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Campagne mondiale « enfants et Sida » : L’ONUSIDA se veut optimiste

Publié le samedi 3 décembre 2005 à 07h12min

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Mamadou Lamine Sakho

Offrir un traitement par les antirétroviraux à 80% des enfants infectés par le VIH/Sida d’ici à 2010, c’est l’un des objectifs visés par la campagne mondiale lancée le 25 octobre 2005 au siège des Nations unies à New York. Le thème de la campagne est « Unissons-nous pour les enfants contre le Sida ».

Au Burkina, le lancement s’est effectué le 1er décembre 2005 à Ziniaré. Aussi, Sidwaya Plus a rencontré le Dr Mamadou Lamine Sakho, coordonnateur de l’ONUSIDA (Programme commun des Nations unies sur le VIH/Sida) au Burkina pour en comprendre les enjeux. Dr Sakho commence par expliquer ce que l’UNICEF et l’ONUSIDA appellent les quatre « P ».

Dr. Mamadou Lamine Sakho : Les enjeux se résument autour de quatre grands axes ou quatre « P ». Le premier, c’est l’axe de la Prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant (PTME). Le deuxième vise à procurer une thérapie antirétrovirale aux enfants. Elle vise à accélérer cet accès qui est actuellement inférieur à trois pour-cent. Nous devons à terme, être à 80% pour l’accès aux ARV chez l’enfant.

Le troisième c’est prévenir l’infection chez les adolescents et les jeunes en incitant au dépistage volontaire et à la réduction des risques et conditions de vulnérabilité des enfants. Le quatrième axe vise à protéger et soutenir les enfants touchés par le VIH/Sida (prise en charge sociale, tout l’environnement psychologique).

La campagne va évoluer dans le temps. C’est-à-dire, que tant que nous n’aurons pas atteint ces objectifs précités, nous n’arrêtons pas la campagne. Le Burkina fait des efforts dans la PTME et même en matière de PTME+, c’est-à-dire aller au-delà de la PTME pour prendre en charge les parents de l’enfant à naître. Il faut accélérer cette couverture de la PTME qui se situe à moins de 10%, et qui devra atteindre 80%. C’est également couvrir les besoins en ARV et en soutien psychosocial particulièrement chez les enfants.

Sidwaya Plus : Quelle est la situation du VIH/Sida au Burkina ?

Dr M.L.S : C’est un problème complexe. L’élément de mesure qui s’appelle prévalence a été utilisé dans tous les pays pour voir l’évolution du Sida. Présentement, dans la sous-région comme dans les pays, les prévalences sont stables ou à la baisse, comparées aux données antérieures. C’est pour cela que dans bon nombre de pays africains, les tendances sont à la baisse, voire à la stabilisation. Au niveau du Burkina, les premières prévalences, établies sur la base de sites sentinelles (qui sont passés de cinq à treize maintenant) donnaient des prévalences de 7%, ensuite 4,2% en 2003-2004. Actuellement, la prévalence est exactement à 2,3%, donc la moitié de la prévalence antérieure. On a senti une baisse, mais stabilisée, parce qu’elle n’est pas encore à zéro. Deuxièmement, les prévalences données par les enquêtes démographiques (EDS) qui couvrent une partie beaucoup plus globale, avec une population qui n’est pas la même que celle visée par les sites sentinelles, trouvent une moyenne nationale de 1.8%. Ce qui est absolument vrai et compatible avec les données de surveillance sentinelle. Pour nous, l’épidémie est stabilisée au Burkina. Le nombre de personnes ayant contracté le VIH/Sida cette année, est estimé à 100 pour 100 000 habitants.

(S P) : ...et les nouvelles infections ?

Les nouvelles infections augmentent d’année en année. Cela veut dire que l’épidémie est encore là et que les taux de prévalence seraient stabilisés dans beaucoup de pays, parce que peut-être, il y a un taux de mortalité élevé. C’est ce qui fait que si nous ne jugeons que par ces taux de prévalence, nous avons tendance à croire que les taux ont baissé ; alors qu’en réalité, chez les jeunes de 15-24 ans, les nouvelles infections augmentent. C’est cela qui préoccupe l’ONUSIDA et l’UNICEF. Nous sommes devant une épidémie où il y a 20 années d’expérience ; beaucoup de personnes infectées sont au stade de Sida maladie, donc développent la maladie actuellement, avec malheureusement un taux de mortalité qui serait élevé, ce qui explique cette discordance. Ça ne remet pas en cause les acquis parce qu’au même instant, les pays ont intensifié la prévention, la prise en charge, les services de dépistage, le plaidoyer. Il y a eu beaucoup d’efforts, particulièrement au Burkina dans le cadre de l’engagement politique au plus haut niveau. Ces acquis ont conduit à ces résultats et doivent être maintenus. Les besoins sont immenses et il faut faire face à une forte demande sociale, par rapport aux ARV, au système de santé qui est extrêmement faible, aux ressources humaines et la motivation, la recherche sur le virus.

Nous devons maintenir la pression jusqu’à inverser, peut-être d’ici 2015, les tendances. Mais par rapport à l’Afrique de l’est ou australe, notre sous-région s’en sort mieux. Car il y a des pays qui ont encore des taux de prévalence de 30 ou 40%

Le nombre d’orphelins, ceux que j’appelle les enfants vulnérables liés au Sida, est estimé à 12 millions en Afrique subsaharienne. Au plan mondial, ces orphelins sont 43 millions liés à toutes les maladies mortelles. Et d’ici 2010, si rien n’est fait, nous risquons d’avoir 20 millions d’orphelins du Sida en Afrique.

Nous avons la situation épidémiologique au Burkina qui tourne autour de 80 000 orphelins liés au Sida, selon l’estimation de 2,3% de taux de séroprévalence. Le cas des orphelins pose un grand problème dans la gestion de l’impact de l’épidémie, quand on sait que certains vont finir comme des enfants de la rue, qui vivent dans une promiscuité sexuelle, sans emploi et multipliant les rapports sexuels incontrôlés.

Les orphelins ont besoin d’une protection sociale, d’une assistance juridique. Les enfants séropositifs de la tranche d’âge 15-24 ans sont estimés à 400 ou 450 au Burkina. Malheureusement, le plus souvent, les ARV ne sont pas disponibles sous leurs formes pédiatriques. Nous devons accentuer le plaidoyer pour que les firmes pharmaceutiques en produisent.

La femme enceinte séropositive a besoin de la névirapine pour ne pas transmettre le virus à son bébé. Partout où il y a une femme enceinte, il doit y avoir ce médicament. Partout où se fait la consultation prénatale, il faut offrir un service de dépistage conseil. Les centres de dépistage devront être intégrés dans tous les services de santé, tous les services où il y a une consultation prénatale. Et là aussi nous en sommes à 2 ou 3% de taux de couverture. Il faut aller à 80%.

Il faut aussi développer la prise en charge par rapport aux risques et aux vulnérabilités de l’adolescent, les jeunes de 15-24 ans, les élèves. Pour ces jeunes, c’est physiologique. L’utilisation du condom, certains n’y croient même pas. De plus, il faut rendre le condom féminin disponible.

(S P) : Alors quel leadership préconisez-vous pour booster la lutte ?

Dr M.L.S. : Il faut traduire l’engagement en actions concrètes. C’est pour cela que la campagne s’articule autour de « Stop AIDS, keep the promiss » (arrêtons le Sida, respectons les engagements). Nous devons également revoir ce que j’appelle la « redevabilité » ou « accountability » en anglais. Si la Communauté internationale a l’obligation de soutenir financièrement les programmes de lutte, les gouvernements et les pays africains ont l’obligation d’avoir des programmes et objectifs pertinents, et de rendre compte aux communautés internationale et nationale. Les partenaires se plaignent parce que nous ne parvenons pas à justifier les fonds. Pour lutter efficacement contre le Sida, il faut également des stratégies concertées entre les pays d’une même sous-région ou région, car le virus ne connaît pas de frontière.

(S P) : Etes vous optimiste sur les chances que l’Afrique a de sortir de cette calamité ?

D’ici 2015, nous pensons que l’épidémie sera plus moins contrôlée... Cette épidémie que je qualifierai de plus grande calamité de l’humanité, nous a fait découvrir beaucoup de choses ; on appris avec le Sida. C’est une maladie à laquelle il faut s’adapter, ne pas rejeter les PVVIH. C’est la plus grande maladie de notre génération, de notre âge. J’ai l’habitude de dire que dans un demi ou quart de siècle, nous ne verrons pas de génération qui n’a pas connu le Sida. Nous pesons notre degré d’optimisme tout en le maintenant. Mais je suis optimiste qu’on trouvera le vaccin. La peste a sévi pendant des années, la variole aussi, mais l’homme a pu les juguler.

Propos recueillis par Abdoulaye GANDEMA
Siwaya

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