Procès Sankara : « Blaise Compaoré s’est collé à Thomas Sankara pour prendre le pouvoir », dixit le témoin Kaboré Abdoul Salam
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Après une suspension d’environ une heure, l’audience du jeudi 23 décembre 2021 à repris avec la lecture des procès verbaux des dépositions des témoins absents. La première déposition à être lue est celle de Kaboré Abdoul Salam, ministre des sports et responsable du service populaire de la construction de la patrie au moment des faits.
Il confie que le 15 octobre 1987, il était à son bureau situé au sein du stade du 04 août. C’est dans la soirée que des personnes seraient venues lui dire que la ville était inaccessible parce qu’il s’y passait quelque chose.
Au courant des bruits qui avaient circulé avant le jour fatidique sur l’éventualité d’un coup d’état, il s’est alors empressé de joindre Thomas Sankara, Blaise Compaoré, Henri Zongo et Jean Baptiste Lengani mais personne ne répondait. Ayant essayé aussi d’avoir Michel Koama au téléphone, il tombe sur son adjoint Elisée Sanogo qui leur apprend à lui et Sanou Bernard qu’il avait rejoint entre temps au génie militaire, que Koama a été tué.
Ayant appris plus tard que Sankara avait été liquidé, ils appellent à Koudougou Boukary Kaboré dit le lion. Au cours de la discussion, ils essayent de convaincre "le lion" de ne pas réagir afin d’éviter une effusion de sang. Après ces échanges, le témoin dit être rentré chez lui. Il a contacté Jean Pierre Palm, qui l’a invité à venir au conseil, invitation qu’il a déclinée. Il souligne en passant, qu’il existait une inimitié entre Palm et Thomas Sankara, mais ne saurait situer la responsabilité de Palm dans la mort de Thomas.
Sur les responsabilités civiles et militaires de la mort du père de la révolution, le témoin affirme que les exécutants étaient les éléments du CNEC et pour les commanditaires il penche pour Blaise Compaoré. Pour ce qui est des civils, le témoin soutient que la révolution s’était fait beaucoup d’ennemis et certains en avaient gros sur le cœur, surtout qu’ils n’avaient pas d’avantages particuliers. Kaboré Abdoul Salam dit avoir été détenu pendant huit mois au conseil sur ordre de Jean Pierre Palm, avec comme geôlier Gilbert Diendéré.
Une action préparée et organisée par Blaise Compaoré
Dans sa déposition, Kaboré Abdoul Salam, affirme que Blaise Compaoré s’est collé à Thomas Sankara pour prendre le pouvoir car il savait ce qu’il voulait. Et c’est pour cela que dès leur formation au Cameroun, il n’a plus, selon lui, lâché Sankara. C’était grâce à Sankara que Blaise Compaoré avait intégré le premier groupe d’officiers voltaïques composés du témoin, pharmacien commandant en son temps, Jean Baptiste Lengani, Henri Zongo et Thomas Sankara. Et le coup d’état qui avait porté Jean Baptiste Ouédraogo au pouvoir, avait été orchestré par ces jeunes officiers en attendant leur tour. Ce n’est donc pas, selon son récit, Blaise Compaoré qui a pris le pouvoir pour le remettre à Thomas Sankara comme beaucoup le pensent. C’était un coup bien préparé, où chacun a brillamment joué la partition qui lui était attribuée.
Il dit de Blaise Compaoré qu’il n’était pas un guerrier comme l’était Sankara, un vrai militaire dans l’âme. " Thomas Sankara conçoit et se met devant pour exécuter. Alors que Blaise conçoit, et envoie quelqu’un d’autre exécuter à sa place. "Je n’avais pas confiance en lui", explique le colonel pharmacien à la retraite. Il ajoute que Compaoré s’est laissé influencer par les personnes extérieures ( Houphouet Boigny, Jacques Chirac, Sassou N’guesso), qui comme lui ne croyaient pas en la révolution.
"Il s’est laissé avoir. Blaise Compaoré ne croyait pas en la révolution. On a vu comment le pays est devenu après son accession au pouvoir", ajoute le témoin. Kaboré Abdoul Salam précise que dans la préparation du coup d’état, un hélicoptère venu du Togo avec des soldats à son bord, était prêt à décoller avec Blaise Compaoré si le coup échouait.
A en croire toujours le témoin, les choses auraient pu se passer autrement le 15 octobre 1987. Thomas Sankara n’était pas de ceux qui s’accrochaient au pouvoir, car il pensait déjà à se retirer bientôt. Thomas Sankara lui aurait demandé un jour
comment ils allaient faire après tout ça pour devenir de simples citoyens lambdas ? Et Kaboré Abdoul Salam de lui dire qu’ils trouveraient une solution.
Dans les dernières lignes de son témoignage devant le juge d’instruction, M. Kaboré a laissé entendre que l’assassinat de Thomas Sankara était une grande perte pour le pays, car il arrivait à fédérer les choses.
Armelle Ouédraogo
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