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Au palais de justice : Démissionnaire ou poussé à la démission ?

Publié le vendredi 9 décembre 2005 à 08h23min

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Bancé T. Frédéric contre SOCOGIB. Tel est l’intitulé d’un des dossiers examinés par le Tribunal du travail de Ouaga en son audience du 29 novembre dernier. Le demandeur (M. Bancé), dessinateur de son état, a saisi la justice aux fins de faire condamner la Société de construction et de gestion immobilière du Burkina (SOCOGIB), son ancien employeur, qui, dit-il, l’a licencié après avoir modifié unilatéralement et substantiellement son contrat de travail.

Au moment où Frédéric Bancé a été mis à la porte de la société, il avait derrière lui plus de 15 ans de service dans la boîte en tant que dessinateur de bâtiment. A la barre, il a dit avoir été poussé à la sortie par la société, aujourd’hui sous la coupe de AZIMMO du fait de la privatisation, qui l’a sommé d’aller sur le terrain, plus précisément sur le chantier de construction de Ouaga 2000. Au regard de la fonction, dit-il, c’était de l’inédit ce qu’on lui demandait. Mais il dit n’avoir pas véritablement eu le choix parce que c’était s’exécuter ou partir. D’où son "abandon" du bureau, lieu naturel d’exercice de sa fonction, pour le terrain.

Toutefois au bout de 10 mois, il s’est retrouvé dans l’impossibilité d’aller sur le chantier pour raison de santé et aussi du fait de la discrimination dont il dit avoir été victime. Une discrimination qui a pour nom l’absence d’indemnités pour lui alors que, soutient-il, les autres en avaient et celle de voiture pour se rendre sur le terrain. Toute chose l’ayant obligé à utiliser sa propre voiture qu’il a caillassée en fin de compte. Mais avant d’accepter d’aller sur le terrain, le dessinateur précise qu’il a essayé en vain de rencontrer la direction de la société pour lui dire ce qu’il pense de la nouvelle donne.

Mises au point de la SOCOGIB

La direction de la société représentée à l’audience par Aimé Constant Traoré a fait des mises au point par rapport à ce que l’ancien dessinateur a dit. C’est ainsi qu’il a fait savoir qu’il n’y a pas eu modification du contrat de travail de l’intéressé, car ce qui lui est demandé (aller sur le terrain) ne change en rien les relations de travail. Le représentant a également fait savoir que l’ex-employé avait accès à des véhicules mis à la disposition de tous les travailleurs qui allaient sur le chantier. Ce à quoi l’intéressé a répliqué en disant qu’il n’était visiblement pas le bienvenu à bord, d’où l’utilisation de sa propre voiture.

Il conclut en disant qu’il a été envoyé à dessein sur le terrain afin qu’il s’en aille de lui-même face aux difficultés qu’il ne pourra pas surmonter. C’est ce qui, à son avis, s’est passé et ce n’est pas à lui dessinateur qu’on fera un dessin pour lui dire de partir. Il illustre ce qu’il qualifie de volonté manifeste de nuire par la titularisation d’une jeune dessinatrice qu’il a encadrée et à qui l’on n’a jamais demandé de faire le terrain. Réplique du représentant de la société : aller sur le terrain est une question d’organisation et la stagiaire s’y rendrait si son encadreur le lui demandait.

De dessinateur à chef de chantier

La présidente du tribunal, Mme Léontine Zombré, a voulu savoir pourquoi le dessinateur a accepté d’aller sur le terrain. Ce dernier dit s’y être résolu par soumission et attendait l’avenant à son contrat pour user des voies de recours qui s’offraient à lui. Ce qui ne lui a jamais été notifié, a répondu son avocat Me Ambroise Farama du cabinet Tou et Somé. Dans sa plaidoirie, celui-ci insistera longuement sur cette absence de notification de la modification substantielle du contrat de travail qui, dit-il, a transformé du jour au lendemain son client de dessinateur en chef de chantier.

Une modification, soutient-il, que son client a toujours refusée et a même écrit à plusieurs reprises à la direction pour le manifester. Son client a donc été poussé à la sortie par la société qui a fait preuve d’une volonté manifeste de nuire à ses intérêts par un traitement discriminatoire, son remplacement par une stagiaire qu’il a encadrée, la non-notification de la modification du contact. En somme, la rupture du contrat intervenue est du fait de l’employeur dont Me Farama demande la condamnation au paiement d’une indemnité de transport de 509 000 F CFA, d’une indemnité compensatrice de préavis et à des dommages et intérêts de 45 millions de F CFA.

Pas de modification substantielle

Sur la question charnière de la modification substantielle, l’avocat de la SOCOGIB, Me Mathieu Baterlé Somé, a répondu dans sa plaidoirie qu’il n’y en a jamais eu. Pour lui, le demandeur n’a tout simplement pas pu s’adapter au nouveau contexte de privatisation de la société qui veut qu’au nom de la rentabilité d’autres tâches lui soient demandées en plus de celle pour laquelle il a été engagé. C’est dans ce cadre qu’il lui a été demandé d’aller sur le chantier sans jamais abandonner complètement le bureau dans lequel il est confiné depuis longtemps ajoute-t-il.

En renonçant d’y aller par la suite, l’employé a démissionné de lui-même à son avis. De ce fait, il est mal fondé à réclamer quoi que ce soit à la société. C’est pourquoi le défenseur des intérêts de la SOCOGIB a demandé au tribunal de débouter l’ex-employé et également de le condamner à rembourser le trop perçu d’indemnisations qui lui ont été versées par la société quand le différend était au stade de l’Inspection du travail.
A la suite de cette plaidoirie, la présidente du tribunal a donné rendez-vous aux parties le 27 décembre prochain pour le délibéré.

Par Séni DABO

Le Pays

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