LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

Dr Emile Ouédraogo : La CEDEAO devrait faire preuve de souplesse dans la prise de décisions concernant le Burkina

Publié le jeudi 3 février 2022 à 23h00min

PARTAGER :                          
Dr Emile Ouédraogo : La CEDEAO devrait faire preuve de souplesse dans la prise de décisions concernant le Burkina

Enseignant chercheur en droit public à l’université Nazi Boni de Bobo Dioulasso et avocat inscrit au Barreau du Québec, le Dr Emile Ouédraogo donne son analyse de la situation politique et juridique du Burkina Faso quelques jours après le coup d’Etat qui a mené le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) au pouvoir. A travers cette interview, le Dr Ouédraogo revient sur les textes fondamentaux de la CEDEAO ainsi que les nouvelles réformes institutionnelles que les désormais nouveaux hommes forts du pays doivent entreprendre. Des reformes qui pourront permettre d’amorcer l’impulsion pour une démocratie réussie et un développement durable.

Lefaso.net : Vous avez été modérateur d’une conférence qui s’est tenue à Ouagadougou le 21 janvier 2022 et qui revenait sur les enjeux juridiques des sanctions communautaires prises à l’encontre du Mali. Est-ce que vous vous attendiez à ce que quelques jours après un coup d’Etat ait lieu au Burkina ?

Dr Emile Ouédraogo : La conférence a eu lieu le vendredi et le coup d’Etat est intervenu au Burkina Faso à partir du samedi. Nous avons eu la chance d’avoir pu organiser cette conférence parce que dans notre programmation, nous avions voulu la faire le samedi. Mais nous avons quand même pu la tenir et comme vous l’avez vu, il y a eu un engouement, un intérêt certain. Nous attendions 150 personnes mais finalement nous étions obligés de changer de salle. Dans nos décomptes, plus de 350 personnes étaient présentes. Nous avons même dû refuser des inscriptions. En organisant cette conférence, l’idée n’était pas de soutenir les autorités maliennes ou de dénigrer la CEDEAO. L’objectif était d’observer une posture exclusivement scientifique et juridique. On ne s’attendait pas à ce que notre pays se retrouve dans cette situation le lendemain. C’est un fait accompli, il faut en prendre acte.

Après le coup d’Etat, la Constitution a été suspendue. Mais à présent, elle est rétablie et il s’est ajouté un acte fondamental. Quelle interprétation peut-on faire de cette situation ?

Je pense qu’un acte fondamental, comme son nom l’indique, est un instrument de nature constitutionnelle qui permet de réguler la société et les institutions. La Constitution étant inexistante en certains de ces termes et dispositions, les nouvelles autorités ont sans doute voulu offrir un cadre qui permet de donner une onction de légalité à l’exercice du pouvoir d’Etat. Comme vous le savez, la constitution a été rétablie.

Mais toutes ses dispositions ne l’ont pas été. La plupart des dispositions, en ce qui concerne le corpus des droits de la personne ont été reversées dans l’acte fondamental. On y retrouve aussi des dispositions qui encadrent la gestion du pouvoir public. Donc, c’est un cadre constitutionnel que les nouvelles autorités se sont données pour essayer de mettre en place leur feuille de route en attendant l’adoption d’un acte plus inclusif. Je pense à une Charte de transition. C’est donc une Charte de transition qui pourra régir le Burkina Faso dans les prochains mois jusqu’au retour à la vie constitutionnelle normale. Après, on peut toujours discuter scientifiquement de l’opportunité ou non de cette posture. C’est un bon sujet de débat académique et chaque thèse pourrait se défendre aisément.

L’initiative du coup d’Etat a été appréciée ou simplement condamnée par principe par certaines personnes. Quelles interprétations pouvez-vous faire de cet état de fait ?

Il faut faire la différence entre le juriste et le politique ou ceux qui travaillent dans la politique ou encore la société civile ou d’autres organisations qui sont là pour défendre des intérêts bien définis. Ce sont des intérêts qui peuvent bien entendus être légitimes. Ça peut être des intérêts politiques, en matière juridique ou sociale. Ce qui est sûr, c’est que chacun a son rôle. Et de ce que l’on a pu entendre, il y a certains qui ont condamné sincèrement, d’autres implicitement. Il y en a qui utilisent les condamnations comme des instruments pour parvenir à leurs fins. Il y en a même qui ne connaissent pas exactement toutes les implications du mot. Quant au juriste, il n’est pas obligé de réciter nécessairement la même litanie. Néanmoins, il doit le dire et constater simplement qu’un coup d’Etat enfreint les règles constitutionnelles établies. Et cela, personne ne peut le nier.

Mais après vous me posez la question de savoir pourquoi certains intellectuels ont applaudi et d’autres ont condamné ? C’est difficile de le dire mais on peut essayer d’avoir des hypothèses sans justifier telles ou telles postures. Dans un Etat de droit, chacun est libre d’avoir sa position. Cela peut expliquer qu’il y ait eu une diversité de points de vue sur les évènements aussi délicats que ceux que notre pays vient de vivre. J’espère que vous ne vous attendiez pas à ce que les anciens tenants du pouvoir puissent applaudir la situation. Ou encore ceux qui luttaient pour plus de liberté d’expression, pour plus de bonne gouvernance, puissent totalement être déchantés par rapport à la situation. Ce sont des faits et des tendances qu’il faut simplement constater. Donc les points de vue sont vraiment diversifiés.

Il faut le constater et laisser tout le monde s’exprimer. Ce qui est important, après l’expression des humeurs, il faut se saisir objectivement de cette opportunité pour voir ce qui n’a pas marché. Il faut faire un bilan sur le comment et le pourquoi et jeter les bases solides et intangibles d’un Burkina nouveau. Je me réjouis du fait que les nouvelles autorités parlent de refondation. Il faut présumer de leur bonne volonté, et que chaque burkinabé, selon ses possibilités, puisse jouer son rôle pour que la société et nos institutions soient véritablement refondées. Cela permettra d’éviter des situations identiques à l’avenir.

Il est prévu une rencontre de chefs d’Etat pour discuter de la situation du Burkina le 3 février 2022. Est-ce que l’on peut s’attendre à une sanction de leur part ?

Lorsqu’il y a un changement anticonstitutionnel du pouvoir d’Etat par quelle que manière que ce soit, il y a des sanctions automatiquement et cela est prévu par le protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance de la CEDEAO. Les sanctions qui sont systématiques impliquent la suspension pure et simple du pays de l’organisation. Cela peut induire par exemple le refus de l’organisation de soutenir les candidatures du pays à l’échelle internationale. Donc le Burkina, s’il a des candidatures à présenter pour un poste quelconque n’aura pas le soutien de l’organisation. Cela peut se traduire aussi par l’interdiction faite au Burkina de participer aux réunions de la CEDEAO. Voici, entre autres, les sanctions qui sont prises. Les sanctions qui sont prévues au niveau des textes sont des sanctions graduelles. Cela veut dire que l’on part crescendo en fonction de l’analyse factuelle de la situation. Vous avez pu le constater, la CEDEAO a d’abord fait une réunion virtuelle des chefs d’Etat.

Après cette réunion, l’institution a décidé d’envoyer au Burkina Faso une mission d’abord militaire et par la suite une mission civile. J’ose croire que la mission militaire qui a précédé la mission civile a pour objectif d’écouter les nouvelles autorités et d’évaluer aussi la situation sécuritaire dans laquelle se trouve notre pays. Le rôle de la mission civile était sans doute d’évaluer les questions politiques et de se renseigner sur les dispositions que pourraient prendre les nouvelles autorités dans les semaines à venir. Les deux ingrédients mis ensemble me permettent en tant qu’observateur de dire que les instances de la CEDEAO devraient pouvoir faire preuve de souplesse en ce qui concerne la prise de décisions éventuelles concernant le Burkina.

Je ne souhaiterais pas que mon pays soit visé par des sanctions aussi sévères qui mettent à mal non seulement la lutte contre le terrorisme et qui empêchent tout le peuple de regarder vers l’avenir avec plus de sérénité. Les sanctions supposent le manque de moyens ou le manque de coopération tous azimuts. Alors que cette situation dans laquelle nous nous trouvons nécessite des moyens à tous les échelons et des partenaires internationaux pour pouvoir arriver à bon port. Donc, je pense qu’avec le sommet de la CEDEAO, il y aura de la clairvoyance, des positions très équilibrées qui vont dans le sens d’accompagner le Burkina Faso à sortir de cette situation. Je crois fermement que ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est un accompagnement. Cela ne devrait pas être perçu - comme certains le craignent – comme un quitus à l’ère des régimes d’exception.

Quelles sanctions pourraient être appliquées contre le Burkina Faso à l’issue de la rencontre des chefs d’Etat ?

Je ne suis pas dans les secrets des dieux et dans ce sens je ne sais pas ce que les chefs d’Etat concoctent pour le Burkina Faso. Tout ce que je peux dire, c’est que lorsque l’on observe la situation de notre pays et celle des autres pays qui nous entourent, la question sécuritaire doit être un ingrédient à prendre dans l’examen de la situation politique. Je pense que, plus que des sanctions, il doit y avoir une certaine solidarité, une action décisive pour aider l’Etat à mener un processus transitionnel réussi, et à poser les fondements d’une cohésion sociale plus poussée. Je crains que la dureté des sanctions puisse constituer un frein à la lutte contre le terrorisme, un obstacle à la situation sécuritaire et être source de difficultés. Ce que je dis anticipe sur la réunion de la CEDEAO.

Et je dois m’excuser car ici, c’est moins l’intellectuel que le citoyen qui parle : Attention, en ce qui concerne le Burkina Faso, si vous voulez prendre des décisions, il faut tenir compte de ses impératifs sécuritaires afin de l’amener à sortir de cette situation. Trop de sanctions pourraient tuer l’efficacité de la sanction, suis-je tenté de prévenir ! Il faut donc bien analyser la situation d’espèce et tenir compte des bonnes dispositions exprimées. J’ai pu lire dans les médias que la CEDEAO a noté une bonne disposition des autorités actuelles à mener un processus qui permet de revenir à la normale.

Ces ingrédients, l’accalmie observée, en plus de l’engagement sur le terrain sécuritaire de notre pays, me permettent de dire qu’il faudrait accompagner le processus actuel afin qu’on puisse en sortir avec des résultats visibles. En tout état de cause, une discussion doit s’imposer tout au long de la marche entre les nouvelles autorités, les institutions communautaires et même les partenaires internationaux, pour qu’on ne se retrouve pas dans des situations irréversibles qui n’arrangeraient ni les pouvoirs publics actuels, ni le peuple burkinabé, encore moins la CEDEAO et la communauté internationale. Il faut tout simplement éviter de faire le lit à nos ennemis communs.

Pour le burkinabé lambda, les nouvelles autorités doivent pouvoir remettre le pays sur les rails dans un délai de cinq ans. Qu’en pensez-vous ?

A mon humble avis, dans une situation aussi difficile que celle dans laquelle le Burkina Faso se trouve, le calendrier de la transition fera sans doute l’objet d’une discussion plus large. Je crois qu’après les différentes visites des institutions communautaires, après cette large consultation qui est en cours, les nouvelles autorités proposeront un calendrier. Une chose est sûre, il y a une nécessité de poser les fondements qui, de l’analyse, ont manqué pour que nous en soyons arrivés à cette situation. A la question de savoir en combien de temps cela pourrait se faire, je ne puis vous le dire. Je ne saurai donc donner un délai précis pour cet exercice parce que la question de réforme institutionnelle à tous les niveaux nécessite une étude précise, une réflexion pointue et une concertation avant de proposer une date qui puisse faire consensus.

Pour moi, il faudrait simplement se donner un délai raisonnable mais un délai consensuel. Les nouvelles autorités elles-mêmes ont parlé de délais raisonnables lorsque la situation le permettra. Il faudrait donc présumer de leur bonne foi. Ce qui est sûr, cette période transitoire doit pouvoir avoir le temps et la latitude de poser des jalons qui permettent de ne plus se retrouver dans de pareils travers. Autrement, la finalité du changement ou de la refondation dont on parle ne sera pas atteinte.

Quelles sont les modes de refondation qui doivent être entreprises par les nouvelles autorités ?

Les chantiers qui attendent du MPSR sont immenses. Il y a toute une architecture institutionnelle à bâtir. Il est nécessaire de mettre les hommes qu’il faut à la place qu’il faut. Analysant les choses avec beaucoup de modestie, je pense qu’il faut des personnes qui ont à cœur de travailler de manière sincère, sans relâche et avec beaucoup de détermination afin d’accompagner le processus qui sera mis en marche. Il faudrait des personnes qui ne sont pas guidées par des intérêts personnels. On pourrait se fonder sur une certaine neutralité vis à vis des chapelles politiques et miser sur les compétences. La neutralité absolue n’existe sûrement pas, mais il faudrait être strict dans le choix des personnes. Il faudrait aussi des individus qui ont une profonde connaissance de la dimension des tâches qui leur seront confiées.

C’est à ce prix que les autorités vont pouvoir dérouler leur agenda pour atteindre les résultats escomptés. Toutefois, il ne faudrait pas oublier qu’une refondation touche à tous les niveaux de la vie politique et sociale, à savoir les hommes, les institutions politiques, la construction du patriotisme et du civisme, les reformes touchant au volet économique et financier, etc. Je crois que l’ensemble des Burkinabè et des autorités ont le temps de mener un diagnostic sérieux sur la vie politique, sociale, économique, culturelle, etc., afin de déterminer les maux qui nous ont conduit là. Une fois ces maux diagnostiqués, il faudrait proposer un calendrier qui permet de sortir de cette situation et pouvoir aller de l’avant. Lorsque la vie constitutionnelle normale sera retrouvée, les nouvelles autorités qui seront appelées par l’ensemble des citoyens auront des fondements solides. En ce moment, des dérives insupportables ne seront plus permises.

Les garde-fous à mettre en place devront être solides pour éviter tout retour en arrière. C’est tout un chantier à dérouler et tous les Burkinabè doivent être déterminés pour que tout cela puisse se faire. On a beau construire tout cela, si les fondements juridiques ne sont pas solides, c’est comme si l’on construisait un château de sable. Parlant de fondements juridiques, je pense ici aux réformes judiciaires. La justice représente la pierre angulaire de l’édifice institutionnel d’un pays. Si la justice est faible, les reformes vont s’en trouver impacter. La justice doit donc être un élément crucial. Il faut saisir cette fenêtre d’opportunité pour faire reposer la justice sur un fondement inébranlable. Par exemple, si vous êtes investisseurs et voulez investir au Burkina mais que vous doutez qu’en cas de problème vous aurez une décision neutre, impartiale et solide, vous ne viendrez pas.

Que vous soyez intellectuel, politique, homme d’affaire ou citoyen lambda, on doit sentir que la justice est la même pour tous. Le citoyen burkinabé doit avoir confiance en sa justice. Il doit se dire que s’il va en justice contre un ministre ou un homme riche au Burkina en ayant raison, il est en droit d’obtenir une décision neutre, impartiale et objective. Ce n’est pas parce que l’on est pauvre ou riche que l’on a tout le temps raison, mais il faut des décisions de justice indiscutablement motivées et objectives pour que le justiciable ne doute point de la justice. C’est à ce prix que les institutions pourraient reposer sur des fondements solides. Que celui qui vole un sac de riz dans une boutique ne soit pas plus récriminé que celui qui vole 10 millions dans les caisses de l’Etat. Rien ne peut se faire tant que l’on ne sent pas qu’il y a une égalité devant la loi et devant le juge. Cette maxime de notre Constitution qui dit que nous sommes tous égaux devant la loi devrait être une réalité dans la vie de tous les jours. C’est ainsi que nous pourrions nous en sortir.

Est-ce que tout cela est possible ? Et comment parvenir à un tel résultat ?

Bien sûr ! Voilà pourquoi on parle de reformes et de refondation. Les Burkinabè ont beaucoup d’atouts et de discernement pour y réfléchir et construire des institutions intangibles. Ce que les autres ont réussi ailleurs, nous pouvons aussi le réussir ici et même mieux. Après il ne suffit pas de se précipiter, il y a des paramètres à prendre en compte sans doute. L’élément clé, c’est l’éducation des mentalités et notre approche d’avec la chose publique et commune. Cela va prendre du temps certainement, mais il faut travailler pour que les mœurs soient contaminées et enivrées par la nécessité d’aller vers une justice irréprochable pour tous. Il faut se donner les moyens de le faire. Rien n’est impossible. Il faut juste de la volonté, une disposition d’esprit à tous les niveaux et que les acteurs travaillent sans calculs et intérêts personnels mais que le tout soit guidé par l’intérêt commun.

La situation actuelle a imposé dans le langage courant le mot réconciliation. Quel est votre avis sur la question ?

Un pays qui n’est pas réconcilié avec lui-même ne peut pas avoir les ingrédients nécessaires pour construire son pacte social. Il faut bien entendu se réconcilier et c’est un impératif. Mais parlant de réconciliation, tout dépend de ce que l’on met en avant. La réconciliation signifie que tous les fils et filles de ce pays se mettent ensemble, qu’il y ait plus d’interaction entre les couches sociales et ou politiques ; il faut mettre sur la table nos forces et nos faiblesses, ce qui a marché et ce qui n’a pas marché, nos succès et nos échecs ainsi que nos erreurs et mauvais penchants. Nos fils et filles exilés doivent pouvoir revenir au bercail en toute liberté. Nous devrons absolument nous regarder et nous parler, etc.

La réconciliation implique beaucoup de choses. Mais en tant que juriste, je sais que la réconciliation ne signifie pas impunité. Lorsqu’il y a une situation dramatique dans un pays, il faut que la justice joue son rôle de manière neutre, objective et indépendante. Encore faut-il qu’elle puisse le faire sans être instrumentalisée et en toute liberté. Après, les gouvernants pourraient estimer qu’il est important d’apaiser la tension sociale à travers telles ou telles mesures prévues dans nos textes. C’est à leur discrétion. Mais la réconciliation ne signifie pas et ne saurait signifier l’irresponsabilité pénale absolue.

Les coups d’Etat ont connu une progression en Afrique ces dernières années. D’abord le Mali, ensuite la Guinée, plus tard le Burkina Faso. Le 1er février 2022, une tentative a été déjouée en Guinée Bissau. Sommes-nous en train d’assister à une renaissance des coups d’Etat ?

Oui ! Et cela je le dis tout net, mais pas avec enthousiasme. Je ne crois pas qu’il y ait un seul Burkinabè, y compris ceux qui prennent le risque de faire des changements anticonstitutionnels, qui voudraient que l’on en arrive à cette situation dans son pays. C’est ma position. Toute situation sensible comme celle-là est un retour en arrière et il faut le déplorer. Mais il ne faudrait pas oublier que les principes sur lesquels se fondent le protocole de la CEDEAO sur la bonne gouvernance et la démocratie, n’impliquent pas seulement l’interdiction de changements anticonstitutionnels. On oublie souvent que l’article 32 du protocole implique aussi la bonne gouvernance, la liberté d’expression, l’égalité devant la loi, etc…

Tous ces fondamentaux, nous dit le protocole, sont des éléments qui permettent de préserver la paix sociale, d’éviter les conflits et les crises inutiles qui font reculer les Etats africains. Je suis très content que les chefs d’Etat de la CEDEAO soient en train de penser qu’il est temps de réviser le protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance. Mais le piège à éviter est de penser que la révision de ce protocole implique exclusivement le durcissement des dispositions ou des sanctions. Il faut repenser les approches et se poser les vraies questions. Comment sommes-nous arrivés à cette situation au Mali, en Guinée, au Burkina et celle dans laquelle la Guinée Bissau a failli se retrouver ?

Il faut se dire que les questions de bonne gouvernance, de liberté d’expression, d’égalité devant la loi, etc., sont aussi des fondamentaux prévus dans les textes. S’ils ne sont pas tous pris en compte, cela pourrait encore constituer une source perpétuelle de montée de tension et de recul démocratique. Ce sont ces écueils qui nous conduisent dans des situations dramatiques. L’idée de réviser le protocole est une occasion unique d’adresser les différents problèmes politiques, sociaux et économique dans lesquels nos Etats se trouvent et qui malheureusement nous plongent dans des situations irréversibles.

Rachid Sow (Stagiaire)
Erwan Compaoré (Stagiaire)
Lefaso.net

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique