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Usine Cimasso de Bobo-Dioulasso : « Négligeables », les risques de pollution de la nappe phréatique, selon la contre-expertise

16 mars 2017, 01:13, par Mwinsome

CIMASSO autorisée à polluer durablement de manière "négligeable".
La démarche choisie par le gouvernement de Paul Kaba THIEBA rappelle et ressemble étrangement à celle préférée par le régime de Blaise COMPAORE pour élucider l’énigme de la mort du juge Salifou NEBIE : recours à une expertise extérieure par défiance vis-à-vis des compétences nationales pour la résolution d’une question très sensible.
A l’époque, alors que l’opinion publique, sous la conduite du procureur général du Faso, Wenceslas ILBOUDO, était acquise à la thèse d’un "homicide volontaire" consécutif à l’usage d’armes contondantes selon les premières analyses mortuaires réalisées le 27 mai par une équipe burkinabè, le rapport d’autopsie rédigé par le médecin légiste français Stéphane CHOCHOIS, dépêché à Ouagadougou dans le cadre d’une demande d’assistance technique, conclut que le juge constitutionnel est décédé "des suites d’un accident de la circulation, avec percussion violente par un engin indéterminé".
Dans le cas présent de CIMASSO, deux camps opposés dont les contours et le rapport de force nous échappent se sont affrontés plaçant les autorités devant un dilemme : faire droit aux avantages économiques convoités par l’entreprise, mettre la sécurité des citoyens au-dessus de toute considération d’intérêts privés.
Si dans les deux cas, il s’agit bien de défendre le droit à la vie, soit d’une victime particulière, soit d’une population difficilement quantifiable dans le temps et l’espace, l’enjeu identique consiste à comprendre pourquoi attenter à la vie de personnes qui ne demandent qu’à comprendre et exercer leurs droits et devoirs. L’engagement pris au moment de son enterrement par un ami de Salifou NEBIE de se battre pour démasquer ses assassins n’a pas abouti à ce jour. Puisse son vœu que « la mort de Salifou Nébié soit un ferment pour les consciences encore endormies » trouver dans le débat en cours une opportunité de réalisation. On pourrait, en effet, se demander :
Qu’est-ce que la population de Bobo-Dioulasso a fait de mal pour justifier que son sort soit exposé de génération en génération à des risques « négligeables » de pollution de ses nappes phréatiques ? Que devrait-elle faire pour bénéficier de toutes les précautions du pouvoir en vue de la protection sûre et totale de ces dernières et pour le bien-être des victimes potentielles de ce projet d’investissement ?
Ma première réaction était de lancer un appel à la résistance, mais avec quels arguments et par quel canal pour éviter qu’il ne soit ni entendu ni compris ?
Je pense plus efficace de lancer cet appel à la promotion de l’intérêt général par chacune des parties prenantes de ce projet.
A moins d’ignorer la valeur de la ressource « eau », le gouvernement ne devrait accepter de courir aucun risque de pollution même négligeable des nappes phréatiques du HOUET, ni par CIMASSO, ni par aucun autre investisseur ou entrepreneur national ou étranger, même si cela s’accompagne de recommandations d’experts internationaux tels Dr Alexandre REPETTI, l’auteur de la contre-expertise internationale et indépendante commanditée par le premier ministre en vue d’orienter la prise d’une décision avisée sur le sujet. Une experte nationale et patriote en la personne de Mme Karidia ZONGO/YANOGO, députée à l’Assemblée nationale, interpelait le ministre de l’Eau et de l’Assainissement en ces termes, au cours de la séance du 22 avril 2016 : « L’eau souterraine, bien qu’elle soit cachée et invisible est fragile et souvent vulnérable aux nombreuses sources de contamination découlant des activités humaines : industrielles, minières, agricoles et j’en passe. Le traitement d’une eau souterraine contaminée peut s’avérer long et coûteux, voire impossible. Nous avons suivi à cet effet, le documentaire réalisé par le secrétariat permanent du Plan d’action pour la gestion intégrée des ressources en eau sur la question. Du reste, vous avez, dans votre déclaration du 22 mars 2016, mentionné que c’est l’un des défis de votre département…. Quelles sont les dispositions prises et mises en œuvre, en dehors des actions de sensibilisation sur les sites, pour décontaminer les eaux déjà polluées et, naturellement, anticiper sur d’autres cas de pollution quand on sait que les activités humaines à l’origine de ces pollutions ne font que se multiplier ? »
Gouverner c’est prévoir, dit-on. Si l’Etat burkinabè manque à cette mission et que le mal se produit, c’est à ses représentants (premier ministre Paul Kaba THIEBA, ministres Stéphane SANOU, Niougou Ambroise OUEDRAOGO, Batio Nestor BASSIERE, maire Bourehima SANOU) et comparses et non à l’expert suisse que le peuple abandonné demandera des comptes : il vaut mieux investir aujourd’hui dans une délocalisation préventive de tout désagrément ou suite criminelle que de débourser follement demain pour une contre-offensive perdue d’avance.
CIMASSO devrait exposer clairement ses risques de pertes ou l’importance du surcoût financier que lui imposerait la délocalisation de son chantier sur les sites alternatifs proposés par les organisations locales de la société civile et rechercher avec sincérité les voies et moyens de les minimiser. Il soignerait avec succès son image de promoteur industriel dans la capitale économique du pays en préférant le renforcement de la cohésion sociale à la volonté de domination socio-politique.
Les OSC locales avec le soutien des syndicats mobilisés autour de la question devraient entrer en dialogue et offrir leurs concours à l’investisseur pour convenir des voies et moyens de compenser partiellement les frais de délocalisation de l’usine. En cas d’obstination de celui-ci, il faudra se résoudre à surveiller les travaux de construction de l’usine pour dénoncer les entorses aux normes internationales objet des recommandations du rapport de restitution présenté ce mardi 14 mars 2017 dans la salle du Liptako-Gourma, pour être fondé à opposer une résistance populaire légitime au démarrage de l’usine. Alea jacta est, le sort en est jeté !


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