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Marie-Ange Somdah, écrivain et citoyen du monde

Publié le lundi 12 décembre 2005 à 09h22min

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Marie-Ange Somdah

Marie-Ange Somdah est un écrivain Burkinabè qui vit dans le pays de l’Oncle Sam depuis 14 ans. Il a également passé 10 années de sa vie en France. C’est un homme de lettres aguerri. Il enseigne également plusieurs matières dont la littérature francophone, le cinéma, la création poétique, l’histoire...

Il est certes loin du pays des hommes intègres, mais son cœur ne sait point détourné de sa patrie. Pour lui, « l’écrivain est un citoyen du monde ». Via la net, il a accordé une interview à lefaso.net. Découverte...

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Marie-Ange Somdah. Je suis né à Ouagadougou. Avec mes frères et sœurs, j’ai suivi mes parents au gré des mutations administratives dans différentes régions du Burkina Faso. Ils ont longtemps travaillé dans le domaine de la santé. Après mes études primaires à Tanghin-Dassouri (Province du Kadiogo), à Malba (Province du Poni) et enfin à Diébougou dans la Bougouriba, je suis allé au Petit Séminaire de Nasso (Bobo Dioulasso).

Après l’obtention de mon Bac au Lycée Newton de Ouagadougou, je me suis inscrit à l’Université de Ouagadougou en Lettres et Sciences Humaines. Puis ce fut le départ pour la France où j’ai étudié à l’Université de Franche-Comté (Besançon). Après l’obtention de mon doctorat, j’y ai enseigné avant de m’envoler pour Boston (Massachusetts) pour rejoindre ma femme. A Boston, j’ai reçu une formation en International Development à Boston University. Actuellement, je suis basé en Californie.

Depuis combien de temps vivez-vous aux Etats-Unis et qu’y faites-vous exactement ?

Cela fait quatorze ans que je vis aux Etats-Unis. Si j’ajoute les dix années passées en France, cela fait une longue tranche de vie passée à l’extérieur du Faso. Je suis actuellement professeur à Humboldt State University en Californie. J’ai le privilège de porter plusieurs casquettes ou si vous voulez de disposer de plusieurs cordes à mon arc. Je suis un pluridisciplinaire. J’enseigne dans différents domaines : littératures francophones, cinéma, histoire, création poétique, création de fiction. Outre ma formation en lettres, j’ai d’autres champs d’intérêt.

Cette base pluridisciplinaire a commencé à l’université de Ouagadougou où il y avait à l’époque un programme diversifié en Lettres et Sciences Humaines : littérature africaine d’expression française, littérature africaine d’expression anglaise, littérature française, anthropologie, sociologie, philosophie, linguistique générale, linguistique africaine : transcription des langues africaines, cinéma, études des contes et des masques, dramaturgie, littérature maghrébine, littérature antillaise, sciences de l’éducation. J’ai donc poursuivi mes études et mes recherches en étant sensible à l’apport des autres disciplines, à la dynamique que pouvait créer l’interaction de différents champs. Et, je crois que cela est important dans la recherche. C’est ma base de réflexion.

Actuellement, je suis dans une université qui me permet de mettre en valeur ces différents aspects de ma formation. Et je voudrais dire que la formation de départ que j’ai reçue au Burkina est très solide. Il faut le souligner car nous avons parfois tendance à sous-estimer la valeur de ce qui est « Made in Burkina Faso ».
En dehors de l’enseignement, je suis poète, romancier, nouvelliste, chansonnier, dessinateur aussi à mes heures perdues. J’ai écrit plusieurs ouvrages (14 titres) dont certains en Anglais (Seeds & Deep Seasons publié à New York). Je suis de plus en plus attiré par l’écriture en langue anglaise. Pour mes prochaines publications, je prépare un roman et un recueil de poésie en anglais. Pour l’année 2006, je publierai 5 ouvrages.
Enfin, je suis aussi traducteur et consultant dans le domaine de l’éducation et du développement.

Comment vous est venu le goût pour l’écriture ?

Tout a commencé par le dessin (les bandes dessinées... Zembla le Rock etc. ) et la peinture à l’école primaire de Diébougou. Et, ensuite, au Petit Séminaire de Nasso où je dévorais les livres. La lecture nourrit et entretient l’imagination, un élément capital dans la pratique d’écriture. Et ce n’est que plus tard à la fin de ma dernière année au lycée Newton et à ma première année d’université, que je me suis engagé réellement à l’acte de création. Je gravais telle sensation, telle idée sur des bouts de papier. Des mots et des expressions ici et là pour ne pas perdre la saveur de telle image ou de telle idée lumineuse. C’est aussi, à cette époque que j’ai écrit ma première pièce théâtrale dans le cadre d’un cours de dramaturgie. Et mon premier livre, Demain sera beau (poésie), a été publié alors que j’étais encore étudiant à l’Université de Franche-Comté. Donc, l’observation du quotidien et la lecture ont permis de créer en moi des espaces pluriels, d’approfondir en moi une certaine quête de l’humain, autant d’éléments qui ont forgé ma plume.

Mais alors, d’où puisez-vous votre source d’inspiration ?

L’écrivain est un citoyen du monde. L’imagination nous fait voyager sous tous les cieux et, je crois qu’il n’y a rien de plus formidable que le mélange des sensations, des balbutiements, des odeurs, des mille espérances, des cris et des joies sur des visages aux mille couleurs. Mon environnement immédiat et lointain participe à ma praxis d’écriture. Alors, je dirai que la muse est multiple et n’a pas de frontières. Et comme je voyage beaucoup, cela transparaît dans mes écrits. Ma poésie a pour ports d’attache le pays natal, l’Afrique, le monde entier. Mon dernier roman, Un Soleil de Plomb, a pour cadre une île des caraïbes, Boston et New York. Dans l’un de mes récents textes, Hôtel la Désirade & autres récits, chaque nouvelle a pour cadre un pays différent : Burkina Faso, Mali, Kenya, Bénin, Niger, Haïti, la Guadeloupe, les USA, etc. C’est aussi une démarche où se lit mon souci de faire partager l’expérience mondiale, la somme des expériences individuelles, collectives où se lisent les mêmes caractéristiques d’une mutation permanente.

Cela dit, quel est le genre littéraire qui vous permet le mieux de vous exprimer ?

Je suis poète avant d’être romancier. Mes œuvres romanesques s’appuient sur une esthétique poétique. A mon avis, la poésie permet d’enrichir l’univers romanesque par une langue plus approfondie. Je vis la poésie au quotidien. C’est ce qui me permet de mieux capter des images, des émotions, des ellipses, des silences qui valent leur pesant d’or. Ce sont des instantanés de vie, des cartes postales d’où peuvent jaillir de nouvelles aventures, de nouveaux desseins.

Dans le cadre de la promotion de la littérature Burkinabè, vous avez lancé un appel à textes. Quelles sont les conditions de participation ? Où peut-on envoyer les textes ?

Merci de mentionner cet appel. Je souhaite recevoir des textes d’une certaine maturité. Les œuvres seront jugées sur les critères suivants : originalité, qualité littéraire. Il est important que les différents intéressés veillent à faire relire leurs œuvres avant de les envoyer. C’est un désavantage d’envoyer un manuscrit bourré de fautes. D’autre part, n’envoyez pas plus de poèmes, plus de nouvelles ou plus de pièces que le nombre demandé. Cela entraînerait la mise à l’écart de votre participation. Veuillez envoyer vos textes sur une disquette neuve au format IBM/PC à l’adresse suivante :

Prof. Marie-Ange Somdah
Humboldt State University
Department of World Languages & Cultures
1 Harpst Street
Arcata, CA 95521
USA
E-Mail : ms155@humboldt.edu

Vous préparez actuellement un volume II sur la littérature Burkinabè. De quoi s’agit-il précisément ?

Après le succès d’Ecritures du Burkina Faso, Vol.I., j’ai pensé qu’il était nécessaire de poursuivre l’exploration de notre littérature en publiant un deuxième volume, Ecritures du Burkina Faso, Vol.II. (parution en Mars 2006). Il n’existait pas un ouvrage de critique littéraire sur notre littérature. Maintenant, c’est chose faite. Le deuxième volume est encore une opportunité de faire connaître d’autres œuvres du terroir. Nous nous plaignons souvent des écrits de certains spécialistes extérieurs et nous ne mettons jamais la main à la pâte pour dire nos cultures ou pour tout simplement rectifier certains mensonges et aberrations sur nos sociétés. L’acte de parler a pour prolongement l’action. Mais, ce n’est pas toujours ce que nous faisons. Le deuxième volume regroupe des chercheurs de différentes origines qui ont bien voulu apporter leurs contributions à l’analyse critique de la littérature burkinabè. Cet effort est un maillon de la chaine. Cela s’inscrit dans ma volonté d’œuvrer à la promotion de nos écrivains et à la diffusion de la littérature Burkinabè dans le monde entier.

De façon générale, que pensez-vous de la littérature Burkinabè ?

Je crois qu’elle mûrit d’année en année avec une qualité accrue. Il y a des initiatives personnelles fructueuses et très encourageantes. Elle n’est pas encore réellement bien connue mais les choses sont en train de changer. Maintenant, dans l’hémisphère nord, Ecritures du Burkina Faso, Vol.1. est disponible dans un certain nombre d’universités américaines et canadiennes et cela permet aux chercheurs et étudiants de cette partie du monde de découvrir notre littérature. La promotion doit se poursuivre. Ce que je souhaite vivement c’est favoriser l’accès aux livres au Burkina Faso. Les livres coûtent trop cher pour les citoyens Burkinabè. Serait-il possible d’ôter les taxes sur les livres ? Mais, au-delà de cet aspect, il y a un important travail à faire à la base en créant par exemple des bibliothèques mobiles, itinérantes dans les villes comme dans les campagnes.

Abordons à présent le côté jardin. Comment se présente une journée de Marie-Ange Somdah ?

Ma journée commence par l’internet. Je dois lire mes emails, notamment ceux provenant de l’université. Etant professeur, vos étudiants vous envoient des messages. Donc, il est important d’avoir ces informations avant d’arriver à l’université car, il y a parfois des urgences. Après la lecture de mes messages, je fais des exercices physiques. Pendant le week-end, je fais mes 10 kilomètres de course de fond. Après une douche et une tasse de thé vert, je corrige quelques copies avant de prendre le chemin de l’université. J’enseigne du lundi au jeudi. Alors, cours, réunions, rencontres avec les étudiants etc. Je passe donc toute la journée à l’université. A midi, je mange dans mon bureau. Le soir, je m’offre un moment de détente puis préparation de cours et corrections. Je suis un couche-tard. Pourquoi ? Eh bien, j’écris si la muse me rend visite.

Rencontrez-vous des compatriotes aux Etats-Unis ?

Oui, j’en rencontre ici et là. A l’occasion, je les invite pour que nous prenions un repas ensemble. C’est important de garder la chaleur et l’esprit de communauté. Cela nous permet de survivre dans Babylone !!!

Quels sont vos loisirs favoris ?

Le foot me manque. Mais puisque mon fils est un fan du vrai football (pas le football américain), nous jouons parfois sur la plage. J’adore aussi cuisiner, faire des dessins. Je suis un mélomane. J’écoute différents genres de musique : burkinabè (Ballaké, etc.), africaine (Fela Kuti, Papa Wemba, Lokua Kanza etc.), reggae (Alpha Blondy, Burning Spear etc.), irlandaise et anglaise (Van Morrison, Eric Clapton etc.), américaine (BB King etc.). Je travaille toujours en musique. Cela crée un univers propice à la gestation créatrice. La lecture m’offre aussi un moment de détente.

Vu vos nombreuses occupations, avez- vous le temps de parcourir la presse burkinabè en ligne ?

Oui. Le faso.net est le site que je consulte pour avoir rapidement un aperçu de l’actualité du Faso. C’est une initiative originale qui m’informe et me fait gagner du temps.

Un message à l’endroit des Burkinabè qui vous lisent actuellement ?

Je suis au loin mais le pays reste en moi comme un lieu de réflexion et de dialogue avec les autres cultures. Alors, j’essaie de le faire découvrir ici. Je dirai ceci : « Où que vous soyez, vivez votre culture pour mieux dialoguer avec l’autre ».

Interview réalisée par Arsène Flavien Bationo (bationoflavien@yahoo.fr)
Lefaso.net

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