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Afrique : Dr Lassina Zerbo propose « une diplomatie endogène dirigée par la science et soutenue par une coopération internationale solide et équitable, dans le respect et la dignité »

Publié le lundi 12 décembre 2022 à 23h30min

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Afrique : Dr Lassina Zerbo propose « une diplomatie endogène dirigée par la science et soutenue par une coopération internationale solide et équitable, dans le respect et la dignité »

« Réussir le nexus science et diplomatie pour mieux contribuer à relever les défis du Sahel ». C’est sous ce thème que l’ancien Premier ministre, actuel président du Conseil d’administration de l’Office rwandais de l’énergie atomique, Dr Lassina Zerbo, a animé, ce samedi 10 décembre 2022 à Ouagadougou, une conférence publique. Organisée par l’association Citoyens et développement (CiDev) et la fondation Sécurité, science, innovation et diplomatie (ScID), l’activité a mobilisé un public de diverses composantes.

Dans son amorce du sujet, le conférencier a d’abord situé que la diplomatie dans tous les aspects, c’est simplement la solidarité tous azimuts. Il a ensuite marqué un arrêt sur la jeunesse, considérée numériquement comme l’écrasante majorité de la population. Analysant leurs difficultés pour se réaliser, Dr Zerbo pense qu’il y a un pont générationnel et inter-générationnel à créer pour accompagner les jeunes.

« La confiance en soi, on la perd quand on est dans une situation où on ne voit pas l’horizon. Plus de 70% de la population a moins de 30 ans, cela doit être un espoir, car la jeunesse, c’est l’espoir. Pourtant, il y a une tendance à un pessimisme qui enveloppe. Donc, un hiatus entre l’espoir que suscite la jeunesse et le pessimisme qu’elle inspire. C’est en les accompagnant qu’ils peuvent se réaliser plus tôt. C’est justement parce que nous avons été accompagnés que nous avons eu cette possibilité-là de nous réaliser et aujourd’hui de pouvoir être en lumière dans des débats comme celui-ci », cartographie l’ancien secrétaire exécutif de l’Organisation du traité d’interdiction complète des essais nucléaires.

Vue de participants avec les anciens ministres Alkassoum Maïga, Charlemagne Ouédraogo et Ousséni Tamboura.

« C’est ce paradoxe apparent ou réel, qui met en scène la diplomatie scientifique », campe Dr Zerbo. C’est d’ailleurs cette difficulté qu’il va développer dans les aspects de la diplomatie scientifique.

« Si nous considérons la science comme étant la production des connaissances, et aussi un ensemble de méthodes basées sur la rigueur, la vérification ou la contre-vérification, nous devons aussi accepter que la science, c’est surtout un ensemble de valeurs basées sur l’universalité, la transparence, le désintéressement ». C’est ainsi qu’il définit la diplomatie scientifique avant de soulever par la suite : « Justement, quand on prend ces trois aspects, on va se poser la question de savoir : le diplomate n’est pas universel, parce que le diplomate défend sa nation, il défend les intérêts de son pays, coûte que coûte, vaille que vaille ».

Le diplomate est donc national et cherche à coopérer sur le plan international pour s’assurer que les questions nationales sont celles qui priment lorsqu’il se trouve dans une coopération, poursuit le conférencier, pour qui il y a déjà, au niveau de cette science diplomatie, une espèce d’opposition.

« Le deuxième volet, c’est la transparence. Mais est-ce que le diplomate est transparent ? Je ne parle pas de l’homme, mais de la fonction. La fonction de diplomate n’est pas transparente parce que par essence, le diplomate doit garder des choses en lui-même pour s’assurer des choses, voir ce que l’autre fait pour pouvoir placer ses pions. C’est comme un jeu d’échec. Donc, le diplomate n’est pas transparent. Le troisième élément, c’est le désintéressement. Si je dis que la science, c’est le désintéressement, la diplomatie, elle, n’est pas le désintéressement ; puisque le diplomate est là pour défendre son pays », affiche l’ancien chef de gouvernement burkinabè. Dès lors se pose la question de comment associer deux éléments qui sont totalement à l’opposé.

Pour Dr Zerbo, ces trois éléments (universalité, transparence, désintéressement) montrent d’emblée que la science et la diplomatie sont complètement à l’opposé. « Ce sont justement les progrès de la science, de la connaissance, du savoir et du savoir-faire. C’est cela qui va nourrir la coopération et les négociations pour une science qui alimente la compétitivité idéologique, avec des faits probants. Donc, il s’agira, pour la science, du triptyque « attirer-coopérer-influencer ». Il faut alors séduire pour influencer. C’est ce qui fait du diplomate, d’abord un national ; quelqu’un qui ne doit pas forcement être transparent et qui est forcément intéressé », scrute Dr Lassina Zerbo.

La présentation et la modération ont été assurées par le diplomate Mélégué Traoré (extrême droite), avec à sa droite, Dr Lassina Zerbo et la vice-présidente de l’association Citoyens et Développement.

Retrouver ce burkindlim (intégrité) que nous avons perdu

La question se pose donc de savoir comment réussir ce nexus entre science et diplomatie ? A cette question qu’il a lui-même soulevée, il avise : « Concrètement, il s’agira de jeter des ponts, tous secteurs confondus, entre les personnes, l’expertise, les connaissances et les institutions pour penser collectivement la solution qui ouvre la voie au changement. C’est de cela que nous avons besoin dans notre sous-région. C’est de cela que nous avons besoin pour notre pays. Pour cela, il faudra du CIAV : C comme construire une diplomatie pour la science, I comme intégrer le concept de science pour la diplomatie, A comme accepter le facteur science dans la diplomatie et V vulgariser la science de la diplomatie scientifique ».

Pour étayer ces aspects, Dr Zerbo ramène l’auditoire dans le contexte de l’histoire avant de parler perspectives pour le Sahel.

Ainsi, il fait savoir que l’interface science-diplomatie va au-delà de la construction des relations scientifiques bilatérales ou multinationales ; elle renvoie à des objectifs plus larges de politique étrangère, et mérite d’être pleinement explorée en Afrique. « Il faut développer une diplomatie endogène dirigée par la science et soutenue par une coopération internationale solide et équitable, dans le respect et la dignité. Permettre de renforcer les capacités des sciences, des technologies et de l’innovation grâce à des partenariats régionaux plus solides, plus fiables et plus respectueux. Mais également, utiliser pour identifier, traiter, désamorcer et, in fine, contribuer à résoudre des problèmes transfrontaliers comme ceux que nous connaissons au Sahel », recommande le conférencier.

L’amphi PSUT de l’Université Pr Joseph Ki-Zerbo a refusé du monde.

L’ancien Premier ministre est aussi revenu sur les nombreuses initiatives de jeunes, en encourageant l’accompagnement de l’Etat et une synergie entre acteurs.

Dans le contexte du Sahel, le conférencier prône une « mobilisation cognitive » (qui n’est pas une mobilisation tout court, il faut mobiliser les gens sur la base de les amener à avoir confiance en eux). « Retrouver ce burkindlim (intégrité, ndlr) que nous avons perdu. C’est de cette mobilisation cognitive que nous avons besoin. C’est cette mobilisation cognitive qui nous amène dans des exemples de détection entre les ingénieurs électroniciens, les possibles géophysiciens de l’université, les universitaires, les professeurs, la société civile et ceux qui vivent ces bombes-là sur le terrain. Cette mobilisation cognitive nous amènera à travailler les fonctions cognitives de tout un chacun pour retrouver cette estime et cette confiance », convainc l’ancien chef de gouvernement.

Pour Dr Lassina Zerbo, il n’y a pas de solution miracle, il faut la mobilisation cognitive. « Il faut que nous acceptions de vivre ensemble. Nous n’arrivons plus à communiquer et on semble même vouloir se détester. Mais ça, c’est la peur de l’autre », invite-t-il, insistant sur l’impératif d’apprendre à vivre ensemble « parce quand on a peur de l’autre, on crée des réticences, des difficultés ».

O.L
Lefaso.net

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