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Crise touarègue au Sahel : Des impensés et des non-dits

27 décembre 2016, 17:29, par Eveline Kiswensida

Je ne partage pas votre point de vue Kôrô Yamyélé,

La terre appartient à qui ? Car à vous lire, on croirait qu’au commencement (s’il y a eu commencement), il y a eu un partage de terres à chaque ethnie, mais que certains ont été méprisés à l’occasion du partage, ou alors expropriés de leur terre. Les peuplements se sont faits par vagues de migrations. Les Hommes se sont toujours déplacés pour des question de survie, soit à cause de la nature, soit à cause du fait de l’homme (guerre, bannissement, ou pour des raisons professionnelles comme les éleveurs et leur bétail...).

Si vous prenez le cas des peuls, il faut savoir qu’il s’agit d’une ethnie qui est restée pendant longtemps nomade. Leur sédentarisation est relativement récente par rapport aux peuples agriculteurs. Vous en trouvez depuis la Mauritanie jusqu’en Afrique centrale. Du fait de l’élevage, les peuls se sont répartis très largement dans l’espace et ont plus ou moins été bien accueillis dans les différentes contrées. Peut-on à présent parler d’inexistence d’un Etat peul et en faire un problème comme vous le faites ? Et cette absence d’Etat-ethnie serait-elle le fruit d’un mauvais partage ? Non assurément ! Il y aurait peut-être un problème peul (si problème il y a), mais est ce vraiment celui de l’inexistence d’un Etat appartenant à une ethnie pure ? Est ce que les problèmes dont vous faites cas (si tel est que c’est vrai) ne sont pas ceux de l’anachronisme d’un mode de vie nomade face au fatalisme d’un monde sédentaire ?
Par ailleurs, je constate que les peuhls ne sont pas les seuls migrants de l’histoire. Pourquoi alors certains ont réussi à trouvé leur place et non pas les peuls (si tant est qu’il y a bien un problème purement peul) ? Cette question pourrait partiellement trouver une réponse sociologique : les peuls ont toujours refusé l’assimilation et sont en général repliés sur eux-mêmes. Leur mœurs sont très conservatrices, ce qui expliquent qu’ils aient pu conserver leur langue quasi-intacte, malgré l’éloignement géographique.

Le même raisonnement peut se répéter au sujet des Touaregs. Pourquoi les touarègues ne peuvent pas s’intégrer dans l’Etat moderne, et pourquoi faut-il un Etat Touarègue ? Est-ce réellement parce qu’ils sont exclus ou bien se pourrait-il qu’eux-mêmes refusent la vie avec les autres peuples ? Qu’est ce qui empêche les touarègues de rentrer dans la république multiethnique ?
Il s’agit jadis de peuples nomades marchands et/ou éleveurs. C’est ce qui explique aussi qu’il y ait une grande répartition géographie à leur sujet. SI ON SUIT VOTRE RAISONNEMENT, LES 5 MILLIONS DE TOUAREGUES AURAIENT JADIS UN TERRITOIRE QUI S’ETENDRAIT DEPUIS LA MAURITANIE A LA LYBIE ET PASSANT PAR L’ALGERIE. Or, en réalité, tout ce vaste territoire était une zone de trafique pour le commerce entre le Sud, le Nord et l’orient ; et il n’y a pas que les touarègues qui y vivent d’ailleurs ! Quand viennent les changements avec la fin du commerce camelin transsaharien et l’ère de l’Etat moderne, les populations touarègues ont-elles su s’adapter ?

Voilà une autre façon, bien plus pertinente, de voir le problème de ceux qui nous attaquent en prétextant le faire au nom des touarègues délaissés. Votre comparaison des peuls (persécutés) avec les juifs est malvenue et très grossière. Gardons la juste proportion des choses Koro Yamyélé : il est vrai que, de nos jours, la victimisation est un argument qui nous donnent tous les droits, même celui de nier les droits et la liberté des autres.

Eveline Kiswensida


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