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Prostitution au Burkina : le phénomène se déporte sur les réseaux sociaux

14 août 2018, 11:22, par korojo

Merci Monsieur Dimitri OUEDRAOGO, et bravo d’ avoir eu le courage de soulever ce problème dans ce pays.
Il faut bien lever le lièvre afin que les dispositions nécessaires soient prises par les autorités.
Ce n’ est pas la seule enquête. Voici une autre triste réalité :
« Prostitution des mineurs à Ouagadougou » : nuit blanche avec des " crudités "

La prostitution a un nouveau visage dans la capitale burkinabè. Des adolescentes de 13 à 17 ans, qualifiées de « crudités », occupent plusieurs artères de Ouagadougou, une fois la nuit tombée. Enza, Alima, Roxane, Balkissa…toutes des racoleuses mineures, se « vendent et s’achètent » à vil prix...

Il est 18h 53mn, le samedi 5 novembre 2016 sur l’avenue du président Thomas Sankara. Le soleil couchant fait place à la lumière de quelques lampadaires. En face du Lycée Philippe-Zinda-Kaboré, vendeurs de fruits, mécaniciens et tabliers animent la rue. A proximité du Musée de la musique, Moussa, boutiquier, expose ses articles. En ce début de soirée, Rosa lui tient compagnie en attendant l’ouverture de la « chasse aux hommes » dans la pénombre. Cigarette en main, la jeune fille, habillée d’un collant noir et d’un haut bleu, s’éclipse à l’arrivée d’un taxi. A bord de la « carcasse », Estelle, une adolescente. Sac d’écolier au dos, elle noue un pagne du 8-Mars accompagné d’un body blanc. Les deux filles, visiblement très jeunes, se connaissent bien. Elles échangent les civilités, se partagent le mégot de tabac et font les derniers « réglages » : coup de peigne par-ci, rouge à lèvres par-là, un coup d’œil dans le miroir. Ça y est ! Le pagne est rangé dans le sac et confié au tablier. La tenue de Estelle laisse ses parties intimes presque visibles. Seulement un lambeau de jeans bleu, d’à peine 15 cm, lui sert de culotte. A 19h20, elles entament leur « défilé de mode », ralliant le Centre d’information des Nations unies (CINU) au Rond-point des Nations unies. Des « psssst » pleuvent au passage des usagers.
Depuis 2014, une fois la nuit tombée, Estelle, 16 ans, a rendez-vous avec l’avenue dédiée au père de la Révolution d’août 1984, selon les dires de Moussa, auprès de qui nous nous faisons une place. Nous engageons une conversation avec le jeune d’une trentaine d’années sur l’« activité » des deux mineures. Timide au début, Moussa se confie peu à peu, surtout, lorsque nos échanges virent en langue nationale, dioula. Il nous demande un peu de patience, car « le bal s’ouvre à 20h ici ». Très bien informé sur ce « commerce », le tablier nous renseigne qu’une dizaine de filles dont l’âge est compris entre 12 et 18 ans font la pluie et le beau temps sur l’avenue Thomas Sankara, chaque nuit, avec un point d’honneur les week-ends. « Elles viennent de Bobo-Dioulasso, de Ouahigouya, de Banfora, de Pô, de Fada N’Gourma, de Dédougou, de Ouagadougou…La plupart de ces petites filles sont des Burkinabè », précise-t-il.

Des clients à l’arraché

19h 55mn. Un motocycliste dépose Alima. Grande de taille et filiforme, elle est habillée d’une courte robe de soirée. Petit sac à main, la fille de 16 ans au déhanchement sensuel, traverse la voie et se fait une place sous un lampadaire. A 20h05mn, un taxi, en provenance du rond-point se range à une dizaine de mètres de notre interlocuteur. Enza, coiffée de perruque, est la première à descendre du véhicule. Elle est suivie de Balkissa, tête coiffée à ras, géante. Les deux confient également leurs sacs à Moussa et rejoignent Alima. Une quinzaine de minutes à peine (20h20), Enza monte derrière un motocycliste après un bref marchandage. Ils rentrent dans le quartier Paspanga en quête d’une auberge, selon le tablier. Plusieurs hommes marquent des arrêts et discutent du prix de « vente » avec Alima. Finalement, elle embarque à bord d’une Mercedes 190 et emprunte la même direction que Enza. Estelle, quant à elle, enchaîne les : « pssst », « bb, vient faire… », « on ne b…pas ce soir ? ». Nous lui tenons compagnie un instant. « Je fais à 7 000 F CFA avec la chambre », nous dit-elle. « Ok, mais revois ton prix à la baisse », rétorquons-nous. « 6 000 F CFA. Mais toi, tu as combien ? », lance Estelle. Face à notre lenteur, elle nous quitte à l’arrivée d’un client. Avec lui, le dialogue est houleux : « 7 000 F CFA avec la chambre », laisse entendre Estelle. « Moi, j’ai 3 000 F CFA avec chambre », lui répond le jeune. « Avec 6 000 F CFA, on part », ajoute-t-elle. Le jeune homme tient mordicus sur sa proposition. La fille de 16 ans lui propose la somme de 5 000 F CFA, puis de 4 000 F CFA. Le « marchand » tente de démarrer sa moto. Elle s’y accroche : « Ok, 3 000 F CFA, on peut aller ». Estelle a sa première « prise » de la nuit, à 21h10. Quelques instants plus tard, Enza et Alima sont de retour. Cette dernière n’a pas le temps de se reposer. Aussitôt descendue de la voiture qu’elle grimpe sur une moto. Nous décidons d’accoster Enza. Mais, un client plus rapide fait son apparition. Bref entretien, elle prend la même voie avec ce nouveau motocycliste. Pendant tout ce temps, Balkissa trotte sans qu’aucun passant ne lui pipe mot. L’adolescente, dans un français approximatif indique qu’habituellement, son « prix » est de 5 000 F CFA. Mais, pour ce week-end, elle est apte à « satisfaire un homme à demi-tarif », c’est-à-dire 2 500 F CFA. Elle confie d’ailleurs, ne pas connaître la source de sa « malchance » du jour. A chaque passage d’engins, Balkissa nous tourne le dos, et se plaint par moments de notre présence. « Tu gâtes mon marché. Si tu veux me parler, reviens après ou appelle-moi demain dans la journée », lâche-t-elle en s’éloignant. 21h40. Non loin du feu tricolore du Rond-point des Nations-unies, à l’arrière du « Jardin de l’Amitié Ouaga-Lodun », Vanessa est avec deux « grandes sœurs ». Ici, les chewing-gums dans la bouche des filles claquent tel un bruit d’applaudissements. De teint clair et forme svelte, elle est habillée d’une robe blanche. Elle se met à l’écart pour nous accueillir. « Oui bb, on va faire ? 5 000 F CFA avec chambre, y a tout sauf la pipe. Tu ne vas pas le regretter », dit-elle. Nous lui prions de nous offrir ses services à 2 500 F CFA. « A 3 000 F CFA si tu veux. Mais, on va dans la chambre de 1 000 FCFA », affirme Vanessa. Pour elle, c’est le minimum, pas question de céder. En face du Zinda, le « marché » semble à son paroxysme et il y règne une ambiance des jours de fête. Clients et filles s’entremêlent. Les arrêts des premiers et les allers-retours des secondes se multiplient.

Incursion dans les chambres de passe

Après son 4e « client », nous abordons Enza. Son tarif est identique à celui de Vanessa. Lorsque nous lui dévoilons l’objet de notre présence après d’intenses échanges, elle nous propose une incursion dans une chambre de passe, à condition que nous déboursions les frais de l’auberge et lui donnions « quelque chose » pour compenser le temps perdu. Affaire conclue. Il est 23h15. Direction l’auberge « Le rônier ». Le parqueur est au four et au moulin. Torche en main, le jeune d’une vingtaine d’années marque les engins, remet les tickets de parking aux « visiteurs », range certains et en fait sortir d’autres et encaisse ses sous. Près d’une trentaine d’engins, motos et voitures de toutes les marques jonchent son parking. A l’intérieur, Enza informe le gérant qu’elle a besoin d’une chambre de 2 000 F CFA. Impossible d’identifier qui que ce soit, dans la vaste salle d’attente, à peine éclairée. Plus d’une dizaine de « couples » sont assis, bras-dessus, bras-dessous. Tour à tour, le gérant invite les filles à occuper les chambres. Une quinzaine de minutes après, c’est notre tour. Enza récupère la clé et un préservatif. Elle se dirige à la chambre n°4. Cette dernière est ventilée, et à l’angle, est accrochée une télévision câblée sur la chaîne nationale. Un lit d’une place et demie sert de couchage. Le drap porte toujours les stigmates du « couple » précédent : froissé, fourre dégarnie et les coussins en désordre. Dans la douche interne, un seau rempli d’eau pour le bain des amants les y attend. Enza indique que l’auberge a recruté des jeunes chargés de la propreté des lieux, et d’autres pour la sécurité des filles de joie. « Dès qu’on rentre, il n’y a pas de temps à perdre. Je prends mon argent d’abord et on se déshabille. Je l’aide à porter le préservatif et on fait l’amour. S’il finit, je jette le préservatif dans le WC. Je me réhabille et me maquille un peu, et on s’en va », détaille l’adolescente de 15 ans.


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