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Grève des chauffeurs routiers : Une marche-meeting, et des pistes de solutions

1er avril 2015, 10:45

Je soutiens les grévistes et ceci pour plusieurs raisons, même si actuellement, moi même je souffre de la situation. En effet, je n’ai pas courant, pas d’eau et en plus j’attends une commission d’une ville voisine qui est bloquée depuis lundi soir.

Mais je regarde les choses au-delà de ma simple personne et voici ce que je constate :

* Les chauffeurs ne sont pas respectés par leurs employeurs : il n’y a pas le minimum de respect de la dignité des chauffeurs. J’en connais un qui est allé en voyage pour 3 mois, le soir de son mariage. Il a été appelé vers midi et son patron, qui était au courant du mariage, lui a annoncé cela à quelques heures du départ pour Lomé. S’il refuse de partir, il est viré sans autre forme de procès.

* Pour les patrons, le camion est plus important que la vie du chauffeur : on a souvent entendu des patrons, à la suite de l’annonce d’un accident, demander d’abord d’après l’état du camion et de la marchandise. Ensuite seulement, ils font vaguement allusion aux chauffeurs.

* Le minimum de décence et de dignité pour le travailleurs : tout est pour le patron, rien ou presque pour le travailleur, le chauffeur. Le salarié qui touchait 50.000 FCFA en 2000, touche le même salaire aujourd’hui, 15 ans après, alors que son patron s’enrichit de jour en jour.

* Les chauffeurs ne sont pas bien formés : les simples règles de gestion d’un camion ne sont pas enseignées aux chauffeurs. Du coup, ils représentent un danger pour eux-mêmes et pour les autres.

* Des camions qui défigurent notre environnement : les patrons se soucient très peu de la sécurité des chauffeurs et partant, de celles des Burkinabè même. En effet, ils refusent d’entretenir les camions et les cars. Combien de fois avons-nous vu des camions et car sans phare, feu rouge ou clignotant et même sans frein ? Et en cas d’accident, à qui on s’en prend, qui on lynche ? Au chauffeur, pendant que le patron est assis dans son bureau ou à la maison ou dans une de ses luxueuses villas. Il n’a même pas le temps de penser à entretenir son camion, ce qui l’intéresse ce sont les revenus, que ça roule.

* Les chauffeurs, des "assassins" innocents ? Un camion de vente de bois qui s’est renversé il y a quelques années au rond-point de la Patte d’oie sur une jeune fille brillante du Collège Lavigerie, tuant du coup cette jeune fille. Qui en est l’assassin ? On pourrait dire que c’est le pauvre chauffeur, qui a été même emprisonné un moment. Mais est-il le seul et vrai coupable ? Il aura sur sa conscience pendant toute sa vie, cette vie fauchée. Et son patron, qui a refusé d’entretenir ou de changer de camion, lui il n’a rien sur la conscience j’imagine...

* la CNSS doit lutter avec les chauffeurs : voilà du pain béni pour la CNSS. Elle devrait être solidaire des chauffeurs, pour exiger la déclaration de tous à la CNSS. Cela lui évitera de travailler à débusquer des patrons individuels cachés un peu partout. Si la CNSS soutient, même de manière souterraine, ces chauffeurs, elle améliorera sa gestion et le taux de couverture des Burkinabè.

* Chers patrons, occupez-vous des pauvres chauffeurs au lieu de rivaliser devant Dieu : on connait des patrons de sociétés de transport qui rivalisent de dons et de générosité pour les "pauvres" dans les églises et les mosquées. Ils organisent même des coupes, des dons... aux imams, pasteurs, prêtres, groupes de prières... Je pense modestement que s’occuper de ses travailleurs est plus important que de pleurer auprès de Dieu.

* Le Burkina en sortira plus beau : regardez l’état de notre parc, surtout les camions (de transport de bois et de boissons). Quand un camion est totalement déglingué, on lui confie le transport de bois et de boisson de la Brakina. Cela cause des accidents aux chaufeurs, aux citoyens et cause des problèmes à l’environnement (fumée, bruits...) N’est-ce pas le lieu de revoir tout cela et d’exiger des camions et cars plus récents ? Cela rendra nos routes plus sûrs et nos villes plus belles, nos rues moins embouteillées avec les accidents. Regardez un peu combien de vieux camions tombent en panne sur les coins névralgiques de la circulation de Ouaga (Pont de Baskuy, Avenue Bassawarga, route de l’Hôpital...).

* Les patrons toujours plus riches, et les chauffeurs toujours plus pauvres : chaque année, la Banque mondiale et le PNUD nous dit que les riches ont gagné encore plus d’argent et que les pauvres sont toujours de plus en plus pauvres. D’où cela vient-il ? De pratiques comme celles des patrons de cars et camion. En effet, dès qu’il y a une petite hausse de 25 fcaf du prix du carburant, les patrons joutent 500 à 1.000 fcfa sur le coût du transport. Mais cette hausse du coût du transport ne se ressent pas sur le salaire du chauffeur. Du coup, quand on fait le bilan, les patrons augmentent leurs revenus, alors que depuis des dizaines d’années, le chauffeur qui abandonnent sa famille durant des mois, qui courent tous les dangers des villes et des brousses, ne voit rien s’améliorer. Il ne peut pas acheter aujourd’hui, ce qu’il pouvait acheter il y a seulement 1 an même...

Je pense que chacun devrait se dire qu’il pouvait être à la place du chauffeur, dans cette jungle créé et géré par les propriétaires de sociétés de transport. Les chauffeurs routiers peuvent être no pères, nos oncles, nos frères... N’ont-ils pas droit à un peu plus de dignité ? De respect ? de décence ? Je crois que non.

Beaucoup de ces patrons sont des croyants, de grands croyants même. Il y en a même qui ont vécu cette misère de chauffeurs. Qu’ils comprennent la quête de bonheur, de vie meilleurs des autres. C’est à ce titre qu’ils vont commencer à engranger des éléments pour leur salut.

Je prie Dieu pour eux, et pour les chauffeurs.

Voici ma contribution.


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