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Thèse de doctorat- sociologie : La gratuité des soins améliore-t-elle la qualité technique et relationnelle des soins curatifs ?

Publié le mardi 18 janvier 2022 à 11h00min

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Thèse de doctorat- sociologie : La gratuité des soins améliore-t-elle  la qualité technique et relationnelle des soins curatifs ?

Maurice Sarigda a été élevé au grade de docteur en sociologie avec mention « très honorable » ce vendredi 14 janvier 2022 à l’université Joseph KI-Zerbo. Pour motif, il a présenté le fruit de ses recherches doctorales portant sur la suppression des paiements des soins au profit de certaines catégories socialement vulnérables à un jury composé de quatre membres, sur le thème « Contribution de l’exemption direct des soins à l’amélioration de la qualité technique et relationnelle des soins curatifs dans les formations sanitaires de base de la région du Centre (Ouagadougou), Burkina Faso »

L’accès des populations aux services de santé demeure l’un des défis majeurs des politiques sanitaires conçues et mises en œuvre dans les pays africains. L’Initiative de Bamako (IB) qui visait à accroître l’utilisation des services de santé en rendant les soins géographiquement, financièrement et socialement accessibles avec la pleine participation des communautés locales s’inscrit dans cette lancée, a expliqué l’impétrant. Dans son exposé, il a fait savoir que le principe de paiement à l’acte constitue une barrière à l’utilisation des services de santé.

Des pressions exercées sur les pays africains vont aboutir à la naissance dans les années 2000 d’un nouveau paradigme dénommé « exemption de paiement direct » des soins au point de prestations au profit de certaines catégories sociales (femmes, enfants de moins de 5 ans, personnes âgées.). Sur le plan politique, la gratuité fait l’objet d’une forte présidentialisation car elle est le plus souvent présentée comme une offre politique à des fins électoralistes.

Selon l’impétrant, « au Burkina Faso, le taux de mortalité infanto-juvénile demeure élevé. La barrière financière est souvent indexée comme étant la cause de non utilisation des services de santé accentuant le risque de décès dans cette frange de la population. Des politiques sociales d’allègement des charges financières notamment la gratuité des soins au profit des enfants de moins de 5 ans est conçue et mise en œuvre depuis avril 2016. Elle vise la réduction de la mortalité infanto-juvénile. L’application de cette politique de gratuité a emmené la surconsommation des services de santé par les bénéficiaires (augmentation de 77% entre 2015 et 2018) »

Maurice Sarigda, impétrant

La politique de gratuité des soins améliore-t-elle la qualité technique et relationnelle des soins curatifs ?

Ici, l’étudiant s’est donné pour objectif d’analyser la qualité technique et relationnelle des soins curatifs dans un contexte d’exemption de paiement des soins. L’hypothèse principale affirme que l’exemption de paiement des soins curatifs induit l’inobservance des pratiques techniques et relationnelles officielles en matière des soins curatifs dans les formations sanitaires de base de la région du Centre (Ouagadougou), peut-on entendre

Selon le constat fait sur le terrain par M. Sarigda « le non-respect des pratiques techniques recommandées lors de la dispensation des soins curatifs aux usagers par les soignants s’explique par la faible prise en compte des normes officielles en vigueur dans le contexte de gratuité ; la logique d’action ayant conduit à l’adoption de la gratuité milite en faveur de la dispensation des soins techniques et relationnels plus complets pour les bénéficiaires que les non bénéficiaires ; la recherche du consensus social par les bénéficiaires de la gratuité au détriment des revendications dans leurs rapports sociaux avec les soignants ne favorise pas l’augmentation de leurs capacités d’action (Empowerment) »

Aussi, il a ajouté que « la qualité technique des consultations curatives est caractérisée par la non systématisation des actes/soins essentiels : dans l’ensemble, près de 3 patients sur 10 (27%) n’ont pas bénéficié d’une prise de la température et du poids durant les consultations. C’est surtout en milieu urbain (50,8%) et en milieu rural (21,2%) que les usagers ne bénéficient pas de la prise de ces paramètres physiologiques. » Pourtant, regrette-t-il « ces deux constantes physiologiques sont basiques dans toute consultation curative. »

Un autre point soutenu par l’impétrant était la prescription des antibiotiques. Dans ses propos, 68,6% d’ordonnances comportaient au moins un antibiotique variant entre 74,6% en milieu urbain, 65,9% en milieu semi-urbain et 63,6% en zone rurale. Pourtant, la norme de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande que la proportion des antibiotiques dans une ordonnance n’excède pas 50%.

L’assistance

Pour lui, le non- respect des normes en matière de consultation curative explique l’utilisation non rationnelle des médicaments dont les antibiotiques. Les soignants utilisent généralement l’expression « couverture » qui est polysémique pour justifier cette pratique pourtant proscrite qui contribue à l’augmentation de la résistance aux antimicrobiens.

Relations soignants-soignés

La relation entre le personnel soignant et le patient n’a pas toujours été agréable. Pour preuve, l’impétrant a indiqué que : « près de 15% d’usagers n’ont pas bénéficié d’offre de siège les contraignant à rester débout durant toute la consultation. C’est surtout en milieu semi-urbain que de nombreux usagers sont restés debout durant la consultation curative (24,4%). Quant aux échanges de civilités, 1 usager sur 4 (25,5%) n’a pas bénéficié de salutations d’usage, variant entre 35,6% en milieu semi-urbain, 30,5% en milieu rural et 3% en zone rurale ». De plus, des violences verbales, symboliques, des rackets des usagers par les soignants sont une réalité dans les centres de santé enquêtés. Ces situations conflictuelles sont exacerbées par les ruptures en médicaments et consommables médicaux.

En conclusion, Maurice Sarigda a affirmé que « la gratuité n’a pas entraîné de compétition sociale entre les CSPS d’une part et les équipes de soins à l’intérieur de chaque CSPS d’autre part. Au niveau des bénéficiaires, l’adoption de comportements compatissants par les usagers au profit des revendications/négociation n’a pas permis d’améliorer les capacités de négociation (Empowerment) des usagers. »
« Il faut renforcer les CSPS en matériels d’équipements médicaux et techniques, rembourser à temps les dépenses effectuées par les CSPS dans le cadre de la gratuité et organiser des rencontres de restitution des résultats des évaluations des activités cliniques des CSPS » a-t-il suggéré

A la fin, le nouveau docteur a exprimé ses sentiments de joie et de gratitude à l’endroit de son directeur de thèse, le Pr Augustin Palé « Je suis vraiment très satisfait des résultats atteints. Ces résultats ont déjà été publiés dans trois revues scientifiques et ont fait l’objet d’une communication (orale) scientifique. Je dis merci à mon directeur de thèse pour son soutien constant et ses conseils précieux. »

Dofinitta Augustin Khan
Lefaso.net

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