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COP27 à Charm El-Cheikh en Egypte : « Nous avons plaidé pour que le producteur ait accès à toutes les ressources nécessaires pour une sécurité alimentaire plus durable », Lanssina To

Publié le jeudi 15 décembre 2022 à 10h45min

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COP27 à Charm El-Cheikh en Egypte : « Nous avons plaidé pour que le producteur ait accès à toutes les ressources nécessaires pour une sécurité alimentaire plus durable », Lanssina To

Du 6 au 20 novembre 2022 se tenait à Charm el-cheikh en Egypte, la COP27. A cette rencontre au sommet pour un nouveau diagnostic du climat mondial, plusieurs délégations de haut niveau. Lanssina To, président de « l’Association un enfant un cartable du Burkina Faso », était de la délégation burkinabè. Dans les lignes qui suivent, il revient sur sa participation à ce sommet et les leçons qu’il en retient.

Lefaso.net : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Lanssina To : Je suis Lanssina To, président de « l’Association un enfant un cartable du Burkina Faso », créée en 2007 avec statut consultatif spécial du Conseil économique et social du système des nations unies depuis juillet 2016 ; l’association a été désignée comme country contact point de Youngo qui est la constituante des enfants et des jeunes de la convention cadre des nations unies sur le changement climatique pour la COY 17 (la 17e conférence des jeunes) et de la COP27. Et aussi coordonnateur de Sustainable future for Africa and the diaspora (SFAD), Future durable pour l’Afrique et la diaspora du chapitre du Burkina Faso dont le siège international est à Atlanta, en Géorgie aux USA.

Pour quel compte étiez-vous à la COP 27 en Egypte le mois dernier ?

J’ai participé à la COP 27 le mois dernier au compte de mon pays au premier chef et aussi étant coordonnateur de Sustainable future for Africa and the diaspora au Burkina Faso faisant partie intégrante de Sustainable future for Africa and the diaspora. Cette coalition mondiale dans plus de 30 pays était représentée par 13 pays dont le Burkina Faso, seul pays francophone de la coalition participant à la COP27 dans ce réseau.

Quelles étaient vos conditions de travail sur place ?

Les conditions de travail étaient très bien à plus d’un titre. En coordination avec la région Afrique, avec L’Egypte comme président désigné ; le système des nations unies à travers la Convention cadre des nations unies sur les changements climatiques et le gouvernement égyptien, les organisateurs ont réussi le pari de d’offrir un cadre propice qui permet de travailler dans les conditions les plus acceptables.

J’ai travaillé avec le groupe des négociateurs sur la thématique agriculture avec l’équipe de notre pays que je salue au passage pour sa collaboration fructueuse qui nous a permis de tenir ce pari avec les autres frères africains et l’ensemble du groupe des 77 + la Chine qui regroupe plus de 133 pays. J’ai aussi participé à différents sides events de la SFAD et ses partenaires qui ont pour focus la justice climatique. Que ce soit au niveau des négociations ou au niveau des sides events, tout a été bien mis en œuvre pour que cette COP27, qui est africaine, soit assez relevée au niveau de l’organisation.

Vous dites que vous étiez du groupe de négociation agriculture, en quoi ont consisté vos activités ?

Avant de répondre à cette question, permettez-moi de fixer et d’expliquer comment les négociations se passent et présenter quelques groupes qui s’y retrouvent. S’il est vrai qu’un pays peut parler et donner son point de vue, il sera inaudible en termes de négociation. Même les grandes nations sont obligées de se mettre en groupes pour pouvoir négocier au lieu de faire cavalier seul. Les pays se regroupent pour faire entendre leurs voix. C’est ainsi que des groupes sont constitués en vue d’avoir la force et de peser dans les négociations. Les principales coalitions de négociation sont :

Le Groupe des 77+Chine : composé de 133 pays en développement et de la Chine. Cette coalition de pays est constituée des membres associés plutôt que des membres à part entière.

Au sein du G77+Chine, nous avons plusieurs coalitions constituées qui partagent la même vision sur la vulnérabilité face au changement climatique.
Le Groupe des pays en développement « homodoxes » (c’est-à-dire partageant la même vision) sur le climat (Like minded developing countries on climate change ou LMDC) Ce groupe n’a pas de présidence officielle mais le porte-parolat est assuré par la Malaisie.

Il y a le Groupe de l’Union européenne,
Le Groupe de l’ombrelle : coalition flexible de pays développés qui ne font pas partie de l’UE et qui s’est formée dans le contexte des négociations climat. Bien qu’informel, il rassemble habituellement les pays suivants : Australie, Canada, Etats-Unis, Norvège, Russie, Islande, Japon, Nouvelle-Zélande, Ukraine.

C’est dans ces groupes de négociateurs que la thématique inscrite pour l’agriculture a été discutée et négociée. Il s’est agi du travail conjoint sur la mise en œuvre de l’action climatique dans l’agriculture et la sécurité alimentaire qui est en anglais le Koronivia join work on agriculture ou l’Action commune de Koronivia pour l’agriculture (KJWA), qui est une décision historique prise au titre de la convention-cadre des nations unies sur le changement climatique (CCNUCC), qui reconnaît le potentiel unique de l’agriculture dans la lutte contre le changement climatique.

L’action commune établit six thèmes interconnectés : les sols, l’utilisation des nutriments, l’eau, l’élevage, les méthodes d’évaluation de l’adaptation, ainsi que la dimension socioéconomique et la dimension liée à la sécurité alimentaire du changement climatique dans les différents secteurs agricoles. Cette décision fait écho à la mission fondamentale que s’est fixé la FAO, à savoir éliminer la faim, l’insécurité alimentaire et la malnutrition, réduire la pauvreté rurale et rendre l’agriculture, les forêts et les pêches plus productives et plus durables.

Quel a été l’apport du groupe dans les activités du forum ?

En rappel, il faut savoir qu’il y a plus d’une douzaine de thématiques inscrites pour les négociations. Je vais citer les dix thématiques qui ont intéressé notre pays : adaptation, atténuation, article 6 de l’accord de Paris, finance, genre, agriculture, pertes et préjudices, les finances, renforcement des capacités, transfert de technologies…. Et le Burkina Faso était présent dans ces 10 groupes thématiques en lien avec les intérêts du pays. Le groupe thématique agriculture auquel j’ai pris part s’est rallié au groupe des 77+ la Chine pour peser sur les négociations et apporter nos points de vue de telle sorte que la décision soit vraiment une décision commune et consensuelle qui rencontre les aspirations de nos pays et nations.

Le dialogue de Koronivia, instauré en 2017 à Bonn (Allemagne) lors de la COP23 présidée par les Fidji (Koronivia est une herbe tropicale et le nom d’un centre de recherche agronomique des îles Fidji). Ce dialogue accueille tous les débats internationaux sur l’adaptation de l’agriculture au changement climatique, comme je le spécifiais, depuis 2017.

Donc c’est la place à accorder au secteur de l’agriculture à la COP 27 sous l’action commune de Koronivia avec les autres groupes et de parvenir à un accord. Il s’agissait dans les négociations que les groupes s’accordent et apportent à mon avis des réponses à des questionnements fondamentaux que sont : comment donner plus d’importance significative à l’agriculture dans la lutte contre le changement climatique ? Pourquoi l’action commune de Koronivia pour l’agriculture est-elle importante ? Quelle forme prend l’appui apporté aux pays ?

Les réponses au premier questionnement sont très capitales en ce sens que la thématique agriculture ne faisait pas partie des négociations sur le changement climatique et son acceptation en tant que thématique majeure est très récente. Elle est très importante parce que l’agriculture apporte en elle-même une partie du solutionnement au changement climatique et elle est aussi une victime expiatoire du changement climatique.

Les réponses au deuxième questionnement sont uniques en leur genre puisque l’action commune de Koronivia pour l’agriculture est le seul programme qui traite d’agriculture et de sécurité alimentaire dans le cadre de la CCNUCC. En intégrant systématiquement l’agriculture aux processus de la CCNUCC, l’Action commune de Koronivia pour l’agriculture peut être porteuse de transformations dans les systèmes agricoles et alimentaires et permettre de tirer parti des synergies et des avantages réciproques qui existent entre adaptation, atténuation et productivité agricole.

Quant au dernier questionnement, les réponses sont relatives aux moyens à mettre en œuvre pour l’implémentation et l’opérationnalisation de l’agriculture sous Koronivia. La FAO doit soutenir les pays en leur fournissant une assistance technique qui leur donne les moyens d’atténuer le changement climatique et de s’adapter à ses effets et renforcer les capacités des experts en agriculture.

C’est à l’aune des réponses apportées à ces questionnements centraux en défendant les positions du groupe tenant compte des avancées que l’on peut apprécier l’apport du groupe à la COP27.

Quel a été l’apport du Burkina Faso dont vous étiez un des représentants à cette rencontre au sommet ?

En attendant des voix plus autorisées que la mienne pour apprécier l’apport du Burkina Faso dans ces négociations, je dirais très humblement à mon niveau et en tenant compte de mon périmètre d’action que, c’est d’abord notre engagement au côté du groupe africain qui se trouve dans le grand groupe des 77+ la Chine avec qui nous avons défendu des points de vues communs au cours des négociations pour prendre en compte les aspirations profondes de paysanneries africaines de telle sorte que le producteur ait accès à toutes les ressources nécessaires pour une sécurité alimentaire plus durable.

Il en est de même des industries de transformations surtout celles de petites tailles dont le modèle économique fait corps avec notre tissu économique. En somme, que la population de notre pays puisse s’adapter aux effets du changement climatique en produisant, en transformant et en consommant responsable sous la décision de Koronivia. Et aussi que les autres pays puissent en faire autant en tenant compte de la vulnérabilité globale de notre environnement, de notre planète, puisqu’il s’agit d’une action commune.

Le forum a été repoussé de deux jours parce qu’il y avait beaucoup de divergences sur les différents engagements de certains partenaires. Quelle était l’ambiance ?

Ce n’est pas nouveau, ces divergences et le non-respect des engagements pris par les parties. C’est essentiellement le nerf de la guerre : la promesse non tenue des pays développés de 100 milliards de dollars au profit des pays en développement pour financer des programmes et ainsi faire face aux effets du changement climatique. Il n’y a pas d’échéancier sur les 100 milliards toujours manquants pour l’aide à l’adaptation et à l’atténuation, aucun progrès sur l’élimination des énergies fossiles. C’est aussi la problématique des pertes et préjudices qui a été discutée et dont un accord a été trouvé aux dernières heures.

C’est aussi d’autres thématiques beaucoup plus techniques comme l’accord de Paris en son article 6. Vous conviendrez avec moi que deux semaines ne suffisent pas pour trouver un accord à tous les sujets de négociation. Il faut faire des avancées, repousser des barrières temporaires et spatiales pour que le monde aille mieux et bien. Ce qui laisse dire que certaines discutions se poursuivent après la COP 27 avec un agenda bien défini.

Comment avez-vous accueilli les conclusions du forum ?

Pour moi en tant qu’Africain et faisant partie de la délégation du Burkina Faso, les conclusions sont mitigées. Il faut parler d’accord thématique par thématique. L’avancée la plus significative, c’est celle sur les pertes et préjudices. Sa reconnaissance d’abord est déjà une victoire obtenue après moult tractations et négociations depuis des années. Le fonds sur les pertes et préjudices doit se mettre en place et être opérationnel de sorte à donner une lueur d’espoir aux pays en développement qui en souffrent énormément. Par conséquent, il serait intéressant de clarifier les mécanismes de financement pour faciliter l’accès à ces fonds.

Pour l’agriculture également, je pense que les conclusions sont assez bonnes.
Pour les autres thématiques, j’avoue que des positions doivent bouger dans le sens à ce que cette COP ne soit pas celle du renoncement. Il ne fallait pas que l’objectif de 1,5 °C de réchauffement climatique meure à Charm el-Cheik. Fort heureusement que cela n’a pas été le cas.

Faut-il en attendre un bénéfice pour le Burkina Faso ?

Bien sûr qu’il faut en attendre un bénéfice ou des bénéfices pour l’Etat central au profit de ses projets et programmes pour ce qui concerne les conclusions officielles de la COP27. Je vous ai également parlé de sides events que beaucoup d’organisations internationales, des ONG et des Etats ont organisés avec la participation des délégations du Burkina Faso. Ces cadres de communication ont été le lieu de partenariats, du networking et des BtoB. Des associations et ONG du Burkina Faso ont pris part à cette COP27 et je suppose qu’elles ont fait des rencontres qui seront à la base d’une germination de partenariats qui aboutiront au profit de leurs structures pour des programmes et projets climat.

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