incitation au respect de la loi à travers un surplus de financement accordé aux partis politiques ayant respecté la loi.

C’est sous ces nouvelles dispositions que s’est tenu le scrutin du 22 novembre 2022 ; il a enregistré 10 656 candidatures, reparties entre 7 520 hommes et 3 136 femmes, soit 29,4%, relève Libabatou Anetina dans sa communication.

Les participants étaient constitués, en plus des femmes des partis politiques, de responsables d’organisations de la société civile, de représentants d’organisations non-gouvernementales.

« En ce qui concerne les candidat (e)s titulaires, pour un total de 5 328, les hommes sont au nombre de 3 881 contre 1 447 femmes, soit 27,15%. Lorsque l’on tient compte des têtes de liste, on remarque que sur un total de 1 570 candidat (e)s, on dénombre 275 femmes, soit 17, 51%. En ce qui concerne le respect du quota de 30% sur les listes de candidatures, les quelques partis ayant respecté la loi portant fixation de quota sont des partis n’ayant pas eu de siège à l’Assemblée nationale pour la plupart, même quand ils sont présents, ils ont un nombre de députés inférieur à cinq et en plus, pas mal sont méconnus du grand public », fait ressortir Libabatou Anetina. Elle souligne qu’avec ses 46 listes présentées, l’ADF/RDA a placé deux femmes comme têtes de liste, tandis que le CDP avec le même nombre de listes, a mis une seule femme comme tête de liste.

Parité et instauration d’un quota dans les fonctions nominatives

Le mouvement Agir Ensemble a, avec ses 43 listes, placé six femmes comme têtes de liste ; le MPP, 46 listes, a positionné quatre femmes têtes de liste et l’UPC avec autant de listes présentées a positionné une seule femme. Le PDC, 45 listes présentées dont neuf têtes de liste femmes ; AGIR, 43 listes dont huit femmes comme têtes de liste. Quant au PUR, il a présenté 33 listes, d’où il ressort onze femmes en têtes de liste.

« Au total, 220 des 1570 listes ne comportent pas de femmes. C’est la conséquence de la modification qui a supprimé l’article 154 du code électoral dont l’alinéa 5 consacrait le respect de la présence de l’un ou l’autre sexe afin d’éviter les listes unisexes. Le nombre total de listes unisexes par parti se situe entre 2 et 12. Relativement au respect du quota et des modalités de positionnement, selon le rapport sur le respect du quota et des modalités de positionnement dressé par la Commission électorale nationale indépendantes (CENI), aucun des partis, regroupement de partis et regroupements d’indépendants n’a respecté cumulativement le quota et le positionnement alterné. En effet, sur 126 partis, regroupements de partis et regroupements d’indépendants, seuls 23 partis soit 18,25%, ont respecté le quota des 30%. 239 listes sur un total 1 510, soit 15,82% ont respecté le positionnement alterné aux 2/3 supérieurs. Au sortir du scrutin du 22 novembre 2020, l’Assemblée nationale enregistre un effectif de 9 femmes élues et 118 hommes élus sur un total de 127 sièges soit 07,08%. Sur un total de 126 partis, formations politiques et regroupements d’indépendants, qui ont pris part à la compétition électorale, seuls 15 partis politiques ont obtenu des sièges. Sur l’ensemble des 15 partis et formations politiques, seulement deux ont obtenu des sièges des deux sexes au 22 novembre 2020. Au nombre de candidat-e-s têtes de liste ayant remporté leur élection, on dénombre 106 hommes soit 95,5% d’hommes, contre 5 femmes, soit 4,50%. Cependant, avec la responsabilisation de certaines femmes élues et certains hommes élus, l’effectif des femmes et des hommes a très vite évolué. Cet effectif est passé alors de 09 à 15 femmes, soit 11,81% de femmes. A l’analyse de la configuration de la dernière Assemblée nationale, bien que le nombre de femmes ait augmenté, il reste inférieur à la législature précédente où la proportion de femmes était de 13,38% et très loin du quota de 30% escompté », souligne-t-il, ajoutant en commentaire que même l’Assemblée législative de transition n’a pas rempli cet idéal du genre.

Même revue, la loi laisse donc, en dépit de quelques acquis, un bilan mitigé, en-deçà des attentes ; aucun parti n’a respecté cumulativement le quota et les modalités de positionnement.

Cela est lié au fait que la loi n’est pas contraignante vis-à-vis des partis politiques ; elle n’est pas conséquemment comprise par certaines femmes et certains hommes leaders politiques. Aussi, aucune disposition ne donne compétence de rejeter les déclarations de candidature qui ne respectent pas la loi portant fixation de quota, etc.

C’est pourquoi, en termes de perspectives de reformes pour une meilleure représentation des femmes, Libabatou Anetina exhorte à des reformes courageuses, à travers la prise en compte du quota-genre dans la Constitution à l’image du Burundi ; la révision de la loi de janvier 2020 ; l’institution du système de sièges réservés aux femmes à l’Assemblée nationale, dans les Conseils municipaux et régionaux (cas du Rwanda) ; la perte de l’intégralité du financement public pour les campagnes électorales. Elle propose en outre l’intégration de la loi portant fixation de quota dans le Code électoral ; l’instauration de la parité sur toutes les listes et d’un quota dans les fonctions nominatives.

La deuxième communication a été faite par le secrétaire général de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Esther Somé, sur « L’expérience de la CENI dans la mise en œuvre de la loi sur le quota en 2020 ».

Le genre, une question de droits humains, de justice sociale et de développement

Son exposé est une consolidation des éléments soulevés par la précédente communication. « Sur 5 328 candidatures titulaires, les hommes représentent 3 881, soit 72,84% et 1 447 femmes, soit 27,16%. Sur 5 328 candidatures suppléantes, on 3 639 hommes, soit 68,30% et 1 689 femmes, soit 31,70%. Sur le nombre de 126 partis, formations politiques et regroupements d’indépendants ayant déposé des listes de candidatures, seulement 23 ont respecté le quota de 30%, soit 18,25%. Ces 23 partis, même s’ils sont à féliciter, sont presqu’inconnus du public », souligne Esther Somé, parlant des législatives de novembre 2020.

Des insuffisances constatées au niveau de la CENI dans le traitement des dossiers, on note que beaucoup de partis politiques en lice n’ont pas renseigner le formulaire ; les partis qui se sont prêtés à l’exercice ne l’ont pas fait avec toute la rigueur qui sied ; certains formulaires ont été très mal renseignés (la CENI était obligée de se substituer à ces différents partis politiques pour faire ressortir les éléments de respect ou pas du quota). On retient également le manque de conviction sur le bien-fondé même d’œuvrer à une participation équitable des femmes et des hommes en politique ; la persistance d’idées préconçues relatives au genre ; le faible engagement politique des femmes reste une difficulté exacerbée par le fait que les partis politiques ne s’intéressent au sujet que quand viennent les élections.
Le secrétaire général de la CENI soulève également des difficultés inhérentes à la loi, notamment en ce qui concerne le temps imparti au traitement de certaines étapes du processus électoral.

C’est pourquoi, en guise de perspectives, elle suggère que la problématique soit traitée bien en amont des élections ; l’institution des quotas au sein des partis politiques ; le bannissement de la perpétuation des stéréotypes sexistes néfastes à la participation politique des femmes.

Aux partenaires techniques et financiers et à l’ensemble de la société civile, M. Somé propose d’aider à renforcer les sensibilisations/les capacités des femmes/filles dans l’engagement en politique (en faire autant pour les hommes/garçons pour contribuer à une société plus égalitaire et plus juste). Elle souhaite également que les autorités administratives et législatives affichent une volonté plus claire de parvenir à une meilleure prise en compte du genre dans tous les domaines ; instaurent un quota dans les postes nominatifs ; révisent la loi pour y intégrer des sanctions plus sévères. Elle interpelle que la question genre est de l’ordre des droits humains, de la justice sociale et du développement ; d’où la nécessité pour tous de travailler à un changement de paradigmes par l’éducation et la conscientisation.

Selon le directeur exécutif de l’IGD, Pr Abdoul Karim Saïdou, ce projet, ‘’Empowering Women In Politics, mis en œuvre depuis 2019 au Burkina et au Togo, vise à renforcer la participation politique des femmes (donc, renforcer la qualité de la démocratie à travers plus d’inclusion, plus de participation des femmes, notamment au sein des partis politiques). « Donc, c’est un choix stratégique qui a été fait de cibler les partis politiques ; puisque nous sommes dans un système démocratique, dans lequel les partis politiques sont des acteurs-clés incontournables. C’est dans le cadre de ce projet qu’il a été décidé de renforcer les capacités des femmes engagées en politique et également de travailler dans le cadre d’un plaidoyer, à ce que les partis politiques soient véritablement des espaces favorables à l’expression de la citoyenneté au niveau des femmes », souligne Pr Saïdou, précisant que.

Le projet est soutenu par la Fondation internationale du parti du Centre suédois (CIS), qui accompagne également, depuis une décennie,le PYPA (Program for Young Politicians in Africa).

O.L
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 24 octobre 2023 à 13:30, par Yéli Monique KAM En réponse à : Burkina : L’IGD jauge la loi sur le quota-genre et dégage des perspectives

    𝐋𝐚 𝐏𝐞𝐫𝐬𝐩𝐞𝐜𝐭𝐢𝐯𝐞 𝐝𝐞 𝐥’𝐢𝐦𝐩𝐥𝐢𝐜𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐝𝐞𝐬 𝐟𝐞𝐦𝐦𝐞𝐬 𝐝𝐚𝐧𝐬 𝐥𝐞𝐬 𝐢𝐧𝐬𝐭𝐚𝐧𝐜𝐞𝐬 𝐝𝐞 𝐩𝐫𝐢𝐬𝐞 𝐝𝐞 𝐝𝐞́𝐜𝐢𝐬𝐢𝐨𝐧 𝐞𝐬𝐭 𝐮𝐧𝐞 𝐎𝐩𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐝𝐞 𝐒𝐨𝐮𝐯𝐞𝐫𝐚𝐢𝐧𝐞𝐭𝐞́. 𝐄𝐥𝐥𝐞 𝐧𝐞 𝐩𝐞𝐮𝐭 𝐞̂𝐭𝐫𝐞 𝐝𝐢𝐜𝐭𝐞́𝐞 𝐩𝐚𝐫 𝐥𝐞𝐬 𝐏𝐓𝐅 𝐞𝐭 𝐜𝐨𝐧𝐬𝐨𝐫𝐭𝐬 𝐎𝐍𝐆 𝐈𝐧𝐭𝐞𝐫𝐧𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧𝐚𝐥𝐞𝐬 𝐞𝐭 𝐥𝐨𝐜𝐚𝐥𝐞𝐬.

    La preuve est démontrée par les résultats insignifiants malgré les montants élevés de fonds injectés par les PTF dans les activités des ONG internationales et les OSC locales en la matière.

    Depuis les 20 dernières années et notamment après l’insurrection de 2014 :
    - Quel est le bilan des programmes financés par les PTF en matière de promotion des femmes ?
    - Quel est le bilan de l’implication des femmes dans les instances de prise de décision au Burkina Faso ?
    - Combien de nouvelles figures de femmes leaders connues occupent aujourd’hui la scène politique ou publique burkinabè en ce moment de forts défis sociaux ?
    - Un constat amer : la plupart des panélistes de tels programmes ont une aversion de la chose politique mais ont l’appétence pour la "consultance d’expert".

    Au demeurant, les bénéfices des programmes de promotions des femmes et jeunes sont engrangés par les PTF, les ONG internationales et les OSC locales qui sont en réalité dans un processus de captation des fonds caritatifs au niveau mondial comme moyens de survie, et pire, en profitant de la sympathie de nos populations désespérées.

    𝐋𝐚 𝐬𝐨𝐥𝐮𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐝𝐞 𝐥’𝐢𝐦𝐩𝐥𝐢𝐜𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐝𝐞𝐬 𝐟𝐞𝐦𝐦𝐞𝐬 𝐝𝐚𝐧𝐬 𝐥𝐞𝐬 𝐢𝐧𝐬𝐭𝐚𝐧𝐜𝐞𝐬 𝐝𝐞 𝐩𝐫𝐢𝐬𝐞 𝐝𝐞 𝐝𝐞́𝐜𝐢𝐬𝐢𝐨𝐧 𝐞𝐬𝐭 𝐝𝐮 𝐜𝐨̂𝐭𝐞́ 𝐝𝐞𝐬 𝐩𝐨𝐮𝐯𝐨𝐢𝐫𝐬 𝐩𝐮𝐛𝐥𝐢𝐜𝐬.

    Le pouvoir exécutif devrait élaborer une politique stratégique portée à la connaissance du public comportant une vision claire fondée sur les droits de l’homme, du jeune et de la femme. La promotion de la femme est un des aspects pour bâtir un Etat de droit et de la gouvernance démocratique devant contribuer au développement humain durable à travers la promotion d’une égalité de chances et une justice sociale de façon globale.

    Il n’y a que les programmes d’éducation et de création de richesses qui sont à même de faire progresser la participation des femmes et des jeunes dans les instances de prise de décision afin d’éradiquer les causes d’inégalité entre l’homme et la femme au Burkina Faso.

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