Burkina : Kadiogo Régina, la Yennenga de la coiffure et de l’esthétique
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Orfèvre des cheveux, Régina Kadiogo/Nana s’est forgée une réputation dans l’univers de la beauté grâce à un travail acharné et à une détermination à toute épreuve à développer un domaine longtemps sous-estimé : la coiffure et l’esthétique. Nantie d’une expérience de 24 ans, Régina Kadiogo possède aujourd’hui deux salons de coiffure et un centre de formation professionnelle à Ziniaré, ville située à une trentaine de kilomètres de Ouagadougou. Portrait.
Régina Kadiogo est une école, un condensé de leçons de vie. Elle est cette école qui résiste au temps par l’ouverture et le partage de connaissances, connaissances reçues de sa génitrice dès l’âge de sept ans. « Ma mère était une passionnée de la coiffure. Il est vrai que cela ne rapportait pas d’argent comme aujourd’hui, mais lorsqu’elle coiffait les femmes, certaines puisaient de l’eau ou lui apportaient des fagots de bois, en signe de gratitude. C’est de là qu’est née ma passion pour la coiffure », se remémore la jeune entrepreneure.
C’est à Bobo-Dioulasso, en 1996, que Régina Kadiogo commence son apprentissage dans la coiffure avant de poser son baluchon dans la capitale burkinabè pour l’ouverture de son premier salon, sous le nom de Régina Coiffure. Sans carnet d’adresses, tout est à refaire pour la jeune dame. Comment se faire une place au soleil dans une ville d’un peu plus d’un million d’habitants ?
Se surpasser
Convaincue que « la meilleure des publicités est un client satisfait », Régina Kadiogo redouble d’adresse et de créativité pour sublimer ses clientes avec des coiffures à l’africaine. « Il fallait que je travaille dur. J’ai eu beaucoup de difficultés à conquérir le cœur des clientes. Mais tant que le travail était bien fait, les clientes satisfaites me ramenaient toujours de nouvelles clientes », se souvient-elle. C’est le cas de Saoudata Nanéma, une cliente de la première heure qui apprécie la qualité du service et la bonne humeur de la promotrice qu’elle recommande à ses proches.
Les bonnes affaires de la jeune coiffeuse vont malheureusement révéler ce qu’elle qualifie de “cupidité” du bailleur. « Quand mon activité a commencé à marcher, le bailleur est venu réclamer son local en disant que sa sœur, en fin de formation en coiffure, voudrait s’installer. À l’époque, le téléphone portable n’était pas aussi répandu qu’aujourd’hui. Il était donc difficile de contacter les clients pour leur communiquer une nouvelle adresse. Mais comme le dit l’adage, quand on veut, on peut », se convainc Régina Kadiogo.
Du rêve…
Même si son salon de coiffure était une sorte de « laboratoire » pour celles qui désiraient percer dans le métier, Régina Kadiogo voyait grand. « J’aimais transmettre mon savoir aux jeunes. Je n’avais certes pas les moyens, mais je nourrissais l’espoir d’ouvrir un jour un centre afin d’encadrer le maximum de jeunes filles ».
En 2010 donc, elle suit son conjoint lorsque celui-ci est affecté à Ziniaré. Dans cette ville située à une trentaine de kilomètres de Ouagadougou, Régina Kadiogo ouvre un deuxième salon de coiffure plus spacieux pour accueillir des apprenantes. « J’avais cinq filles dans mon salon, mais comme leur nombre augmentait, je me suis dit que ça devenait sérieux et qu’il était temps pour moi d’ouvrir un centre de formation afin de transmettre mon savoir sur le plan théorique et pratique », raconte Régina Kadiogo qui a dû retourner sur les bancs pour acquérir de nouveaux diplômes.
… à la réalité
En 2017, elle obtient le Certificat de qualification professionnelle (CQP) en étant major de sa promotion et plus tard en 2019, le Brevet de qualification professionnelle. « Cela n’a pas été facile de retourner sur les bancs, car j’étais déjà cheffe d’entreprise, épouse et mère. Mais, comme le dit l’adage, quand on veut, on peut ». La même année, le centre de formation professionnelle Séduction Coiffure fait son baptême de feu avec quatorze apprenantes qui avaient au moins le niveau CM2 et tout au plus le niveau de la classe de 4e.
Un taux de succès de 100% à l’examen du CQP depuis 2017
« Je n’avais que quatre jeunes filles à former dans le centre. Mon salon, lui, comptait une dizaine d’apprenantes. En 2017, j’ai également formé une quarantaine de personnes dans le cadre du Projet emploi jeunes et développement des compétences (PEJEDEC). En 2018, le centre comptait six apprenantes, alors que le salon, lui, comptait toujours dix personnes. C’est cela qui m’a poussé à créer le deuxième salon de coiffure puisqu’il n’y avait plus assez de place dans le premier salon. Le centre comptait douze personnes en 2019. Il est passé à 20 apprenants en 2020 et 30 pour l’année scolaire 2021-2022. Et toutes les promotions ont toujours réalisé un taux de réussite de 100% à l’examen national du CQP », se réjouit Régina Kadiogo.
Plus de 1000 apprenants (es) formés (es) par Séduction Coiffure
Aujourd’hui, Séduction Coiffure offre des formations continues dans ses salons pouvant aller jusqu’à 30 jours afin de permettre aux apprenantes qui viennent des quatre coins du Burkina de perfectionner leur art. À ce jour, Régina Kadiogo affirme avoir formé plus de 1000 jeunes apprenants parmi lesquels une dizaine de garçons dans le métier de la coiffure, l’esthétique et la décoration. A l’en croire, elles sont nombreuses ces anciennes apprenantes qui se sont mises à leur compte et avec qui elle entretient toujours de bonnes relations professionnelles au sein de l’association régionale des coiffeuses du Plateau central.
Le suivi et l’appui-conseils aux apprenantes
« J’aide les apprenantes du centre à trouver des salons de coiffure pour leur stage. Je leur donne des conseils sur les zones où elles peuvent s’installer et en tirer profit. Je les suis pendant trois ans avant de les laisser voler de leurs propres ailes. Je suis ouverte et je prends du plaisir à transmettre mes connaissances. Nous sommes appelés à partir, alors nous devons penser à assurer la relève », soutient la jeune entrepreneure qui confie que son centre vient en aide aux jeunes filles en difficultés pour leur scolarité au sein de Séduction Coiffure, grâce à ses partenaires.
« Il n’y a pas de sot métier »
Diplômée du centre de formation Séduction Coiffure depuis 2020, Alida Ilboudo a vite intégré l’équipe du salon après l’obtention de son CQP. A en croire cette passionnée de coiffure qui fait la fierté de Dame Kadiogo, l’ambiance est bon enfant et elle arrive à tirer son épingle du jeu. « Il n’y a pas de sot métier. Pour réussir dans la coiffure, il faut du courage et de la persévérance. C’est un métier exigeant et j’invite les jeunes filles à s’y lancer », conseille Alida Ilboudo qui veut suivre les pas de sa formatrice et ouvrir dans les années à venir un centre de formation en coiffure, afin de faciliter l’autonomisation des jeunes filles.
Une kyrielle de lauriers
La bravoure et l’exemplarité de Régina Kadiogo lui ont valu, au cours de sa riche carrière, plusieurs distinctions et prix. Chevalier de l’ordre de l’étalon, chevalier de l’ordre de mérite de la jeunesse avec agrafe Formation professionnelle, chevalier de l’ordre du mérite avec agrafe Action sociale… la liste n’est pas exhaustive.
Le tableau de chasse est tout autant garni. En 2021, elle est désignée Yenenga de l’année par Canal+ Burkina. « Ce Prix m’a beaucoup apporté, car il a permis de me révéler au grand public. Les gens m’appellent de partout, de Lomé, de la Côte d’Ivoire et d’Europe », se réjouit Dame Kadiogo qui a décroché, en 2021, le Prix national de l’excellence dans l’économie informelle dans la catégorie artisanat/coiffure-esthétique .
En 2020, elle remporte deux nouvelles distinctions aux « Afribusiness Awards » dont le grand Prix du public et le trophée de la Femme entreprenante engagée lors de sa deuxième édition.
En 2019, elle met le grappin sur le trophée « Saneem Poaka » (Femme en or) de la 3e édition de « Africa Mousso ».
En 2018 et en 2021, lors du Prix burkinabè de la qualité, elle remporte respectivement le 1er Prix d’engagement dans la qualité et le Prix spécial pour la réalisation du produit, un prix décerné pour la maîtrise des processus.
Des rêves malgré l’insécurité
Malgré tous ces prix et distinctions, la Yennenga de la coiffure ne veut pas dormir sur ses lauriers. Bien que la situation sécuritaire actuelle puisse limiter les projets d’expansion de son entreprise, Régina Kadiogo reste optimiste quant à l’avenir et continue de travailler à développer sa région en tant que présidente de la Chambre régionale des métiers de l’artisanat et de l’Association Régionale des Coiffeuses (ARC) du Plateau central. Pour Dame Régina Kadiogo, le travail bien fait est la clé du succès et elle s’efforce de partager cette mentalité avec les autres artisans dans un monde devenu de plus en plus concurrentiel.
Herman Frédéric Bassolé
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