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Universités publiques du Burkina : Une bombe à retardement

6 février 2016, 09:46, par Eveline kiswensida

Bonjour à tous,
La question de nos universités est très brûlante. Il ne s’agit pas d’une patate chaude refilée à Roch. Il s’agit là, et osons le dire tout haut, de la responsabilité d’une classe dirigeante en manque de vision. Ce qui arrive aujourd’hui était bien prévisible mais l’on a préféré faire l’autruche avec des promesses et des réformes mineures sans réelle vision ni volonté. Alors s’agit-il d’une patate refilée ? non assurément, puisque la même classe dirigeante est au pouvoir aujourd’hui. Oui, Roch et sa suite sont aussi comptables de cette catastrophe. Peut-on faire du neuf avec du vieux pourri ? l’avenir nous en dira. En attendant, j’ai le sentiment que le pire est devant nous. A écouter le ministre de l’enseignement supérieur, l’improvisation semble toujours être la règle. Aucune vision ne dicte les actions. On est débordé, on colmate ce qu’on peut, grosse pagaille.... où allons nous ? quelle vision pour notre pays ? Notre système d’enseignement est-il capable de soutenir les efforts de développement et d’innovation du pays ? Si cette question est répondue, alors nous saurons quelle vision nous avons pour notre enseignement et nos universités.

On nous dit de ne pas souvent comparer, mais le retard que nous prenons sur nos voisins est tel que seul la comparaison* permet d’en mesurer l’ampleur :
- La Côte d’Ivoire ouvre des universités à la pelle et recrute en masse (véritable décentralisation). Elle propose 600.000 fcfa comme salaire (niveau assistant) sans compter les primes de recherche qui sont à 2.000.000 fcfa/an. On me dira que le Burkina n’est pas la Côte d’Ivoire. Certes, mais voyons au Niger.
- Au Niger, le traitement salarial d’un assistant est à peu près de 600.000 fcfa. Il faut préciser ici que la côte d’Ivoire d’Alassane Ouattara s’est alignée sur le traitement salarial nigérien, estimant qu’elle ne pouvait faire moins que ce dernier pays, considérant les ressources dont elle dispose. Précisons aussi que c’est aussi la Côte d’ivoire qui s’est alignée sur les primes de recherche du Niger.
- Au Bénin : Là aussi la décentralisation de l’université est une réalité (contrairement à la déconcentration au Burkina). Il y a plus de trois universités, avec une vraie décentralisation des UFR ; ce qui permet une véritable compétition des universités. Le traitement salarial d’un assistant est autour de 700.000 fcfa.
- Au Sénégal : La décentralisation des universités est aussi une réalité. Un assistant touche, dès la prise de fonction, 900.000fcfa.
- Au Burkina Faso, la décentralisation tarde à prendre. Les universités annoncées en pompe peinent à sortir de terre, et celles qui sont sorties peinent à s’en sortir : problème d’infrastructure, traitement salarial médiocre, déficit budgétaire..... Les universités peinent aussi, il me semble, à recruter du fait d’un déficit de ressources humaines. Or, même la plus ancienne des universités n’est pas en même de produire sa propre ressource, c’est à dire, des assistants (des docteurs). Résultat d’opération, pléthore d’étudiants, grève d’enseignants, faillite du système.
Précisons qu’un assistant touche dès sa prise de service 270.000 fcfa avec une prime de recherche de 750.000 fcfa/an (corrigez moi si je me trompe). Alors nos enseignants vont voir ailleurs dans le privé, ou s’exile en Côte d’Ivoire. Ajoutez à cela, si l’enseignant à le malheur d’avoir moins de 30 ans, il devrait faire le SND et se faire payer 45.000 fcfa pendant un an (le SND est pour ma part illégal, car tous les burkinabés ne sont pas égaux devant cette charge). Toute chose qui n’encourage pas l’excellence des enseignants (ailleurs on prime ces chercheurs qui sont diplômés très jeunes) et rend moins attractif les universités publics. Si le privé propose le recrutement de postes permanents et mieux rémunérés, il y a fort à parier une OPA sur l’Université de Ouagadougou et sur Ouaga 2. Tous les jeunes assistants vous s’en aller !

Aujourd’hui seul le privé propose une offre de qualité, encore qu’il n’arrive pas à satisfaire le marché de la formation. Conséquence, les prix sont très élevés et les pauvres en sont exclus. Les crus du privé sont mieux outillés pour les concours et la recherche d’emploi, que les crus de nos université publics. Bombe à retardement dont explosion imminente.

*L’avantage en nature consistant à offrir tous les deux ans un voyage d’étude aux enseignants existe quasiment dans tous les pays sus-évoqués (en tout cas pour ce qui concerne la Côte d’Ivoire et le Sénégal)

Désolé de la longueur du propos. Ce n’est pas mes habitudes !

Eveline Kiswensida


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